Aleksandros Diamandis - Puisse le feu des Enfers vous consumer

La séance photo venait de se terminer, il était important que les choses aillent vite, aillent très vite, car il n'avait guère de temps à perdre même si tout cela faisait partie d'une stratégie de communication qu'il avait lui-même orchestré, avec le soutien de ses assistants malgré tout, il devait le reconnaître. Le monde appartenait aux gens qui se levaient tôt, le temps, c'était de l'argent, il y avait une flopée de petites citations qu'il était facile d'utiliser, mais elle restait néanmoins véritable la plupart du temps. Alek était attendu, il avait déjà eu un coup de fil d'un de ses contacts à la bourse de Hong-Kong, et dans quelques heures, cela serait sans doute New-York et ses partenaires Outre-Atlantique qui viendraient à le contacter. Cet empire, c'était lui qui l'avait créé et il était tout bonnement hors de question qu'il le voit s’effondrer ou qu'il se retrouve en perte de vitesse parce qu'il n'avait pas la volonté de faire ce qui devait être fait. L'argent était le nerf de la guerre, et même si en soit, Hadès se révélait être un parfait requin dans le monde impitoyable de l'industrie et par conséquent des finances, il n'y avait pas de recherches de gains pécuniers, mais bien le désir ardent d'avoir à nouveau sa place parmi les Dieux qui peuplaient la Terre. De venir à compter face aux forces qui menaçaient les anciennes générations dont il faisait partie. Car avant toute chose, il avait une famille à protéger, sa femme et ses enfants étaient devenus l'essence même de son être. 

Alek pose donc son regard sur la journaliste face à lui, c'est une belle femme, il faut le reconnaître, elle le toise un instant, puis elle se met à minauder, action volontaire ou non, son regard papillonne un peu, ses joues se colorent et elle se mordille la lèvre inférieure. Le stratagème n'a que peu d'effet sur lui, il s'est paré d'un sourire léger, mais presque commercial, alors qu'il sait bien que son apathie pourrait provoquer une mauvaise presse contre lui. Le domaine dans lequel il faisait fortune venait déjà à poser des questions de conscience, alors que beaucoup de personnes estimaient que les exploitants miniers n'étaient que des esclavagistes barbares qui faisaient travailler les enfants et condamnaient les travailleurs à une mort certaine dans de terribles souffrances. Il était difficile dans son cas, d'expliquer certains secrets de fabrication ou plutôt d'extraction. Les biens pensants pouvaient s'offusquer, les écologistes et les autres ONG également, il n'allait pas s'arrêter en si bon chemin. Néanmoins, puisqu'on se posait des questions sur lui, alors il allait y répondre avec une certaine bonne foi, où juste parce que c'était l'idée de son épouse, sinon cela aurait sans doute été une tout autre chose si ça n'avait tenu qu'à lui. 

- Monsieur Diamandis, je vous remercie d'avoir pris le temps d'accepter une entrevue.
- Tout le plaisir est pour moi … Dit-il avec un sourire posé face à la journaliste.
- J'aimerais qu'on revienne ensemble sur votre parcours, partir de presque rien en Grèce, vous avez néanmoins réussi à vous hisser au sommet sur le marché minier. Vous avez notamment fait la Une de Forbes dernièrement … Comment avez-vous fait ?
- De la volonté et de la persévérance. Et sans doute, une grande part de chance.

Certains auraient même pu dire de magie, cela ne l'aurait pas offusqué. Hadès avait toujours aimé se réincarner dans des hommes qui venaient de sa terre natale et qui avaient gardé en eux le secret espoir que les Divinités de l'ancien temps resurgissent. Quand le Styx s'était appauvri, quand les Hommes avaient fini par se détourner d'eux, que les offrandes s'étaient transformé en pillage, chacun avait dû faire avec ses propres talents pour continuer à parcourir la terre, continuer à exister. Lui qui avait toujours été si dévoué dans la tâche qui lui avait été confiée ou même imposé, il s'était senti perdu pendant une longue période, et le temps n'était pas la même chose pour un mortel que pour un Dieu. Et même s'il ne venait pas à s'inquiéter outre mesure pour ceux qui faisaient partie de sa famille, ou plutôt du même panthéon que lui, il était bien moins serein de l'avenir qu'il pourrait offrir à son épouse et à ses enfants. Il était loyal et dévoué envers ceux qui avaient su lui prouver leur valeur, mais aussi leur attachement à son égard. Mais il avait toujours vécu en sachant le mépris qu'il pouvait causer chez ses semblables, comme s'il n'y avait pas réellement d'honneur, ni de vertu à tenir la charge qui était la sienne. Les morts n'avaient guère besoin de guide, l'au-delà n'était qu'une croyance qu'on insufflait au cours de l'existence pour que les autres Divinités obtiennent toutes les offrandes, tous les sacrifices et les humains espéraient ainsi gagner une place bien plus charitable une fois de l'autre côté. Néanmoins, il avait été là, il avait toujours été là, jusqu'à ce que tout s'écroule pour eux, et personne n'avait été épargné par l'émergence de la religion avec un Dieu unique. Pas même Zeus. Il aurait pu se satisfaire de cet état de fait, son frère à présent démuni autant que lui, mais l'errance avait alors commencé et il avait été nécessaire de lutter pour ne pas disparaître. Usant alors de tromperie avec les êtres humains et surtout continuant à les appâter par la seule véritable chose qu'ils comprenaient et qu'ils adoraient plus que tout : l'argent, l'or, les richesses. 

- Voilà de belles paroles, Monsieur Diamandis, mais cela ne poussent qu'à vous poser d'autres questions. Ce prodige n'est pas arrivé tout seul.
- Je ne vais quand même pas vous révéler les meilleurs filons pour prendre ma place.
- Alors que répondez-vous aux critiques que de nombreuses organisations vous font, sur la façon dont vous exercez et sur le fait que vous vous enrichissez sur le dos de centaines, voir de milliers de pauvres travailleurs ?
- Si vous pensez cela, c'est que vous n'êtes jamais venu visiter une de mes mines. Il n'y a pas d'exploitations d'enfants, pas plus que de population qui serait exterminée dans une mine. Je veux de la part de mes employés, de la dévotion pour l'entreprise, du volontarisme, je ne cherche en aucun cas à les tuer à l'effort. Je ne suis pas le patron exemplaire, pas plus que le risque zéro existe, mais je fais en sorte de fournir à mes employés, quel qu'il soit, une bonne indemnisation salariale, une sécurité d'emploi et de santé au travail. Ce sont des équipes qui ont été sélectionnés pour ces tâches difficiles, pas de l'esclavagisme.

En tout cas, ce n'était plus à la mode aujourd'hui si on voulait avoir une part de choix dans la société. Hadès, ou Alek, voulait qu'on loue ses louanges, qu'on vienne à le vénérer sous une autre image, tel le sauveur de population en péril, qui venait à gagner en signant un contrat chez lui, pouvant offrir à leur famille ce qui était nécessaire pour une bonne vie et venant à avoir un statut plus haut que celui de leur entourage. Et ainsi, d'autres se mettaient à désirer d'être embauché chez « Diamandis Industries » et cela venait à générer alors une nouvelle génération de fidèles, car il était la poule aux œufs d'or d'une certaine façon et il tentait d'offrir ce qu'il fallait pour qu'on le remercie pour cela. La richesse et le pouvoir étaient toujours mal perçus, et surtout, ils venaient l'un comme l'autre à créer la jalousie. Mais il savait utiliser d'autres cartes également, touchant à de nouvelles sensibilités qui n'avaient pas réellement leur place par le passé. 

- On vous dit également philanthrope … Est-ce une réalité ou seulement un coup de communication de votre part ?
- L'humanité est une chose précieuse, qui est en perpétuelle évolution. Il faut savoir s'adapter à elle pour pouvoir suivre le changement, mais également pour la comprendre. Oui, je suis philanthrope et je dirais même plus, aussi écolo-responsable qu'on puisse l'être. J'ai compris auprès de ma femme, et même de ma belle-mère, pour vous dire … L'importance que la nature peut avoir dans notre fonctionnement à tous. Tous les gaz à effet de serre que je produis avec mon entreprise sont compensés par des partenariats avec diverses organisations mondiales pour la protection de la faune et de la flore, des associations de prévention de l'écosystème, mais également de l'éducation des jeunes générations pour les former aux épreuves de demain. Car c'est la jeunesse qui est notre moteur et je mise grandement sur eux. Pour le reste, je participe à différents projets de mécénat un peu partout dans le monde, notamment dans la préservation des domaines archéologiques grecs et romains. Mais c'est plus un plaisir personnel et une nécessité de soutenir la richesse du patrimoine de ma terre d'origine.
- Dans les journaux, ces dernières années, plusieurs rumeurs d'infidélité ont émaillé votre vie. Que pouvez-vous répondre à cela ?
- Je n'ai jamais été infidèle à mon épouse, depuis le jour où je l'ai vu, il n'y a plus eu qu'elle et il n'y aura jamais qu'elle. Maintenant, cette interview est terminée.

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