Aleksandros Diamandis - Hadès

Mon histoire figure dans peu de récits par rapport aux autres dieux de l’Olympe, et mon nom n’apparait que rarement dans les légendes, ce nom qui signifiait « l’invisible », ce nom qu’on avait peur de prononcer, considéré comme la destination finale des âmes des morts. Et ceux qui s’y sont aventurés ont en conté tant de versions que j’en venais parfois à douter de ce que j’avais pu vivre réellement. Un récit Tantôt enjolivé, tantôt enlaidi, à certains moments caricaturé… mensonges ou vérités, que je me surprenais à lire de temps à autres, parfois avec amusement, d’autres avec déception ou colère, mais bien souvent empli de nostalgie.

Né de l’union de Cronos et Rhéa, l’on raconte avec aisance ma venue au monde funeste, car aussitôt avalé par mon père, me faisant prisonnier en son sein par crainte d’engendrer un rival qui régnerait à sa place. Malheureux sorts que connaitraient également mes frères et sœurs. Un sort auquel échappera Zeus cependant, le dernier-né, que notre mère arrive à cacher pour lui donner la chance de vivre et de grandir, pour faire bien des années plus tard libérer sa fratrie des entrailles de leur père.

Nous avions alors choisi de nous rendre jusqu’au sommet du mont olympe, symbole alors de la rébellion qui venait de naitre, et qui sera connue sous le nom de guerre des titans, une guerre qui durera une dizaine d’années et qui verra les dieux olympiens sortir vainqueurs. Les trois frères, Zeus, Poséidon et moi-même avions alors décidé de nous partager le monde, et j’héritais bien malgré moi, de celui dont personne ne voulait, j’héritais du monde souterrain.


C’est un fleuve plein d'épouvante qui respire la mort, son eau est noire car jamais le soleil ne l'éclaire de ses rayons, « le Styx » tel est le nom de ce fleuve maudit qui traverse les entrailles de la terre pour lentement converger au centre du monde souterrain vers un vaste marais, sur sa rive une foule indistincte, des ombres, des damnés, celles et ceux qui quelques minutes plus tôt était encore en vie. Tout du long, des bruits lugubres traversent la pénombre, on entend le fracas des chaines, des plaintes et des sanglots, murmures incessants et éternels brisant le silence imposant de ces lieux où nul ne souhaite se retrouver. Puis soudain, une créature apparait devant les ombres, un chien à trois têtes, un chien immense aux yeux de braises, le terrible cerbère, chargé de surveiller la porte des enfers. Il lance des aboiements qui remplissent les morts d’une vaine terreur, et une fois qu’ils passent le seuil du palais, il ne leur permet plus de sortir, dévorant quiconque tente de s’échapper.

Ainsi est l'abîme qui châtie et enchaîne, et c’est sur ce monde dont on ne peut s’échapper et où nul œil du Ciel ne pénètre que je règne, moi Hadès, seigneur des morts, roi des enfers, le dieu qu’on ne nomme pas, car la crainte que j’éveille est si grande qu’on préfère taire mon nom. Ce royaume des morts, je ne l’avais pas souhaité, pas un seul instant, ce monde souterrain que même les dieux ont en horreur, deviendra toutefois ma demeure, faisant de moi le dieu le plus détesté et le plus craint, alors même que je m’évertuais à apporte un équilibre au monde humain que je protégeais du regard terrifiant des morts, et ainsi interdire toute interaction entre les deux mondes.


En de rares occasions il m’arrivait de quitter les profondeurs de mon royaume, ce jour-là je conduisais mon attelage le long des plaines de Cécile, non loin de l’Edna, quand tout à coup, une silhouette attire mon attention, là à quelques pas, se trouvait une jeune divinité, déesse du printemps, sa beauté éclatante enchantait surement toutes les déités masculines, elle s’appelait Cora, mais deviendrait plus connue sous le nom de Perséphone. Dès l’instant où mes yeux s’étaient posés sur elle, je savais que je ne souhaiterai plus rien d’autre, c’était le coup de foudre. Je n’avais pas pu avoir le monde que je souhaitais, j’aurais l’épouse que je voulais. Complétement obsédé par cette vision, le cœur complètement affolé, je décidais que je ferai d’elle ma reine.

Et pour ce faire, je me rendais alors dans l’olympe pour demander sa main à son père, qui n’était autre que Zeus, mais ce dernier ne souhaitant pas prendre de décision, usait de ruse en clamant qu’il ne pouvait ni m’accorder sa main, ni me la refuser, et il ne m’en fallait pas plus. Fort de cette réponse qui n’en était pas une, je me sentais libéré de toute contrainte vise à vis de mon frère. Je retournais alors sur mes pas, coiffais la Kunée me rendant invisible et quelques instants plus tard, je saisissais Perséphone par la taille, la soulevais, et nous entrainais tous les deux vers le gouffre des morts, où je la garderai cachée au reste du monde et ferai d’elle non seulement la déesse des enfers, mais également des richesses cachées de la terre, je l’aimerai et lui offrirai tout ce que je possédais, et s’il me fallait user de ruse à mon tour pour la garder je le ferai, pour cela je lui faisais manger de la nourriture des enfers, ainsi elle me reviendra pour l’éternité et elle finira par m’aimer.


Les mortels avaient bien tort de me craindre car la véritable mort, ce n’est pas l’enfer, c’est l’oubli, et qu’il était loin désormais le temps de l'Olympe et des divinités vénérées, redoutées et craintes. Nous avions régné avec Perséphone jusqu’à ce que notre royaume s’étiole, nos fidèles mouraient et d'autres, qui ne nous adoraient pas, les remplaçaient. Ils étaient de moins en moins nombreux à traverser le Styx, jusqu'à ce qu'aucune âme ne franchisse plus jamais ses berges. Ce royaux que je n’avais guère désiré mais que auquel j’assistais à sa disparition le cœur serré, laissant place à de nouvelles croyances, de nouvelles religions, l’humanité changeait effaçant petit à petit le souvenir de ses dieux tout puissants qui avaient fini par se lever de leurs trônes, contemplant avec effroi le progrès de l’œuvre de leurs ennemis.

Désormais le Styx est asséché, mais ma bien-aimée est toujours à mes côtés, et ensemble nous pouvions tout traverser, ensemble nous avions décidé de nous cacher, tapis au sein de l’humanité, nous avions prospéré vie après vie grâce à nos richesses et nos dons particuliers, ensemble nous avions fondé une famille, et si je n’avais plus de royaume, j’aurais toujours ma reine avec moi quoi qu’il arrive.