À l'heure du crime [Intrigue I - Terminé]

À l'heure du crime.
Charles Niémans ft. Luka Nozdriov

Jules Renard a écrit un jour "La vieillesse arrive brusquement, comme la neige. Un matin au réveil, on s'aperçoit que tout est blanc.". Mais disait-on lorsque la vieillesse n'arrivait jamais ? Que disait-on lorsque l'immortalité semblait être un bien lourd fardeau que la mort en elle-même ? Depuis toujours, les dieux avaient accepté le fait que jamais ils ne mourraient, et qu'ils devraient accepter la disparition des mortels auxquels ils s'étaient attachés. Pourtant depuis peu, on avait trouvé le moyen de mettre fin au règne des divinités. Puis une vague de peur s'était répandue au sein des panthéons. Mais tous n'étaient pas si terrifiés à l'idée de voir la fin de leur règne approcher. Après tout, celui-ci était déjà terminé depuis longtemps.

Luka était nue. Son réveil n'avait pas encore sonné mais elle était bien éveillée. Il faisait nuit à Paris puisqu'en cette saison, la lumière peinait à chasser l'obscurité la matin. Elle était assise sur le bord de son lit et contemplait les lumières de la capitale, une cigarette à la main. Tirant dessus, elle semblait se perdre dans ses pensées. Avait-elle peur de mourir ? Cette question la taraudait depuis qu'Odin avait perdu la vie. Qu'avait-elle à perdre ? Plus grand chose désormais. Elle n'aimait pas son panthéon, n'avait pas de personne à aimer, et pire encore, elle n'avait plus de fidèles. Rares étaient ceux qui se souvenaient d'elle, et cela ne serait qu'une question de temps avant que le monde moderne n'arrache leurs dernières racines. Alors elle vivait comme un mortel du XXIe siècle. Elle se levait tôt le matin, buvait son café, s'habillait, partait au travail, passait une journée morne, rentrait chez elle, puis elle partait se coucher avant d'entamer un nouveau cycle interminable le lendemain matin. Pereplut aurait pu mener une vie toute autre, mais ses siècles de vagabondage entre différentes capitales lui avaient laissé un arrière-goût de lassitude. Elle aurait aussi très bien pu vivre de sexe, d'argent et d'alcool comme certains de ses congénères. Mais à nouveau, pour quoi faire ?

Luka écrasa son mégot dans le cendrier qui trônait sur sa table de nuit puis entrepris un rituel lassant. Thé, douche, habillage. Son seul plaisir était de claquer sa paye dans des vêtements de luxe. Au moins, cela lui donnait l'impression de retrouver sa prestance d'antan. Vêtue de son pantalon à pince et son tailleur Hermès, elle faisait circuler les rumeurs au travail. On savait que les médecins légistes étaient bien payés. Mais pas au point de régulièrement pouvoir s'offrir des ensembles d'une des maisons françaises les plus réputées au monde. Alors certains avaient raconté à d'autres qu'elle était mariée à un riche homme d'affaire. D'autres allaient même jusqu'à croire qu'elle trempait dans des affaires de russes. Trop facile. Cela la faisait sourire. Elle n'avait pas besoin d'homme pour s'assumer, et encore moins d'affaires louches. Mais elle profitait simplement de sa fortune minutieusement amassée durant ses multiples vies. Elle attrapa un taxi puis se fit déposer au pied du travail. Rituel habituel. Elle passa le hall, fit passer son badge à tout un tas de portes sécurisées, salua les collègues puis au sous-sol. C'était sans doute là qu'on l'on envoyait les fouille-cadavres. Loin de la lumière et du monde civilisé, là où on ne choquerait personne. Sa collègue venait de partir si bien que toutes les lumières étaient encore allumées. A peine arrivée que la jeune femme trouva son premier boulot de la journée sous un drap blanc. Mais comme chaque matin était un cycle éternel, elle s'installa d'abord dans son bureau, alluma son ordinateur et fit défiler ses mails tandis que l'eau dans la bouilloire pour son thé avait été mise à chauffer. On téléphona au bureau. On lui annonça un visiteur.

Oui, merci. Faites le descendre et dites-lui d'entrer directement dans le bureau. Inutile qu'il toque à la porte. fit-elle dans un français impeccable mais teinté d'un accent russe avant de raccrocher le fixe interne.

Sa tasse de thé à la main, elle s'appuya contre la verrière de son bureau en attendant le visiteur matinal.

(c) AMIANTE

Qui s’en prenait aux dieux, et pourquoi ? D’abord, ce que Freyja avait aidé à identifier comme le meurtre d’Odin, sur lequel j’allais partir enquêter avec Epona. Et ensuite, ça, cette tentative de meurtre sur Nyx. Cela commençait à faire beaucoup, et au-delà de l’instinct de flic que j’estimais posséder avec les années d’expérience, ma très longue existence me soufflait qu’il ne pouvait pas y avoir de coïncidences. Cette enquête puait le coup fourré à dix bornes. Déjà parce que les terroristes utilisés par certains agents du Dieu Unique agissaient rarement seuls, et rarement par des moyens aussi simples et sans d’engins de mortalité de masse. De pauvres hères avec couteaux et armes à feu, on retrouvait plutôt ce genre de profil à proximité des gares. Ou d’autres bâtiments symboliques. Mais pas une simple boîte de nuit, et pas en ciblant spécifiquement la seule déesse présente ce soir-là. La ficelle était un peu trop grosse, et je ne tombais pas dans le panneau. Non, pour moi, c’était avant tout la faute soit à Nyx et à sa façon de mener ses affaires, peut être une extrêmité à laquelle un concurrent jaloux s’était senti poussé, soit à son essence divine même. Cela pouvait signifier un nouveau mouvement de purge initié par le Dieu Unique et ses séides, pour se débarrasser de ses rivaux. Après tout, l’inquisition avait déjà eu ce but dans le passé, et on savait tous que cette religion dominatrice ne cesserait pas de chercher des noises aux autres sans qu’elle n’obtienne enfin la suprématie tant recherchée.

Il avait fallu interroger les témoins tout le reste de la nuit. Nyx, d’abord. Qui assez inexplicablement ne pouvait pas se rappeler de moi, de mon histoire. Elle ne m’avait pas reconnu, et je sentais l’implication d’une tierce personne là dedans… Elle n’avait pas elle-même la capacité de s’effacer ses souvenirs ni de les remplacer. De même, l’olympienne n’était pas du genre à s’effacer elle-même la mémoire… C’était un mystère, à mes yeux. La seule explication que je voyais, c’était que les conséquences de notre histoire, jadis, étaient trop difficiles à supporter pour elle. Ca je pouvais le comprendre. J’avais été moi-même rejeté au ban de mon propre panthéon pour la collusion qu’il y avait eue entre nous au pire moment de l’histoire de la civilisation à laquelle j’appartenais. Le mystère de la mémoire de Nyx ne devait pas avoir avec la tentative d’assassinat dont elle avait fait l’objet, toutefois. Je devais l’évacuer de mes préoccupations immédiates, tout comme le reste.

Je jouais malgré tout un jeu dangereux, d’un point de vue institutionnel. J’acceptais de me mettre les œillères « attentat » le temps d’ « explorer toutes les pistes » alors que j’étais déjà quasiment sûr que ce n’était pas la réalité de la situation. Odin, puis Nyx. J’avais besoin de temps pour explorer toutes les hypothèses. Alors, je jouais le jeu, et l’affaire faisait déjà les choux gras des médias, qui faisaient leurs gros titres d’une fusillade terroriste dans un club branché de la capitale. On n’expliquait pas vraiment comment était mort l’individu et pour cause, c’était Nyx qui l’avait massacré avec ses pouvoirs. Difficile à justifier… Sauf si on connaissait la légiste. Ce qui était précisément le cas. J’avais eu le temps d’avaler deux pleins mugs de café avant de filer à la morgue et de me présenter avec mon badge d’Interpol.

Sourire pour la réceptionniste, fatiguée après une longue nuit, contente du starbuck que je lui ai ramené ; je la connais et je lis en elle alors… J’en profite. Et je descends vers le bureau du Docteur Nozdriov. Je débarque, porte-gobelets en main et café encore fumant. Je reconnais la divine en blouse, et il y a déjà un corps de préparé.

| Bonjour docteur. Vous avez eu le temps de commencer ? Le Préfet de police de Paris, l’anti-terrorisme, Beauvau, tout le monde va vous tomber dessus au fil de la matinée pour savoir un peu mieux ce qu’il s’est passé ce soir, au Lune Noire. |

Je la regarde fixement, comme pour lire son âme au travers de son regard.

| C’est l’une de nos semblables qui l’a neutralisé, mais je pense qu’il la visait personnellement. Je ne pense pas qu’il s’agissait d’un agent du Dieu Unique, même s’il a mis en avant des motivations religieuses à son geste sur internet. |

À l'heure du crime.
Charles Niémans ft. Luka Nozdriov

Tandis que le visiteur approchait, Luka parcouru le rapport. Une mince grave venait de se dessiner sur son visage prenant conscience de la gravité de la situation. Et par un heureux hasard, le corps de l'assaillant était tombé entre ses mains. Elle s'approcha du corps et tira le drap blanc jusqu'au niveau des reins. Sa collègue de garde cette nuit avait dû le lui préparer. Ses vêtements avaient été repliés soigneusement sur la desserte d'à côté et il ne restait plus qu'un type à la peau blafarde. La déesse grimaça. Le type puait l'encens, l'odeur était presque entêtante. Puis Niemans arriva.

Bonjour Charles. fit-elle. Je viens d'arriver mais j'ai eu le temps assez rapidement de lire le rapport. Visiblement le type est mort d'une crise cardiaque.. Nyx était tout à fait capable de ce genre de chose. Provoquer une grosse frayeur était suffisant pour pouvoir faire lâcher le coeur de quelqu'un d'un peu sensible. D'un simple coup d'oeil, elle regarda les mains de son collègue et d'un mince sourire, elle ajouta : Je ne vous propose pas de café à ce que je vois...

Luka bu une gorgée de thé, posa sa tasse sur son bureau puis se dirigea vers la table d'autopsie. D'un geste las et habituel, elle enfila une paire de gants, attrapa un scalpel, et s'installa sur son tabouret à roulettes.

Si je comprends bien, notre assaillant s'est présenté comme étant fidèle à l'Islam ? Moi ce qui me semble tout de même étrange, c'est qu'il pue l'encens à des mètres à la ronde et ce n'est noté nulle part dans le rapport. Pereplut posa l'instrument et attrapa son sous-main avec le rapport. Elle balaya rapidement l'ensemble mais effectivement, aucune mention de l'odeur capiteuse qui se dégageait du corps et des vêtements. Pour avoir dû y aller nombre de fois, cette odeur me rappelle surtout l'encens que l'on trouve dans toutes les églises catholiques et orthodoxes.A croire qu'il s'est badigeonné de cendres.

La jeune femme remarqua autre chose. Elle passa l'un de ses doigts sur la peau du cadavre et à la lumière remarqua qu'un dépôt huileux s'était effectué sur son gant. Elle arqua un sourcil et jeta un coup d'oeil aux vêtements. Malgré la poussière et les éclats de verre qui parsemaient l'ensemble, ils étaient propres sur l'extérieur. Il ne s'agissait donc pas d'une quelconque saleté due à une mauvaise hygiène de vie. Elle prit alors une grande inspiration et fit quelque chose qu'elle espérait ne pas regretter. Même si son travail lui en faisait voir de tout, certaines odeurs restaient encore difficiles à assimiler.

Pardonnez mon geste, mais je n'ai pas le choix. fit-elle en rigolant.

Luka renifla lentement l'odeur. Une fois, puis deux, puis plusieurs autres fois. C'était agréable, herbacé et surtout elle tiqua. Sentez donc le corps et vous me direz ce à quoi cela vous fait penser. La déesse se leva, retira puis jeta ses gants à la poubelle avant de se mettre derrière son ordinateur. Elle tapa quelques mots sur son clavier et après quelques minutes à se balader de pages internet à page internet, elle imprima quelque chose.

Dites, l'assaillant a t-il expressément dit qu'il appartenait à l'Islam ou est-ce une déduction de vos collègues sur je ne sais quel critère ? - fit-elle de son bureau.

(c) AMIANTE

Plus je me posais sur le sujet, et plus je me disais, quand même, que j’avais beaucoup de connaissances d’autres panthéons, installées à Paris, alors que je n’avais quasiment plus aucun contact avec mes collatéraux et compagnons de jadis. Je ne savais pas très bien ce que cela disait de moi, en dehors du fait que j’avais réussi à me mettre à dos l’essentiel des autres divinités locales. Je chassais tout cela de mon esprit, car ça ne ferait que parasiter des pensées déjà bien occupées par tout ce que j’avais vu et perçu depuis la veille. Encore une histoire d’attentat… Mais j’étais presque sûr que ce n’était qu’une façade un peu bancale pour quelque chose de totalement différent. Nyx était visée, donc. Mais par qui, et pourquoi ? Tout ça puait le piège. Et avec la mort d’Odin, dans le Grand Nord… On l’avait tous ressenti, cet événement étrange, atypique, bouleversant. Pas sûr que l’on tienne longtemps le coup bien longtemps si on n’en apprenait pas plus sur cette nouvelle menace qui nous tombait dessus à bras raccourcis.

Luka Nozdriov était un de ces contacts qui n’était pas super local, au départ, mais avec qui j’avais trouvé un espèce de terrain d’entente, de zone neutre dans laquelle nous pouvions nous retrouver sans éprouver de rivalité quelconque du fait de nos origines différentes. Nous n’avions pas les mêmes responsabilités vis-à-vis de l’Humanité, mais nous oeuvrions malgré tout dans la même direction ; défendre la justice. Du moins, une forme de celle-ci.

La slave me salut par le prénom du véhicule. Proche, mais jamais trop. Nous sommes professionnels, même si tous ces jobs d’humains n’étaient qu’un jeu pour des créatures aussi anciennes que nous. Elle m’explique que le type est mort d’une crise cardiaque. Je hoche la tête.

| Explicable… ? Je veux dire, par une faiblesse quelconque de l’humain ? |

Je savais bien que Nyx l’avait neutralisée ; je savais à quel point elle pouvait se montrer mauvaise comme une teigne quand on s’en prenait à elle ou aux gens qui se rangeaient sous sa protection. Je soupirais doucement quand elle prenait son thé, la légiste.

| Merde, j’oublie toujours. Le second était pour vous. Tant pis, je me sacrifie. |

Je termine d’ébouillanter la tronche de mon véhicule avec le premier et attaque donc le second. Il est odorant, le breuvage noir et fumant, mais pas autant que le thé qu’elle utilisait. J’écoute son exposé alors qu’elle relisait le rapport de police. Je me remémorais les circonstances dans lesquelles tout ce petit monde était intervenu.

| C’est ça. Mais j’avais aussi noté plusieurs choses qui me semblaient déconnantes. L’odeur je ne l’avais pas ; dans la boîte il y avait une sorte de… Spectacle ? De moment dans la soirée où les DJs donnent dans le son et lumière, avec quantité de fumée parfumée. Le genre de la maîtresse de maison, quoi, quand elle veut détendre l’environnement. |

Je ne savais pas du tout si elles se connaissaient, mais je ne sous estimais pas les connaissances de la vie ésotérique et souterraine de Paris, chez la slave. Pour avoir attéri aussi loin de chez elle, ça ne se faisait que rarement sans contacts avec les autres panthéons et les aventures qui les expliquaient. Je la laisse ausculter le corps, alors. En silence, et trois pas derrière elle. Bras croisés, buvant le café sans un bruit. Je ne tenais pas à la déconcentrer, car je savais que comme moi, elle faisait attention aux détails… Mais mon champ de compétences se cantonnait à l’âme des humains et des dieux en vie. Les morts étaient silencieux pour quelqu’un comme moi ; je ne savais pas percer leurs secrets au-delà de ce que j’avais déjà pu rencontrer au cours de ma très longue existence. Je fais confiance au coup d’œil de la fille de l’est, et… A son odorat, même si je fronce les sourcils en observant son petit manège. Je m’exécute et j’inspire son corps.

| Ca me dit quelque chose… |

Mais pour moi qui lisait dans les âmes, je faisais moins confiance aux sens humains ordinaires, et me fiais plus à mon sonar à émotions.

| Il a poussé le cri de guerre de tous les fanatiques, les appels à la guerre sainte sur disque dur et tout le toutim. Les gars en bleu l’ont immédiatement estampillé « terroriste ». C’est possible, j’imagine. Mais il y a des incohérences dans son parcours. Déjà, parce qu’il visait spécifiquement Midnight Richards, alors qu’il aurait pu provoquer un grand carnage dans la foule. Dans ses contacts qu’on a pu remonter au cours de la nuit, Interpol a des dossiers sur des ennemis théologiques et politiques de tout ce dont ce type se réclamait. Ca me laisse plutôt le goût d’un coup monté, tout ça. Mais je ne sais pas pourquoi viser Midnight Richards avec un seul type qui n’avait pas les moyens de l’abattre. Un avertissement, peut être ? Pour vous, il était quoi, alors ? Serviteur du Dieu Unique, ou quelqu’un qui se faisait passer pour tel ? |

Oui, le coeur humain peut être fragile dans certaines circonstances. Si notre sujet était vraiment fragile, une grosse frayeur peut le faire lâcher. elle le regarda boire son café fumant. Pour la prochaine fois, si vous voulez m'apporter quelque chose, sachez que j'aime le thé noir. - fit-elle en souriant.

Derrière son ordinateur, ce qu'elle cherchait apparu enfin sous ses yeux. Elle sortit de son bureau, attrapant au vol la page internet qu'elle venait d'imprimer. Pereplut n'était pas une grande fervente de technologie, mais son usage correspondait à l'image de Luka qu'elle entretenait soigneusement. La déesse n'avait donc pas eu d'autres choix que de s'y accoutumer. Même son téléphone, pourtant dernier cri, ne servait qu'au minimum : appeler et écouter de la musique. Les réseaux ne l'intéressaient guère, d'autant plus qu'ils pouvaient la localiser. Elle revint vers Charles. L'histoire de la fumée parfumée ne l'étonnait guère venant de Nyx. Elle avait le sens des festivités et la slave lui reconnaissait volontiers cette qualité.

Je savais bien que me faire passer pendant un certain temps pour une fervente catholique m'aiderait un jour. - elle tendit la copie à son collègue - Il existe deux types d'huiles saintes dans la religion catholiques. L'une sert aux catéchumènes et aux malades, mais également aux baptêmes, et elle est bénie. Celle-ci n'est composée que d'huile d'olive pressée à froid. L'autre, que l'on appelle le chrême, sert aux sacrements et à la consécration d'objets. Autant vous dire que l'on ne l'utilise pas pour tout et n'importe quoi. Il s'agit d'un mélange qui est composé d'huile d'olive et de baume qui lui même est fait de résine aromatique à laquelle on ajoute des essences de serpolet, de romarin et de lavande. Je mettrais ma main à couper qu'en envoyant un extrait de cette substance au labo, on retrouverait tous les éléments du chrême.

Afin de mieux se fondre dans la masse, Pereplut avait appris chaque ligne de la Bible, chaque rituels, chaque prière. Et si elle voulait éviter le bûcher ou la pendaison durant certaines périodes, il valait mieux faire quelques génuflexions. Elle exécrait les pratiques de l'Église au plus haut point et surtout la manière dont les divinités comme elle étaient vues : comme des sauvages, des barbares bon à être convertis (et encore) ou écrasés. Mais la puissance qu'elle avait pu prendre durant 2000 ans forçait à la soumission. Elle aurait pu se cacher de tout cela, vivre recluse dans un coin paumé loin de toute civilisation, ou mieux, se rapprocher des dernières peuplades qui chantaient son nom. Mais elle n'était même plus capable de protéger les siens.

S'il s'agit d'un avertissement, il va falloir que l'on reste prudent. J'ai bien peur qu'Odin n'ait été qu'une mise en bouche. - elle balaya la remarque d'un geste de la main. Pardonnez mon expression. Là, à la vue des premiers éléments, rien ne colle. Je ne vois pas pourquoi un musulman irait se rouler dans un baril d'huile sainte. Enfin ça n'a aucune logique.

Luka renfila une nouvelle paire de gants, puis s'installa à nouveau aux côtés du cadavre. Elle bougea le corps plusieurs fois, l'observa sous toutes les coutures, mais au premier coup d'oeil ne vit rien de particulier. Un scalpel entre les doigts, elle fit une première incision au niveau de la cage thoracique afin de voir d'un peu plus près si un détail venait à lui sauter aux yeux. Alors quelle se concentra, quelque chose sembla attirer son regard à l'intérieur du bras droit du type.

Vous voyez ça ? fit-elle à Teutatès.

Elle fronça les sourcils.

Il s'agit d'une brûlure mais j'ai dû mal à voir de quoi il en retourne. .

Délicatement, elle posa son scalpel et manipula le bras inerte. La cicatrice semblait avoir une forme particulière mais la slave n'arriva pas à mettre le doigt dessus.

A l’Heure du Crime

Teutatès & Plereplut

« Paris, Vers la Cité et le Palais Royal, 13 décembre 2020 »

J’avais beaucoup d’idées, de suspects potentiels en tête. Les choses ne prenaient pas vraiment la tournure souhaitée, c’était un fait, car la police humaine se confondait déjà en pistes hasardeuses qui me mettaient les bâtons dans les roues… Dans le sens où s’ils réclamaient tous la tête d’un terroriste, alors enquêter sur des pistes annexes risquait d’attirer l’attention et surtout de ne pas se voir attribuer de moyens. Quand la praticienne divine commence à parler de cœurs qui lâchent, je pense forcément à Nyx. Elle était la raison pour laquelle tant de gens avaient encore peur de la nuit et de ses ténèbres, aujourd’hui, et un frisson me parcourut l’échine au souvenir de ses terribles pouvoirs… Qu’elle devait bien avoir recouvré, dans ce monde moderne qu’elle avait en partie mis à sa botte. Je réponds à son sourire, en tout cas.

| Alors nous savons tous les deux ce qui a pu se passer… Pour le thé, en tout cas, je saurais m’en rappeler. |

Je savais en tout cas que Plereplut était cultivée, elle venait d’une autre culture, d’une autre civilisation que moi. Et le moins que l’on puisse dire, c’était que les nôtres avaient fait du grabuge quand elles étaient rentrées en collision, qu’il s’agisse de Charlemagne ou de Napoléon, et de tout ce qu’il y avait eu entre les deux. Je note son anecdote ; elle s’était fait passer pour une servante du Dieu Unique, et cela n’avait dû que servir ses desseins, j’en étais bien conscient. J’avais trop de fierté, d’amour propre, pour user de tels artifices. La divine m’explique la différence entre les différentes huiles saintes. Elle était assez précise, aussi bien dans la composition des produits que leur utilisation et je hochais la tête. J’avais entendu parler de tout ceci il y a bien longtemps, mais je n’avais pas du tout enregistré l’information. Si ça ne m’était pas utile, sachant que j’étais bombardé en continu d’informations liées aux émotions des humains qui m’entouraient… Alors je passais simplement. Bien mal m’en prenait peut être, mais il était difficile d’acquérir –et de conserver- une mémoire encyclopédique du monde.

Donc le type avait utilisé une huile catholique. Mais avait laissé de faux messages, donc, ça commençait à s’avérer… J’opinais lentement du chef. Tout ceci continuait de sentir toujours plus la mascarade. Je n’étais pas à l’aise avec ces découvertes. Les explications simples, frontales, me permettaient d’abattre sur la tête des coupables une justice aussi expéditive que dénuée de pitié. Enquêter ne me déranger pas plus ; cela restait dans mes attributions. Mais le temps de latence laissé par la durée de l’investigation signifiait surtout que d’autres drames pouvaient survenir… Plereplut faisait le constat de la prudence.

| Je vois. Ce que vous me dites a tendance à confirmer mes soupçons. Ca n’écarte pas la thèse d’un complot du foutu Dieu Unique pour avoir nos peaux à tous, mais au moins on sait que ce n’est pas une externalité violente des conflits au sein même de cette religion… Ca permet déjà de valider l’hypothèse du ciblage. Maintenant, il me faut découvrir le mobile. |

J’observe la divine en train de retourner le corps, de le bouger, de le palper un peu en tous sens. Je le regarde en même temps qu’elle. L’incision ne me fait pas détourner le regard ; j’avais l’habitude de la viande froide depuis ma naissance. Et de la viande chaude, aussi. La slave commence à regarder l’intérieur, mais elle se figeait sur un point de détail et me montra le bras.

| Ca paraît trop propre pour que ce soit accidentel, qu’en pensez-vous ? Une sorte de marque d’appartenance, peut-être ? J’ai déjà vu ce genre de choses, par le passé. |

(c) DΛNDELION

À l'heure du crime.
Charles Niémans ft. Luka Nozdriov

Elle soupira longuement tandis qu'elle se concentrait sur la marque. Elle aussi, avait déjà vu ça, mais où ?

Ça a été cautérisé à blanc. Visiblement certains aiment encore s'adonner au marquage au fer... En revanche, impossible de me souvenir où j'ai bien pu voir ce symbole.

La déesse s'approcha encore un peu plus de la marque et avec l'appareil photo du laboratoire, prit un cliché avant de transférer la carte mémoire sur son ordinateur. Elle avait beau dénigrer internet, il s'avérait tout de même bien utile au quotidien et dans son travail. Quelques manipulations et le logiciel qui recensait toutes les marques retrouvées sur les corps ou les criminels se mit à tourner à toute allure, comparant la photo avec sa base de données. Luka se tourna vers Charles.

Ce symbole appartient peut-être à une secte ? Je sais que je l'ai déjà aperçu mais pas durant ma vie actuelle.

Pereplut, comme toutes les autres divinités n'avaient qu'une vie. Mais les milliers d'années d'errance sur Terre parmi les mortels leurs avaient donné l'occasion de choisir de nouvelles identités et d'explorer de nouvelles destinées, toutes plus intéressantes que les autres. Puis, soudainement, le manque de nicotine se fit ressentir. Elle avait envie de s'en griller une mais n'avait pas le choix que de patienter. Un coup d'oeil à l'horloge de son bureau lui fit comprendre qu'une pause clope n'était, pour le moment, pas envisageable. Depuis quand fumait-elle ? Impossible de s'en souvenir. Depuis des décennies, un siècle, ou deux peut-être ? Depuis bien trop longtemps pour son enveloppe charnelle qui montrait parfois des signes d'affaiblissement. Et Pereplut ne s'était pas arrêtée au tabac. Lors de la période d'or de l'opium, elle fréquentait assidûment les recoins les plus discrets pour se laisser aller aux vapeurs orientales. Puis un jour, cette drogue fut interdite. Elle avait passé encore une année à se faire discrète afin de trouver quelque endroit pour se fournir, et n'avait plus eu le choix : elle avait dû arrêter. Sans doute, cette période avait-elle été l'une de ses favorites. En ce qui concernait celle dans laquelle elle vivait aujourd'hui, ce n'était plus tout à fait pareil. Même si la sécurité des citoyens était bien plus garantie aujourd'hui, en tant que divinité, elle se sentait plus fébrile que jamais.

Vous fumez ? Je vais avoir besoin de prendre une pause tout à l'heure. fit-elle.

Puis l'ordinateur émit une notification. L'analyse était terminée et une correspondance avait été trouvée. Elle invita Teutates à la rejoindre afin qu'il puisse découvrir les résultats ensemble. La base de données était, heureusement, bien faite et la description détaillée du symbole était notée jusqu'en dessous. Le symbole apparut en grand.

C'est ce que l'on appelle un "Chrismon Sancti Ambrosii". Visiblement il est écrit qu'il s'agit de la combinaison entre les initiales de Jésus-Christ, de l'Alpha et l'Omega qui eux-même se réfèrent à l'Apocalypse de Jean. De plus, il est noté que l'Alpha et l'Omega signifient le début et la fin et mettent en exergue le fait que le Christ soit à l'origine du début et de la fin. Celui qui est montré ici était utilisé par Saint-Ambroise pour initier les catéchumènes "aux mystères de la foi chrétienne".

Pereplut prit une grande inspiration.

Charles, si on commence à voir des références à l'Apocalypse et au Christ comme étant celui qui décidera de la fin, ça ne me dit rien qui vaille. - fit-elle tandis qu'elle manipulait nerveusement son étui à cigarettes entre ses doigts.

(c) AMIANTE

[HJ comme le rp est un peu ancien, je me suis permis de le clôturer ? Comme l’intrigue a pas mal avancé ^^]

A l’Heure du Crime

Teutatès & Plereplut

« Paris, Vers la Cité et le Palais Royal, 13 décembre 2020 »

Il n’y avait absolument rien qui ne me mettait en confiance dans cette histoire, pas même un peu. Nyx avait été prise pour cible. Forcément, ça me touchait. Même après deux mille ans, même après tout ce que nous avions vécu et subi. Nous étions désormais liés. Même à distance, et malgré tout ce qui nous était tombé dessus. Il n’était pas question de renoncer à ce lien. De faire en sorte de négliger tout un passé -et un passif- commun. Quoiqu’il arrive, nos destins seraient liés. Mais plus que l’attaque en elle-même, c’était son absence de motif apparent, son désordre organisé, son mobile un peu bancal, qui m’interpellait. Quoiqu’il se passe, il semblait être question d’un vrai-faux attentat orchestré par un dévôt du Dieu Unique, ou ce qui semblait s’en approcher le plus. Je notais le symbole, et le marquage au fer blanc. Ca faisait quand même une chiée d’indices, même si là comme ça, la situation ne nous évoquait que des horizons à atteindre et rien de bien tangible. Ca viendrait sans doute en temps voulu…

| Je ne sais pas non plus. Je n’ai pas assez côtoyé les croyants de cette religion… Ou plutôt, pas ceux qui la pratiquaient assidûment. C’est sans doute une lacune que je devais combler, depuis le temps. |

Je haussais un sourcil quand la divine slave expliquait qu’elle n’avait pas connu de cette vie cette marque.

| C’est si ancien que cela ? Je peux peut-être tirer quelques ficelles pour expliquer cet indice… Je vous tiendrais au courant, vous en ferez de même, de votre côté ? |

Je pensais évidemment à Olga, dont je ne connaissais pas son identité actuelle mais je savais toujours vers quel genre d’endroit la trouver. Ce n’était évidemment pas une sinécure, mes rencontres avec la Sainte Guerrière du Dieu Unique… Mais il fallait bien assumer ce lien-là aussi et pourquoi pas en profiter, quand c’était utile en tout cas. Elle pouvait savoir, elle qui était toujours impliquée dans des histoires louches. Alors autant en profiter, non ? Elle pouvait être une ressource importante dans cette affaire. Mais évidemment, notre lien n’était pas plus fort que sa loyauté envers son dieu, qui l’avait fait revenir à la vie. Si c’était bien le Dieu Unique finalement, qui était derrière tout ça, elle ne m’aiderait absolument pas, et me voir lui poser des questions pouvait aussi provoquer bien d’autres problèmes… Voire une confrontation directe avec une brute absolue. J’y réfléchissais un court moment avant de regarder ma montre, et que la légiste expliquait qu’elle avait besoin d’une pause cigarette. J’avais pu fumer, de temps à autres, mais j’avais quantité d’autres vices, c’était sûr et certain. Ne pas trop les cumuler permettait de ne pas ouvrir trop de portes à quelques fragilités que ce soit, avec les individus avec qui je pouvais entrer en opposition. J’allais prendre congé pour laisser la divine continuer ses recherches quand son ordinateur émit un petit signal sonore. Ces machines et moi, ça faisait… Vraiment beaucoup de différences. Mais d’un autre côté, il fallait bien reconnaître que ça évitait clairement d’emmagasiner trop d’informations inutiles.

J’écoutais avec attention ce que la brune m’expliqua, en latin, que je parlais couramment pour passer mon temps à taper les gens qui parlaient cette langue, à une certaine époque. Je comprenais plus ou moins la référence, même si encore une fois je péchais par lacune de connaissances approfondies des rites et des caractéristiques de la foi du Dieu Unique. La déesse m’explique ce que ça l’amène à penser qu’il s’agit peut être d’une secte. Nous échangeons alors un regard éloquent sur ses conclusions…

| Des tarés affiliés au Dieu Unique, il y en a toujours eu un paquet pour vouloir provoquer « l’apocalypse », mais oui, l’Alpha et l’Omega je connais. J’ai déjà vu dans leurs églises, les symboles sur les croix et les cierges. Ca semble vouloir dire extrêmistes, du coup. Ca semble aussi vouloir dire que ces connards de la préfecture ont peut être raison sur l’attentat. Mais ça ne règle pas la question de la dichotomie entre ses tatouages, marques, et la propagande que l’on a trouvée chez lui… |

Je me frotte la barbe.

| A moins que le type ne s’en fiche des courants de pensée, des grands schismes de jadis, et ne vénère son dieu que sous toutes ses formes… Ce qui veut dire un serviteur direct de Dieu ou de ses envoyés sur Terre, un type au courant de la nature réelle des choses. C’est sans doute ça, le pire. |

J’envoie un message à un de mes contacts, rapidement, avant de me retourner vers Plereput.

| Je dois creuser ça. Mais je suis d’accord, Luka. Ca peut faire du vilain. On se tient au jus, d’accord ? |

(c) DΛNDELION

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