A Stutter [Intrigue I - Terminé]

Sujet: A Stutter [Intrigue I - Terminé] Mar 20 Oct - 22:07

J’étais sur cette nouvelle affaire toute la journée, comme depuis deux semaines. Enfin la conclusion. Trente-six heures sans reposer le véhicule. Trente-six heures de course-poursuite dans Paris, à partir de la boîte libertine où Duncan Dougal avait fait sa première victime sur le sol européen. Trente-six heures d’angoisse et d’adrénaline pure, alors que les informations remontées par les autorités canadiennes n’arrivaient qu’au compte-gouttes. Démasqué à Montréal, Dougal avait pris l’avion avant d’être identifié par les autorités. Elles avaient mis douze heures de plus à découvrir que le type s’était envolé pour l’Europe. La Police aux Frontières n’avait été prévenue que trop tard et il avait donc fallu se lancer au jeu du chat et de la souris avec un handicap de taille ; le type connaissait très bien Paris, était parti après avoir vidé son compte en banque, et n’allait pas s’arrêter de sitôt. Les psys rattachés au bureau avaient dressé un tableau terrifiant du jeune homme, qui avait totalement perdu tout sens commun à la suite d’un drame qui l’avait fait basculer d’une existence sordide et torturée au délire paranoïaque et violent.

Il avait fait un mort avant qu’on puisse le repérer, un jeune homme croisé au hasard de ses pérégrinations, entre sexe et mort. Un serveur, qui ne rentrerait pas retrouver sa petite amie et le reste de ses colocataires. De là, il y avait un point de départ. Sanglant mais bien réel. Caméras de surveillance près des quais, dans le métro. On avait même demandé aux chauffeurs de taxi qui étaient sous vidéo surveillance de nous fournir leurs données. Il avait fallu trente heures à partir de ce moment là, deux blessés de plus et un mort. La journée avait été longue et éprouvante. J’avais fait un message à Nailea au moment de l’audition des témoins, à la fin du deuxième jour, quand Dougal avait été envoyé à la morgue dans un body bag noir. Il avait fallu nourrir le dossier des témoignages, surtout de ceux qui nous avaient vus ouvrir le feu.

Un salaud en moins. Beaucoup de fatigue en plus.

Tout au long de ces trente-six heures, j’avais tout ressenti. La colère et la frustration des collègues. La peur de ceux qui avaient assisté à l’odyssée morbide du meurtrier. Sa satisfaction jouissive quand on avait failli le choper aux Halles et qu’il avait réussi à se barrer en plantant une dame avant de nous la jeter dans les pattes au beau milieu d’un escalator. J’étais épuisé, nerveusement et mentalement. Alors j’avais simplement proposé de ne pas aller me pieuter, brisé et éreinté. Un message sur le répondeur de Nailea, vers dix sept heures. Restaurant, c’est moi qui paie. Un bistrot à l’ancienne, tout en boiseries et en plats traditionnels au pied de Montmartre. Je détestais cette ville, cette masse grouillante qui me rendait dingue en m’accablant de sentiments. Mais elle avait de bons côtés, comme ces vieux bouges de pas plus de trente couverts, tout en pierre et en poutres apparentes et en service pour une fois impeccable.

Je me pose deux heures, avant une grosse douche bouillante, sous laquelle je me noie à moitié, yeux fermés, l’eau dégoulinant mon corps et le rendant rougi par la chaleur au moment de sortir. Je remets un de mes costumes, mais moins boulot ; chemise épaisse blanche, cravate rouge foncée, pantalon et veste de costume de laine grise.

Je prends un double whisky sec en attendant Nailea ; elle a une ado à gérer, pas toujours simple. J’ai hâte qu’elle arrive ; ses pensées à elle sont plus ordonnées, ses sentiments plus sous contrôle. Je risque moins le burn-out divin dans un petit restaurant et avec une déesse qui se maîtrise, même si elle est loin du maître en la matière… Pensées nostalgiques et coupables d’une époque révolue, mais qui toujours me torturait, me lancinait. Elle arrive enfin, et je me lève, mince sourire sous ma barbe mal rasée. Je l’embrasse sur la joue, au coin des lèvres, et lui tire sa chaise.

| Tu es magnifique, comme toujours. J’ai pris la liberté de te prendre un mojito pour te « faire venir » ; je vois que je n’ai pas eu tort. |

Je me rassieds en face d’elle, agite négligemment mon verre entre mes doigts.

| Comment vas-tu ? |

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Ca ira ? Encore et toujours la même question. C’était plus fort que moi, je ne pouvais pas m’en empêcher. Je jetais un dernier regard vers mon ado de fille, collée à son téléphone, sur le canapé, devant une émission de téléréalité avant de reporter mon attention sur Cassandra qui me dit un signe de tête. Ce soir, on avait prévu de se faire une soirée fille pop corn… Comme très souvent. On avait instauré cela depuis de nombreuses années et ce soir, c’était le tour à Naya de choisir ce que nous devions regarder… Ais-je besoin de préciser que nous n’avions pas du tout les mêmes gouts et que, regarder des films de midinettes était un calvaire ? Je devais me retenir de me taper le front toutes les cinq minutes… Surtout quand ils avaient pour thème Noël. Une vraie plaie la sélection netflix. Autant vous dire que je détestais l’hivers. Entre les températures basses, la neige / le verglas, et les films de noël à la tv… Quelle idée avais-je du de venir habiter dans un pays aussi froid, avec un climat si différent du mien ? Je ne m’y faisais pas et je pense que je ne m’y ferais jamais. Je préférais les temps humides et chauds, les climats tropicaux qui faisaient bien défaut à ce pays. Peut-être aurais-je du choisir un autre pays il y a deux ans ? J’avais pensé à bien des choses mais pas au climat en choisissant notre destination… Et à bien y réfléchir, je n’étais pas certaine que Naya aurait été heureuse ailleurs qu’ici. Elle s’était très vite intégrée, et sa tentative me paraissait si loin, même si jamais je ne pourrais l’oublier. La perdre ? Non, je n’osais pas l’imaginer. Elle était tout pour moi, oui tout pour moi.

J’enfilais mon manteau bien chaud, pris mon sac et laissais les deux jeunes femmes pour affronter la fraicheur hivernale. J’avais beau être bien couverte, je frissonnais malgré tout quand le froid vient mordre mon visage. Heureusement je n’avais pas bien loin à aller. Je n’aimais pas prendre la voiture. Ni même le métro. Être enfermée dans une boite, ce n’était pas naturel. Donnez-moi un cheval, pas de problème mais cela ne se faisait plus. Une vraie régression si vous voulez mon avis, tant pour les êtres vivants que pour la planète. Salissant ? Oui, je l’admettais, et odorant aussi. Mais n’était-ce pas un maigre prix à payer pour l’avenir du monde ? Toutes ses avancés technologiques, toutes ses courses à la modernité détruisaient peu à peu le monde et je n’étais pas sûre que même si tous les divins s’unissaient, il soit encore possible de remédier à ce problème.

Songeuse, je poussais la porte du bistrot, laissant s’engouffrer dans le lieu une vague de froid. Je refermais rapidement derrière moi avant de me diriger vers la table où m’attendait Charles. Il l’avait choisi non loin de la devanture, mais à l’abris des courants d’air dû à l’ouverture et la fermeture de la porte. Parfait, ce qui n’était pas pour m’étonner. Il me connaissait assez désormais pour savoir que j’avais une aversion pour le froid, un froid qui ne le dérangeait nullement pour sa part. Je m’épanouissais à la chaleur, là où lui, préférait les températures plus basses. Chacun son truc. Galant, il se leva pour me tirer ma chaise en me glissant qu’il me trouvait jolie. Je ne l’étais pourtant pas spécialement. Un pantalon noir sous lequel je portais un collant en laine, une chemise blanche à manches longues dont on ne voyait que le col dépassant du pull rouge que je portais au-dessus. Mon maquillage par contre était très travaillé, comme à chaque fois que je sortais. Je ne prenais pas le temps de le faire quotidiennement, par manque de temps. Mais j’adorais ça, vraiment. J’avais un nombre de palettes et cosmétiques de maquillage en tout genre assez impressionnant sur lesquelles louchaient ma fille qui n’avait pas le droit d’y toucher sans ma présence. Je dépensais une véritable fortune là-dedans, même s’il m’arrivait souvent de les faire moi-même à partir de plantes et de colorants naturels, comme avant. Le maquillage était un véritable art à mes yeux, et cela se voyait lorsque je prenais le temps de me peinturlurer la peau. Je ne me limitais pas au visage, mais laissais mon imagination déborder sur mon cou, mes bras, mes poignets, sur lesquels je dessinais, comme ce soir, des symboles tribaux, hérités de ma culture. Nul besoin de bijoux même si j’en possédais désormais beaucoup, accumulés par des siècles d’existence. Merci. Tu es pas mal non plus. glissais-je à mon interlocuteur. S’il était habillé comme à son habitude, je notais la touche de couleur qu’il avait mis ce soir-là. Je levais le verre qu’il avait commandé pour moi après avoir enlevé mon manteau et mon étole. J’en bus une gorgée et souris en constatant qu’il était parfaitement dosé. Je reposais l’alcool, avant d’ajouter. Bon choix. Il ne vaut pas ceux de mon pays, mais il est très bon quand même. Me penchant, je récupérais mon sac et en sortais un petit pot sous cloche, que je posais sur la table Au fait j’ai ceci pour toi... C’est un Astrophytum ornatum. Il s’arrose très peu et il est pour ainsi dire, quasiment pas possible de le faire mourir. Je t’ai fait une petite carte mémo et j’ai programmé des mails pour te faire penser à l’arroser de temps en temps. Tu n’as qu’à le poser sur ta table de salon et la nature fera le reste. lui dis-je en désignant le cactus entre nous. Charles avait un intérieur assez… simple. J’essayais de lui introduire des plantes depuis que nous nous connaissions, et la dernière fois que j’y étais allée, elles avaient majoritairement bien pris. Un peu de verdure et d’oxygène ne pouvait pas lui faire du mal, au contraire. Tu sais déjà ce que tu veux manger ? Si c’est encore à base de fromage, je ne suis plus sure de répondre de moi… Tu sais qu’il existe d’autres bonnes choses sans rassures-moi ?. Je ne ui demandais pas comment s’était passée sa journée, ni sa semaine. Nul besoin de poser la question pour savoir que la réponse est ou « mal » ou « compliqué », ou « affreuse ». Il ne faisait pas un boulot facile et franchement je serais bien incapable de prendre sa place. J’étais bien, entourée de mes fleurs, et cela même avec des clients horribles en face de moi. S’il m’avait demandé de venir diner au pied levé, c’est qu’il avait besoin de changer d’air après tout.

Je connaissais Nailea depuis deux ans maintenant. Ca ne remontait pas si loin, et pourtant c’était l’une des personnes avec qui j’avais passé le plus de temps depuis des décennies, sinon plus. Notre relation n’était pas des plus suivies mais ce n’était pas grave : je n’en avais pas besoin et elle non plus. Je savais qu’elle avait quelqu’un d’autre en tête. Dans son panthéon comme dans le mien, les divinités étaient le plus souvent faites par paires, car l’Homme avait imaginé ses protecteurs et ses guides comme il concevait sa propre existence… Parfois en couple, parfois non. Mais je sentais que c’était le cas de Mama Quilla. La Nuit qu’elle incarnait -à l’instar d’une autre de mes très bonnes connaissances- n’était pas sans appeler à une certaine complémentarité… Et tout comme j’avais été proche de Medina et d’Epona pour des raisons différentes, par le passé, il n’y avait qu’un pas pour estimer que Nailea recherchait, ou en tout cas avait eu quelqu’un ? Nous restions relativement secrets, l’un pour l’autre. Amis. Bons amis, même. Elle était une des rares personnes en qui j’avais confiance. Nous avions coopéré ensemble sur une affaire difficile et il était clair que je pouvais me reposer sur elle… En plus bien sûr, d’être une déesse tout à fait à mon goût. Forte et féminine. Loyale et intelligente. Séduisante. Elle n’avait pas cherché à me conquérir, et n’avait jamais éprouvé pour moi qu’un désir particulier, spécifique, qui m’avait plu dès le départ.

Je souris en la voyant peinturlurée à l’ancienne, comme les gens de ses « tribus » de jadis. Elle est encore plus belle, quand les lignes de ses peintures, encres et poudres soulignent les courbes de son cou, le grain de sa peau… Elle sait se mettre en valeur, même quand c’est discret. De toute façon, presque tout est susceptible de passer inaperçu dans une ville d’extravagance comme l’est le Paris d’aujourd’hui, si différent de l’oppidum que j’avais visité plus de deux millénaires avant aujourd’hui. La belle me complimente à son tour et elle sourit en buvant un peu de son cocktail, débarrassée d’une partie des épaisseurs qui recouvraient sa peau cuivrée dont j’affectionnais l’exploration. Je souris plus largement quand elle évoque son pays.

| C’est vrai… Encore que ce n’est pas la spécialité locale, n’est-ce pas ? J’ai trop fait la fête à la Tequila, par chez toi. Ca m’a laissé quelques traces, tout aussi div… endurant pouvais-je déjà être, à l’époque. |

Les confidences et le libre parler sur nos natures n’était sans doute pas la meilleure idée qui soit dans un restaurant aux tables aussi resserrées, avec des serveurs qui passaient sans cesse derrière nous, certes en toute discrétion mais bel et bien de façon soutenue… Les agents du Dieu Unique étaient partout, et pire encore étaient ceux des Nouveaux Dieux. Un rien de prudence était mère de sûreté. Surtout que nous avions tous ressenti la mort de l’un de nos pairs, quelques jours plus tôt. Une déflagration psychique qui nous avait laissés pantelants de longs instants… Nous trinquons, alors, et je secoue la tête en riant doucement quand la brune me présente ma nouvelle compagnie pour mon appartement parisien.

| As-tu conscience que tu vas devoir t’inquiéter de ce qu’il va lui arriver si je dois encore faire face à de très longs déplacements ? |

Je prends sa main dans la mienne, et la hisse vers ma barbe par-dessus nos verres pour l’y embrasser au revers, la couvant d’un regard pénétrant, passant toute la profondeur de mes remerciements. Je pars d’un rire plus clair et franc encore quand ma compagne me demande ce que je vais manger et me taquine à ce sujet.

| Mince alors, moi qui pensait à l’aligot aux truffes… Caramba. Serait-ce parce que vous ne voudriez pas que je sois trop lourd en ressortant, mademoiselle Flores ? Oui, ça doit être pour ça. Je préfère cette explication à celle de mon état de forme… L’onglet, je pense. Il paraît qu’ici leurs viandes rouges flambées sont délicieuses. |

Je lui glisse un regard complice par-dessus la carte, avant de la lire avec un peu plus de sérieux. Sa présence me faisait déjà beaucoup de bien, mais je n’oubliais pas les épreuves du jour, ni celles de la semaine d’avant, ni encore de celles d’avant. Je regarde Nailea lire la carte, un long moment. Avant de parler d’une voix plus douce.

| Je suis content que tu sois là, Nailea. Vraiment. Ca me fait beaucoup de bien, après des moments aussi chaotiques. |

Je faisais référence à mon emploi et ma fonction de dieu, mais aussi à la perception de la mort d’un de nos semblables.

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Charles me sourit et son visage s’illumine légèrement. Je suis heureuse, vraiment, d’avoir cet effet sur lui. Entre nous, il n’y a rien de romantique. Pour autant, nous sommes amis et je n’aime pas voir son âme envahie par les ténèbres. Son travail humain n’est pas facile. Nous sommes bien loin des confections de bouquets de fleurs. Mon travail n’est pas simple, mais émotionnellement il l’est. Contrairement au sien. Toute déesse que je suis, je ne pourrais pas l’exercer. Je me sais bien trop sensible pour cela. Mes fidèles, jadis, me rendaient hommage via des sacrifices mortels oui, mais ce n’était pas la même chose que de côtoyer à chaque instant la mort, et la violence. Les offrandes étaient toujours volontaires. Ce que Charles voyait… Rien n’était du fait de la victime, rien.

Il ne parle jamais de son travail et si on peut parler du mien, je ne le questionne jamais. Je n’ai pas besoin de posséder son pouvoir d’empathie pour me rendre compte que ce sujet était sensible, délicat, et trop sombre. Il n’avait pas besoin qu’on en parle, bien au contraire. Il avait besoin de l’oublier et cela me convenait parfaitement. La mort, la violence, la souffrance étaient bien loin de mes domaines de prédilection, oui bien loin. Alors je lui offrais une plante, après l’avoir remercié pour la commande du verre qu’il venait de faire. Je lui souris à sa réponse, tout en la complétant Tequila, Pisco… Mais aussi Cachaça. Nous avons notre propre rhum et je sais apprécier un bon cocktail à base de cet alcool même s’il n’est pas celui de ma région. J’aimais les belles choses. J’aimais les bonnes choses, solides, comme liquides. Si je courrais tous les matins, ce n’était pas par plaisir, mais parce qu’ainsi, je pouvais me permettre d’être gourmande, même je me forçais à ne jamais l’être dans l’excès. Je ris quand il s’imagine déjà faire mourir le présent que je venais de lui offrir. Je m’inquiète pour toutes celles qui se trouvent chez toi. Dès que tu as le dos tourné, je les passe au peigne fin et je leur verse quelques potions revitalisantes de mon cru. N’as-tu donc jamais remarqué qu’elles avaient meilleure mine après mon passage ? Je le taquinais bien évidemment, même s’il était vrai que je les aspergeais de cocktail maison pour les aider à bien grandir pour les uns et à se requinquer pour les autres Plus sérieusement, tu devrais me laisser un double de tes clefs. Tu sais que je ne suis pas du genre à débarquer à l’improviste et cela me permettra de m’en occuper quand tu devras d’absenter. Je n’étais pas intrusive, loin de là même. Nous savions très bien à quoi nous en tenir avec l’autre et c’était pour cela que ça fonctionnait entre nous. Pas d’attente, pas de promesse. Nous étions amis, amants par moment, mais surtout amis. Je lui faisais confiance et j’aimais croire que la réciproque était vraie. Et alors qu’il regarde la carte, je le taquine sur son choix à venir, commençant à bien connaitre ses gouts en matière de repas. Tout comme lui se douterait bien que je ne repartirais pas d’ici sans un dessert, si possible ou à base de chocolat, ou à base de citron. Dans l’idéal, je combinerai les deux bien évidemment. Je préférais largement laisser dans mon assiette de plat principal pour pouvoir me ruer sur le sucré de fin de repas. D’ailleurs, je commençais à regarder ce qu’il avait sur leur carte en dessert avant de me décider pour un plat en conséquence. Etant donné qu’ils avaient de la tarte au citron et un fondant au chocolat, je savais que ce serait une salade pour moi. A sa blague en réponse à la mienne, je prends un air gênée et lui dis Me voilà démasquée. Moi qui me pensais subtile… Cela fait un moment maintenant que je voulais t’en parler. Tes amantes se ruent à ma porte jour et nuit pour me livrer leur inquiétude concernant cet embonpoint qui devient de plus en plus… Important. Elles m’ont mandaté, pauvre de moi, pour t’en parler et tu sais qu’il m’est impossible de ne pas porter secours à des femmes en détresse.. Je lui fais mon sourire le plus innocent avant de replonger dans ma carte, pour choisir ce que j’allais manger précisément. Je la quitte du regard lorsque sa voix se fait plus douce. Je pose ma main sur la sienne quelques instant mais ne lui répond pas tout de suite puisque le serveur apparait à ce moment là pour prendre notre commande. Je lui indique une salade césar, un fondant au chocolat ET un tarte au citron puis une fois que Charles a commandé à son tour, je peux enfin prendre le temps de lui répondre Je sais. Et je suis contente de t’avoir aussi rencontré… Même si au début, ce n’était pas gagné. Tu nous aurais imaginé à l’époque devenir amis ?

Je ne sais pas trop ce que la jeune femme pense, ce soir. Même si nous avions une relation plus ou moins suivie depuis un moment, et que mon pouvoir était de ressentir les émotions, cela ne changeait rien. Je ne savais pas entrer dans la tête des gens, ni des Dieux ni des humains. Dans tous les cas, j’étais toujours un tant soit peu aveugle, et ce n’était pas une situation qui me plaisait plus que cela. J’avais l’habitude d’avoir un certain contrôle, sur mon existence et sur tout ce qui la composait. Même mes connaissances… Du moins, les rares que je fréquentais toujours, et dont Nailea faisait encore partie. Je sais aussi qu’elle est honnête avec moi ; car si je ne lis pas ses pensées je lis son cœur. Elle ne m’aime pas. Enfin, elle m’apprécie, il y a de l’affection. Mais pas d’amour. Ce que nous faisons ensemble, n’a pas plus d’aboutissement pour elle que le simple combat de la plus absolue solitude. Je l’apprécie plus, moi. Je pourrais l’aimer, assez facilement. Elle a tout pour plaire, Mama Quilla. Mais sans me l’interdire, je n’en suis pas là. Les choses ont été bien trop compliquées jadis. Et j’ai déjà pu sentir que son cœur battait pour quelqu’un d’autre. Alors je me satisfais de ma place, de cette amitié si rare et si précieuse, pour un paria tel que moi.

Son sourire en tout cas, la rend joviale et séduisante. Il me détend. Je hoche tranquillement la tête.

| Peu importe le flacon tant qu’on a l’ivresse, n’est-ce pas ? |

Je me fichais bien de l’image que renvoyait ce genre de remarque. Avec tous les repas que je sautais avec mon véhicule, et une hygiène de vie marquée par les contraintes et les privations, je me fichais éhontément de tout ce que l’on pouvait penser de moi, physiquement parlant. Ce temps-là était révolu depuis longtemps. Le fait était que je n’avais plus personne à impressionner depuis des lustres. Nailea était à part. Mais je n’étais pas celui qui saurait l’impressionner, alors je passais mon chemin tranquillement pour le repos de mon cerveau comme de mon âme. La déesse rit à mon bon mot et elle me laisse entendre qu’elle s’occupait plus que ce que je ne le pensais de mon intérieur… Je secoue la tête, amusé.

| Tu es si prévenante… Tu es bonne à marier, Nailea. Bien sûr que tu auras ton double des clés. Mais prends toujours garde quand tu viens dans mon appartement toute seule. Je ne suis pas constamment sur des affaires dangereuses, mais parfois, mon « travail » me poursuit à la maison, si tu vois ce que je veux dire. |

J’allais pousser le vice jusqu’à la taquiner en lui demandant de s’occuper de mon linge, puisqu’elle contribuait parfois au besoin de changer draps ou vêtements… Mais je me retenais. Ca ne serait pas très classe, même pour moi, et l’endroit comme la situation ne s’y prêtaient pas vraiment. Même si d’un autre côté, je ressentais le curieux besoin de m’aventurer sur ce terrain… Je me disciplinais, alors. Sans le moindre scrupule, j’étouffais des besoins dont je ne savais pas toujours s’ils venaient de moi, ou des gens qui m’environnaient. A table, non loin, plusieurs couples avides de passer au dessert… C’était épuisant. Et cela renforçait ma propre solitude. Je pars d’un petit rire quand la brune évoque mes « amantes » et me traite à demi de gros. Sous le costume dans lequel j’étais bien engoncé, c’était franchement compliqué à dire. Mais elle avait sans doute raison sur le fait que je m’empâtais. Mon travail me maintenait sur le qui-vive, donc la beudaine n’explosait pas, mais je m’épaississais partout.

| Ton histoire tiendrait debout si tu n’étais pas la seule à m’avoir vu nu depuis très longtemps maintenant, Nailea. Pauvre de toi, d’ailleurs. Parce que ce fameux embonpoint, il n’y a plus que toi pour me le faire perdre. J’espère que tu comprends ce que cela veut dire… |

Regard et sourire en coin, visage baissé sur la carte mais regard vers le haut, par-dessus, pour la défier du regard et surtout, la taquiner à en crever. A mon tour de commander, donc, et prenait une entrecôte à point, sauce poivre, frites et salade. Assiette de fromages et une glace en dessert. Et au moment de commander les boissons, une bouteille de Monbazillac 2003 hors de prix avec un clin d’œil pour madame, pour jouer le joli cœur devant le serveur alors que ce n’était pas du tout mon comportement habituel ; elle comprendrait la plaisanterie, le jeu de paraître auquel je me vouais.

| Oui. |

Je lui réponds le plus sérieusement du monde. Yeux dans les yeux, sans sourire.

| Enfin, je l’espérais. Parce qu’à peine t’avais-je rencontrée que tu m’as offert un joli panorama de ton âme, et je savais qu’elle était bonne au-delà de tout ce que je rencontre d’ordinaire. |

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Un nouveau sourire se dessine sur mon visage. Pour toute réponse, je lève mon verre vers lui avant de le porter à mes lèvres et d’en boire une nouvelle gorgée. Je pique un chip dans le ramequin posé entre nous puis fini par lui dire Mais toujours avec modération. Pas besoin de rajouter un « tu me connais ». Je ne buvais jamais au point de ne plus être maitresse de moi-même. Je ne pouvais pas me le permettre, pas alors que mon existence même impliquait de défendre corps et âme des femmes en danger. Je savais quand m’arrêter et l’alcool était l’un de mes seuls péchés mignons. Je ne fumais pas. Je mangeais assez peu de viande. Je ne me droguais pas. Tout cela me dépassait d’ailleurs mais sans doute étais-je trop vieille pour comprendre ? De mon temps, les stimulants étaient là pour aider les humains à communier avec nous et non pas pour les amener dans un état plus que pitoyable.

Je propose à Charles de récupérer un double de ces clefs afin de bichonner ses plantes lorsqu’il doit s’absenter longtemps. Même si je lui précise, il sait qu’il peut compter sur moi pour ne pas empiéter sur sa vie privée. Je ne suis pas ainsi faite. Ce n’est là une proposition que pour l’aider rien de plus, rien de moins. S’il n’est pas intéressé, je ne le prendrais pas mal. Je ris de nouveau quand il m’indique que je suis bonne à marier. C’est bien là une expression d’homme et si je voulais lui en faire la remarque, la suite de ses mots me la font oublier. Me faisant comme lui plus sérieuse, je hoche la tête. Je sais me défendre mais promis je ferai attention. De toute façon, je te préviendrais toujours avant afin d’être certaine de ne pas déranger au cas où tu rentrerais plus tôt que prévu. Et si cela peut te rassurer, je pense m’inscrire à un nouveau cours de sport de combat. Je maitrise déjà la Capoeira. J’hésite entre le krav maga, le MMA et le judo. Tu me conseilles quoi ? Charles n’était pas un expert dans tous ses domaines là, mais son avis m’intéressait quand même. Il avait l’habitude du combat et puis n’est-il pas le dieu de la guerre ?

Je le tance sur son soi-disant énorme ventre qu’il possèderait. Il ne devait pas côtoyer beaucoup d’homme charpenté s’il se pensait gros. J’en voyais passer à la boutique et Charles était bien loin de leur compte. Surtout que son métier et sa nature l’obligeait à toujours se maintenir en forme. Je prends une mine horrifiée, et fait semblant de perdre connaissance en portant ma main à mon front. Très drama queen. Pauvre de moi. Devoir supporter seule tes lubricités et des viles pulsions. Rien que d’y penser, j’en ai la tête qui tourne. J’aimais ce ton léger qu’il pouvait y avoir entre nous. Nous ne nous prenions pas la tête. Nous vivions au jour le jour, sans attente venant de l’autre. C’était rafraichissant, serein aussi. Nous nous étions finalement bien trouvés même si, contrairement à lui, je ne pensais pas que nous en serions un jour ici, après l’avoir rencontré. Je l’écoute, intriguée par son explication qui me touche. Son don. C’était à la fois un fléau et un magnifique cadeau. Je ne sais pas si mon âme est aussi bonne que tu le pense mais j’aime à penser que j’aide, ne serait-ce qu’un peu, ce monde a aller mieux et dans la bonne direction. Je ne suis plus aussi forte qu'avant et sans doute ne le redeviendrais-je jamais. Je n'aspire pas à être vénérée ni connue ou reconnue. J'étais désormais trop loin des miens, trop seule et isolée... Mais surtout j'avais un nouveau objectif : Naya.

Je prenais plaisir à me retrouver ici. La déesse sous mes yeux et moi trinquons à cette soirée et elle commence à grignoter dans le petit bol qu’on nous a présenté ; toujours trop petit pour servir de véritable apéritif mais trop gros pour être ignoré. Certains restaurants parisiens s’étaient fait une spécialité de ne filer que deux trois bricoles pour accélérer les commandes… Je souris d’un air béat à Mama Quilla quand elle explique l’ivresse avec modération. Fugacement, je repensais aux banquets de jadis en compagnie de Meduna. Chez elle, l’ivresse prenait une toute autre dimension entre débauche de boisson et de sexe. Mais pas chez la déesse inca que j’avais devant moi. Chez elle, tout était en mesure. De mon côté, c’était tout l’inverse, puisque je restais sujet à tout ce que les autres pouvaient ressentir. Plus on me désirait, et plus je désirais. Plus on se sentait ivre, et plus j’étais moi-même désinhibé. De manière générale, j’étais le contraire de la frugalité ou de l’ascétisme, et mon passé avait plus souvent été jalonné de fêtes arrosées que de retraites en ermite… Même s’il y en avait eu, notamment après l’Empire, ou au Québec des années 1600. Mama Quilla me connaissait assez en tout cas pour savoir parfaitement que j’aimais faire la fête.

| Comme ça tu pourras conduire pour rentrer… |

Je plaisantais. Bien que j’espérais que nous rentrions ensemble, mais on pouvait aussi le faire en métro, ou prendre un über. Et vue la nature de notre relation il n’y avait absolument rien d’obligatoire à ce que les choses ne se terminent ainsi si elle ne le souhaitait pas… Même s’il y avait eu quelque chose de plus sérieux, d’ailleurs. Nous menions des existences très différentes, presque opposées. J’essaie d’interpeler mon amis sur les dangers encourus dans la capitale, et en particulier ceux qui me collaient aux basques. Elle ne s’en effraie pas… Et Nailea évoqua aussi la perspective d’un nouveau sport de combat, me demandant mon avis. J’y réfléchissais un instant, avant de finir mon verre pour enfin lui répondre.

| Si tu maîtrises la Capoeria, fais plutôt du Krav Maga. Les autres sont sur un autre rythme, avec des enchaînements très différents. Sinon je pourrais t’enseigner le combat à mains nues à l’ancienne, si tu le souhaites. C’est rustique et brutal, mais c’est efficace. |

Etrangement, alors que j’étais plutôt une divinité très terre à terre, je me retrouvais à l’imaginer en tenue de sport et en train de se battre, et je m’en trouvais plutôt bienheureux. Nailea était une superbe femme, et Mama Quilla une déesse déterminée. Cette force de caractère qui m’avait toujours plus plu que tout le reste chez une femme… Et qui me donnait plus encore envie d’elle, en cet instant, et envie d’aller lire dans son âme alors que nos corps se lieraient de même. Je prends un air triomphant quand elle en rajoute pourtant des tonnes.

| Tu les supportes plutôt bien, il faut quand même l’avouer. Et puis je n’ai rien contre te faire tourner un peu la tête de temps en temps… |

la tête ou le reste, mais je n’avais pas besoin de me montrer grossier au restaurant alors qu’on vint nous déposer nos plats et une bouteille de vin choisie pour l’occasion. Je la sens touchée par ce que j’avance sur les qualités de son âme. J’écoute Mama Quilla avec attention et convenais de la même c hose qu’elle alors que je commençais à couper ma viande.

| Je me contente aussi de faire ce pourquoi j’ai été fait. Ni plus, ni moins. Aujourd’hui, plus personne ne compte sur moi. Mais cela ne m’empêche pas de continuer à endurer mon œuvre, encore et encore. Quoiqu’il en soit, tu es l’une des plus belles personnes que j’ai rencontrées, et j’ai de la chance de te connaître. Et de partager ce bout d’existence, avec toi. |

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Je secouais la tête de gauche à droite. Charles devait s’en être rendu compte depuis le temps non ? Je ne conduisais que très rarement, uniquement lorsque je n’avais aucun autre choix. Je pouvais me rendre où je voulais avec mon pouvoir. De plus je n’aimais pas l’idée d’être enfermée dans une caisse en métal. J’avais appris la modernité et je savais conduire. Mais je n’aimais pas cela. Monter un cheval ne me posait aucun problème. Rouler, qui plus est dans Paris ? C’était une autre paire de manche. Faire un peu d’exercices et marcher ne pourra que nous faire du bien après ce repas qui s’annonce… Copieux. On ne respire jamais mieux que la nuit à Paris. Moins de voiture, moins de monde aussi. La nuit était agitée, mais bien moins que la journée. Et j’aimais profiter des rayons astraux de la Divine Argentée. Cela était vitale même pour moi. Et si l’homme habitait plus loin du restaurant que ma propre demeure, ce n’était pas non plus si loin que cela. S’il avait déjà rencontré Naya et Cass, j’évitais dans la mesure du possible de l’inviter chez moi quand elles étaient là. Non pas que j’avais quelque chose à cacher, mais je ne voulais simplement pas mettre des idées dans la tête de ma fille qui grandissait bien trop vite. Chez toi plutôt que chez moi. Naya est assez… Compliquée. Je ne veux pas qu’elle s’imagine pouvoir elle aussi ramener quelqu’un à la maison. Surtout que je vais devoir la punir… Pourquoi les enfants grandissent-ils dis-moi ? N’aurait-elle pas pu rester cette petite fille qui adorait que je lui fasse des nattes et lui raconte des histoires ? Oui pourquoi ? Les années qu’elles vivaient n’étaient rien comparé à celles que je vivais. Une goutte d’eau. Et cela m’effrayait. Elle finirait par mourir. Et je me retrouverais seule, de nouveau. Je secouais la tête et buvais une gorgée pour chasser cette pensée de ma tête. Plus tard. Pour l’instant elle était encore jeune et en bonne santé.

Charles me mettait une fois de plus en garde contre le travail qu’il faisait et le danger que cela pouvait représenter. Il n’était pas un dieu sans défense, bien au contraire. Mais je n’étais pas en reste même si je ne serais jamais aussi forte que lui. Il s’y connaissait bien plus que moi en art du combat ainsi lui demandais-je son avis éclairé sur le choix du prochain sport de combat que j’apprendrais. Humm justement, varier ne serait-il pas un plus ? Et j’accepte avec volontiers à la condition que tu te montres sans pitié. Je ne voulais pas qu’il me ménage car cela ne ferait que me donner une mauvaise opinion de ma force et de mes capacités. Or ce serait dangereux si je me surestimais, très même.

Je levais mon verre un sourire aux lèvres à sa réponse. Les plats nous sont servi et je n’attends pas d’invitation avant d’attaquer mon assiette. Certaines femmes n’aiment pas manger devant les hommes, ce n’était clairement pas mon cas. Cela est un besoin naturel et vital après tout. Je m’arrêtais un instant pour réfléchir à ses propos, prenant le temps de répondre. Tu as tort. Ma présence ici le prouve et moi, je compte sur toi, tout comme tes collègues j’imagine, même s’ils ne te connaissent pas vraiment. Tu es important dans ce monde, sans aucun doute moins qu’avant, mais si nous existons c’est bien pour une raison non ? Sinon nous aurions disparus. Et j’aime à penser que nous devions nous rencontrer, ici, dans ce pays pourtant si loin du mien. Nous sommes si différents et pourtant, nous sommes en train de partager ce repas ensembles.

La discussion prend une tournure plus détendue, plus rigolote aussi. On s’amuse, on se taquine. C’est comme ça avec Nailea. C’est assez innocent, et assez sain aussi, au fond. On n’attend pas grand-chose, l’un de l’autre, si ce n’était l’expression loyale d’une amitié sincère. Dans tous les cas, nous étions amis. Qu’il y a autre chose qui se surajoutait à ce lien ou pas ; ce n’était pas vraiment une attente, ni un incontournable. On prenait un peu de bon temps. Ce repas en faisait partie. Je n’étais pas spécialement gourmand et si l’époque avait changé et si je m’étais clairement assagi, il n’en restait pas moins que j’avais toujours aimé ripailler. Les banquets de jadis me manquaient, et leur conclusion enfiévrée aussi. La brunette avait en tout cas raison. L’avantage des métropoles d’aujourd’hui était la réflexion qu’elles portaient sur la mobilité, sur la façon de se retrouver rapidement et en relative sécurité d’un point A à un point B.

| Tu as raison. L’air frais nous fera du bien et on pourra digérer un peu… La ville est belle, de nuit, et ses couleurs te subliment aussi. |

C’était un compliment, direct et un rien poétique, mais très vrai pour autant. Elle n’était pas la déesse de la lune pour rien, Nailea, et même sous bien d’autres angles elle me faisait parfois beaucoup penser à une autre déesse de la nuit que j’avais pu connaître de façon bien intime, jadis. Je comprenais quoiqu’il arrive que la déesse préférait me tenir éloignée de chez elle… Et de l’humaine qui y habitait, de ses amis et contacts humains qui ne savaient pas toujours très bien comment se comporter avec un type un peu bizarre comme moi dans les parages, porteur du malaise de toujours savoir ce qu’il se passait dans leur âme et conscience… Nailea évoque sa fille adoptive. Compliquée, à punir. Elle ne voulait pas me ramener pour ne pas servir d’exemple. La divine semblait en tout cas prendre sa mission de mère très à cœur… Le genre de mission que j’avais connu mille fois mais toujours avec la même issue ; la distance, la violence et la mort, quand l’Histoire s’était chargée de me rattraper à grandes enjambées pour me rappeler que je n’étais pas de la même nature que ces enfants que j’aimais pourtant tellement.

| Chez moi, alors. Mais tu sais que c’est leur destin. Elle aura toujours besoin de toi. Mais plus très longtemps en tant que jeune fille. |

Bientôt elle serait femme. Et à peine plus longtemps après cela elle ne manquerait pas de paraître plus âgée que Nailea elle-même et là viendraient les questions gênantes, contre lesquelles on ne pouvait user d’artifices qu’un temps avant de mettre bas les masques ou de prendre de la distance. Je ne souhaitais pas ce moment à mon amie. Ils étaient difficiles… Et on ne pouvait plus revenir en arrière, d’une façon ou d’une autre. Je ressens la tristesse et la solitude de Nailea à l’idée d’un jour perdre sa fille. J’aimerais la temporiser d’émotions positives, mais je peine à les faire naître aujourd’hui.

Je pose ma main sur la sienne. En caresse le revers du pouce.

Mince sourire quand elle me demande d’être sans pitié.

| D’accord. Je sais que tu sauras encaisser, de toute façon. |

Et se battre, se confronter physiquement avec violence, ça avait l’avantage de pouvoir nous tester et nous libérer ; nos corps humains encaissaient mieux et on pouvait jouir des endorphines et de tout ce que le corps sécrétait au moment du choc, de la peur maîtrisée, et des coups donnés autant que reçus. Nous trinquons et commençons à manger. Je découpe ma viande avec avidité, la sauce, commence à la dévorer non sans en savourer chaque instant. Les saveurs sont développées ; je n’ai jamais perdu plaisir à manger, à découvrir de nouvelles choses. Je hoche la tête, échange un regard de connivence.

| Au destin, alors ? |

Je trinque encore, alors que le serveur nous ressert en vin.

| Il va falloir qu’on se serre les coudes, de toute façon. D’autres puissances, parmi lesquelles nos propres cousins et nos autres parents, ne voudront pas nous voir unis devant des difficultés pourtant mortelles. |

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Je souris au compliment de Charles. Je sais qu’il n’y a rien de calculé derrière. Il est sincère et cela ne peut que me toucher. J’aime ça. J’aime qu’entre nous, ce soit si simple. Nous étions différents sur bien des points oui, mais ça collait. C’était apaisant. Je n’avais pas besoin de me cacher. Je n’avais pas besoin de faire semblant avec lui. Et j’espérais que c’était également le cas de son côté, qu’il trouve en moi un peu havre de paix. N’est-ce pas plutôt Moi qui la sublime ? Lui glissais-je sur un ton un rien prétentieux. C’était une plaisanterie bien sure et il saurait la reconnaitre comme telle. J’avais bien des défauts mais celui-ci n’en faisait pas partie. Si cela avait été le cas, je ne serais pas aussi faible que je l’étais. Je ne recherchais pas ma gloire d’autant, même si elle pouvait me manquer. Je regrettais l’impact que j’avais jadis sur les vies des uns et des autres. Le monde avait changé, et nous ne pouvions plus revenir en arrière. Qui avait besoin d’une ancienne divinité de la Lune alors que partout, on priait Argent, Internet, Média ? Ce monde, il ne tournait plus rond. Les Hommes étaient devenus matérialistes et égoïstes. J’avais peur, non pas pour moi mais pour Naya. J’essayais de la préserver mais elle grandissait et j’y arrivais de moins en moins. Je devenais à ses yeux non plus une protectrice mais une gardienne de prison. Elle avait l’impression que je l’empêchais de grandir alors que je n’essayais que de la protéger. J’avais peur. Oui si peur pour elle. La main du divin se pose sur la mienne, la caresse. Tu n’es pas obligé de me répondre mais… As-tu déjà eu des enfants ? Ce n’était pas pour le juger non, mais pour savoir si je pouvais aller plus loin sur ce sujet, s’il pouvait m’aider plus qu’il ne le faisait déjà. Être parents, cela changeait notre nature profonde. On pense aimer, être fort et courageux avant, et puis on a des enfants et tout est remis en cause. Naya… Naya était mon univers et même alors que ce nouveau Dieu prenait de l’ampleur, jamais je n’ai eu aussi peur.

Je demande franchement à Teutatès de m’entrainer. Il est fort et c’est un Dieu guerrier. Je ne serai jamais à sa hauteur mais je n’avais pas la prétention de le devenir. Ce que je voulais c’était devenir plus forte. Je ne pouvais plus compter sur mes pouvoirs. J’étais immortelle mais pas infaillible. Et, nous l’avons senti il y a peu, finalement l’immortalité dont nous jouissons n’était pas un acquis comme nous le pensions. Si un Dieu tel que Odin était mort alors… Alors je ne donnais pas cher de ma peau. Merci dis-je donc à l’homme. Son temps était précieux et il acceptait de me le consacrer. C’était généreux de sa part, car désintéressait. Oh, il ne manquerait pas de s’amuser c’est certain, mais il le faisait avant tout pour me rendre service.

Le plat est bon. Charles ne s’est pas trompé dans son choix de restaurant mais le contraire aurait été étonnant. Cela présageait de bonnes choses, de très bonnes choses sucrées en dessert. C’était mon péché mignon. S’il y avait une modernité que j’adorais plus que tout, c’était bien les nouveautés culinaires. J’avais toujours été gourmande, ne refusant jamais une offrande. Cela n’avait pas changé. Notre conversation se fait un peu plus sérieusement et cette fois encore je lui réponds avec honnête. Nous levons nos verres au destin et j’ajoute Et au dessert ! Tu crois que si je rajoute à ma commande un tiramisu et la brioche perdue, ils vont me dévisager ? Non parce que maintenant, à bien y réfléchir, ils me faisaient de l’œil aussi. J’interpellais un serveur sans attendre la réponse du Dieu pour commander ses deux autres desserts. Ou, y verront-ils un message ? Nous ne sommes pas obligés d’être ennemis. Nous sommes capables de cohabiter. Mais je n’y croyais pas moi-même. Inti serait le premier à ne pas aimer cela. Pourtant, pourtant nous étions tous plus forts ensembles. Les humains avaient trouvé comment nous tuer. C’était dangereux.

J’étais venu avec bien des intentions, ce soir. Le besoin d’évacuer la pression induite par l’afflux constant des sentiments de tous ceux qui m’entouraient, mais aussi la pression du résultat que je m’infligeais tout seul. J’avais besoin d’un moment libérateur. D’un moment sans attentes d’aucune part. J’en avais eu, pourtant. Dès le début. Nailea était une déesse magnifique, et aussi intelligente qu’impliquée dans les combats qui étaient les siens. Je ressentais son calme, sa tranquillité, et alors je ne faisais rien contre tout ceci. Il n’y avait pas besoin de plus, somme toute. Je me concentrais sur ce qu’elle éprouvait, l’inca. Et ça me suffisait. Si je sentais qu’elle désirait finalement autre chose, et je ne passerais pas à côté, il sera toujours temps de revoir le déroulement de cette soirée. Mais en attendant, ça me suffisait bien. Je souris quand la belle se la joue un brin arrogante mais juste pour me taquiner. Je savais aussi qu’elle ne se prenait pas au sérieux sur ce genre de sujet. Peut être que Nailea ne pouvait pas se placer, comme moi, aussi près de mes émotions pour en sentir la véracité. Mais au fond ça ne changeait rien, elle voyait bien, pour me connaître, que j’étais bien sincère avec elle.

| C’est l’évidence même. La Nuit aujourd’hui, c’est toi. |

Ca n’avait pas toujours été le cas. Dans un lointain passé, elle avait pris d’autres visages. Dont un tout aussi sensuel, contre lequel j’avais partagé bien des soupirs. Avec Nailea aussi, notez bien. Mais ce n’était pas la même relation. J’avais senti depuis le tout début l’amour que l’Inca nourrissait pour quelqu’un d’autre, qui ne serait jamais moi. Mes pouvoirs et mes capacités me permettaient à tout le moins de faire le tri entre ce qui est du domaine du probable ou non, pour accompagner la solitude de l’éternité.

Je ressentais sa peur latente, son souci pour son enfant humain. Je pouvais le concevoir. Je l’avais déjà ressentie, moi aussi, et plus souvent qu’à mon tour. Je n’étais pas comme ces dieux à essaimer sans arrêt de part le monde, mais il n’en restait pas moins que le fruit d’amours terrestres s’était tout de même répandu de mes œuvres. La déesse m’interroge sur les enfants. Je hoche la tête, et vois défiler dans mes souvenirs la sensation de toutes ces naissances, au fil des millénaires. J’acquiesce, en terminant mon repas, m’essuyant la bouche sur une des serviettes en tissu mises à ma disposition.

| Oui. J’en ai eu plusieurs, au fil du temps… Et j’en ai un grand, aujourd’hui. Peut être d’autres… Il vaut mieux que je ne sois pas trop près, tu comprends ? J’ai énormément d’ennemis, au sein même de mes semblables. Je ne peux pas me permettre qu’ils tombent dessus. |

Les aimer ? Bien sûr. Comme un Dieu aime sa création. Mais dans tous les cas, je sais aussi que je n’ai aucun droit sur eux car nous sommes simplement trop différents. Eux vont mourir, et plutôt vite à l’échelle de mon existence. Être dans mon entourage, ce serait baigner dans un univers de danger et se solitude, dans un perpétuel bouleversement d’horreur et de mort… Contre lesquels souhaite justement se prémunir la divine, qui veut s’entraîner au combat. Je le ferais, alors. C’était un échange de bons procédés entre nous, sur lequel je ne voulais pas revenir. Notre relation restait simple, encore une fois. Et je ressentais bien sa curiosité et sa bonne volonté. Je ris de bon cœur quand la brune trinque au dessert et qu’elle se sent proche d’en demander deux.

| Ils vont surtout se demander où tu les mets… |

Parce qu’elle avait une sacrée taille, Nailea. Encore un compliment, qui ne mangeait pas de pain. Je haussais les épaules sur le reste, alors que les assiettes à dessert nous étaient apportés aussi sec.

| Peut être… Va savoir. |

Je n’étais pas convaincu. Sourire, quand on me pousse un verre de digestif et une glace.

| Tu me diras si la brioche est bonne. |

[quote="Nailea Flores"]

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Je souris à Charles. Je ne relève pas le aujourd’hui. Je ne suis pas la seule déesse lunaire. Il en existe une multitude et il n’y avait aucun doute qu’il avait dû en côtoyer plusieurs. Cela ne me dérangeait pas. Je ne ressentais aucune jalousie ou autre. Nous n’avions pas ce genre de relation ni prétention d’ailleurs. Nous vivions au jour le jour, et cela nous allait très bien aussi bien à l’un qu’à l’autre. Nous étions attachés l’un à l’autre et nous nous faisions confiance oui. Mais si je disparaissais, au-delà d’être un peu triste, cela ne l’affecterait pas. Et inversement d’ailleurs. Nous nous préservions sans pour autant nous livrer avec retenue à l’autre. J’évoquais sans détour Naya et les soucis que cela me procuraient. Je l’interrogeais aussi sur sa parentalité. Il ne me mentirait pas. Et s’il ne voulait pas en parler, il ne le ferait pas non plus, sans que j’en prenne ombrage. Je l’écoute, et je réfléchie à ce qu’il dit. C’est sensé et avant je vivais aussi ainsi, sans attache. Cela les préserve… Mais à quel prix ? Ne te dis-tu pas, qu’à tes côtés, tu serais plus à même de les protéger ? Et même pour ta propre santé mentale. Tu tiens à eux, je l’entends dans tes mots… Je comprends, j’ai longtemps vécu ainsi. Mais même en ayant conscience des risques, je ne renoncerai pour rien au monde à tous ses moments que je passe avec elle. Je ne le jugeais pas non. Je ne mentais pas au dieu et j’étais toujours sincère avec lui. Nous étions assez proches pour qu’il le sache même sans faire appel à son côté empathe. Je me dis de plus en plus que, peut-être, je devrais lui dire la vérité. Je ne veux pas lui ouvrir les portes de notre Monde… Cependant je doute que la laisser dans l’ignorance soit la solution. C’est de plus en plus dangereux pour nous et je ne voudrais pas que, si je disparais, elle pense que je l’ai abandonné. Car jamais, jamais je ne le ferais. Il faudrait me tuer pour m’empêcher de la rejoindre, de la retrouver. Elle était désormais mon monde, mon univers, mon Soleil. Et si je devais retrouver Inti, je ne la laisserais pas de côté pour autant. Elle n’était pas un objet, non loin de là même. Mon amour pour elle était sincère et ça faisait d’elle ma plus grande faiblesse.

Je profite que le serveur débarrasse pour commander de nouveaux desserts. C’est plus fort que moi. Qu’importe, j’irais courir plus longtemps qu’à mon habitude pour compenser. Je pouvais renoncer à une entrée et un plat mais à un dessert ? Très très difficilement. Et vraiment si je n’avais pas d’autres choix que de faire l’impasse dessus. J’en saliverais déjà à l’avance de ses assiettes qui allaient être déposées devant moi. Je ris et réponds au Celte Directement sur les hanches, et les fesses ! Mes baskets vont hurler de fatigue mais tant pis. mon ton est léger, et rieur. J’aime ce genre de moments. Je ne suis pas une déesse violente, lui de là. J’aspire à mon confort et ma tranquillité, teintée de souvenirs joyeux et légers. La guerre, le sang, les morts… très peu pour moi. C’était d’autant plus pour cela que la mort du Divin m’inquiétait. Plus que jamais, nous devions resserrer les rangs et non nous déchirer. Que Teutatès m’en soit témoin, j’en fais pourtant la prière. lui dis-je en guise de réponse avant d’attaquer une bouchée du fondant au chocolat. Comme un bon vin, je prends le temps de le savourer, d’en gouter les subtilités avant de l’avaler miam. Il évoque la brioche et je fais mine de la cacher dans mes bras, tel un trésor. Pas touche ! Elle est à moi. Premier mensonge, mais pour la bonne cause, pour le faire sourire, rire. Il savait très bien que j’en partagerais un bout avec lui. Gourmande oui, mais pas possessive et surtout partageuse.

A Stutter

Teutatès & Mama Quilla

« Chez Léon, Montmarte, Paris, 10 décembre 2020 »

La conversation allait bon train, entre taquineries et petite boutades. Ca me fait du bien. C’était précisément ce que j’étais venu rechercher ce soir auprès de Nailea. Oh… Pas que, sans doute. Mais je n’étais pas du genre à forcer ma chance, ou le destin. Je prenais les choses comme elles venaient, ou plutôt, comme ma partenaire le ressentait. Elle n’avait pas besoin de plus non plus, ce soir. Elle s’amusait, et c’était tout ce qui comptait à ses yeux. C’était bien.C’était tout ce qu’il fallait. Ni plus, ni moins. Bien sûr, il y avait parfois des sujets plus tendus, plus douloureux que d’autres, mais pas dont nous n’étions pas partie prenante. Nous partagions nos expériences, mais c’était sans arrière pensée, sans jugement. Je le sentais bien sans son âme, de son côté aussi. La belle m’interrogeait sur ma gestion de ma descendance humaine… Mais elle ne se rendait peut être pas compte que dans l’essentiel des quelques cas, au cours des derniers millénaires, je n’étais que rarement au courant de leur existence.

Je hochais la tête, quand je notais et ressentais son amour pour Naya, qui embrasait les mêmes émotions positives chez moi. J’appréciais sa fille… Mais les choses avaient toujours été bien plus compliquées pour moi et je ne pouvais tout simplement pas passer outre ma propre histoire, ni le danger que je faisais courir à tous ceux qui héritaient peu ou prou de mon histoire, de mon patrimoine, ou simplement du sang de mon véhicule.

| Cela les préserve parce que j’ai une liste d’ennemis longue comme le bras, Nailea. Tout simplement. Et l’essentiel d’entre eux n’aurait que faire de se salir les mains avec des innocents, quels qu’ils soient, et moins encore avec des hu… Des gens ordinaires. Tu comprends ? Et puis, si j’en ai eu quelques uns, c’est principalement ma faute. Je ne sais pas faire attention, parce que quand ça arrive c’est souvent quelque chose que je n’ai pas prémédité, sans protection, sans rien. |

Je disais cela d’un ton un peu triste. Pas contrit, car je n’étais pas désolé en soi. Ainsi allait la vie depuis toujours. Mais d’un autre côté, cela avait engendré son lot de problèmes au cours de mon existence. Et je ne laisserais plus jamais un rival ou un ennemi utiliser une « famille » humaine contre moi. D’autant plus qu’il fallait aussi que je gère le bagage émotionnel de ces proches, de sentir aussi leurs émotions quand ils comprenaient que je n’étais pas comme eux, avec une durée de passage bien éphémère en ce monde… J’inclinais toutefois mon amie à la plus grande prudence possible car si je savais à quel point son cœur et son âme étaient pures, ce n’était pas toujours le cas des humains que nous connaissions et bien que sa fille humaine soit une perle, il y avait tout de même une grosse part de hasard dans ce qu’elle ne manquerait pas d’entreprendre.

| Fais attention, quand même. Le monde change et les gens avec. Ce qui autrefois n’aurait posé de problèmes à personne… Aujourd’hui, tu ne sais pas comment elle peut réagir. Mais si tu as besoin de moi pour sonder ses émotions et essayer de la gérer en douceur, tu sais bien que tu peux compter sur moi. |

Mama Quilla était l’une de mes seules amies. Bon, elle était plus que ça, c’était évident, car contrairement à quelques connaissances entretenues au fil des millénaires, et que je ne voyais que graduellement, en pointillés au fil des ans, elle était un point tout de même bien plus fréquent de mon existence depuis notre rencontre ; nous ne vivions pas une union au sens divin du terme, mais je n’avais que rarement entretenu une relation de ce genre là au cours de ma longue vie. Mais voilà les desserts et je me tiens coi, alors que la divine taquine sur son apparence alors qu’elle n’était vraiment pas à plaindre ; il y avait de toute façon une certaine constance dans le choix de nos véhicules. Je souris et je prends le pousse-rapière commandé pour le siroter pendant que la belle joue à défendre son dessert… Avant de m’en filer une part, voyant que je n’insistais pas plus que cela, et elle rend les armes. Vient le temps de payer l’addition en parfaits petits humains que nous étions en apparence, et en sortant.

| Merci pour cette soirée. Ca m’a fait du bien, et je ne parle ni de la viande ni des alcools. Tu embrasseras Naya pour moi ? |

Je me sentais épuisé par les émotions du jour, que je captais sans cesse, et le restaurant s’il avait été libérateur était aussi une épreuve, entre couples pressés de passer à l’acte et ceux qui sortaient pour sauver les apparences… Ca me remuait, aujourd’hui, après une enquête pareille. Où était la puissance qui jadis me permettait de faire le tri ?

| Je te remercie de t’être rendue disponible… J’en avais bien besoin. |

Sa main dans la mienne, j’en tends les phalanges à mes lèvres pour y déposer un baiser plus proche que pour une simple amie ; elle était une alliée et un soutien. Nous n’étions pas un couple comme nous en avions formés jadis, mais nous étions partenaires, malgré tout.

(c) DΛNDELION

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Je posais un instant ma main sur celle de l’homme en face de moi. Je comprenais le point de vue de Teutatès même si je n’étais pas d’accord avec lui. Nos ennemis étaient nombreux, les siens bien sûr de ce que j’en savais de son passé. Mais, se tenir loin de nos enfants les mettaient quand même en danger. Le fait même qu’ils existent faisaient d’eux des proies. Les avoir à nos côtés nous permettaient de les aider, les sécuriser… Aussi faibles puissions nous être. Je n’étais plus aussi divine qu’avant et je doutais le redevenir un jour. Mais pour Naya, je me battrais becs et ongles. Si mon vaisseau doit disparaitre, qu’importe, je reviendrai sous une autre apparence pour continuer à faire partie de sa vie et à veiller sur elle. Je serais bien incapable de me passer d’elle, oui bien incapable. Je ne pensais pas aimer un jour un être humain aussi fort que ça. Naya, elle était ma fille. Je ne l’avais pas porté en mon sein mais je l’avais élevé. J’avais toujours été là et je serais toujours là pour elle. Elle était celle qui m’avait réveillé de toutes ses années d’errance. Elle était celle qui m’avait redonné goût à me battre. Elle était toute ma vie et ma raison d’être. Merci de ta proposition… Mais c’est à moi de le faire et seule. Je ferais cependant appel à toi après je pense, peut-être pour l’aider à comprendre cet univers que je lui ai caché. Cela sera plus facile pour elle j’imagine de t’en parler à toi plutôt qu’à moi. Elle allait m’en vouloir. Nous ne devions avoir aucun secret l’une pour l’autre. Mais tant pis, j’étais prête à assumer sa colère, ses reproches. Car ce que j’avais fait, je l’avais fait pour elle, pour son bien être, pour son équilibre. Et elle était assez intelligente pour s’en rendre compte une fois sa colère retombée.

Nous finîmes de manger et je laisse le Celte m’inviter. La prochaine fois ce sera moi, même s’il allait protester. Je lui tendais la plante que je lui avais ramené pour ne pas qu’il oublie puis nous sortîmes. L’air était froid et je frissonnais un instant. Je ne m’habituerais jamais à cette fraicheur. Mais la lune était ronde et belle ce soir et son éclat me réchauffait l’âme. Je m’arrêtais un instant pour tourner la tête vers Elle, les yeux clos, avant de reprendre pied avec la réalité et me tourner vers Charles qui me parlait. Il me remercie alors qu’il n’a nullement besoin de le faire, me prend la main pour y déposer un léger baiser. J’arque un sourcil, alors qu’un sourire malicieux fleuri sur mes lèvres. Voilà un bien belle manière d’annoncer cette fin de soirée. Je te savais galant, mais pas subtile à ce point là. lui dis-je. Je le taquinais bien sûr, même si je restais honnête avec lui. N’avions-nous pas parler d’aller chez lui ? Qu’importe. Je vais aller me promener un peu, la nuit est belle ce soir. Ou es-tu garé ? Je peux au moins te raccompagner avant d’aller faire un crochet par la basilique. Paris resplendie la nuit lorsqu’on peut l’attirer d’en haut. Et, ne me remercies pas. Si ma simple présence suffit à garder tes démons éloignés, je répondrais toujours présente. Partenaires et alliés. Amis aussi. Nous n’appartenions pas au même panthéon, mais qu’importe. J’appréciais réellement Charles et je savais que la réciproque était vraie. Nul besoin de plus. Nul besoin de se poser plus de questions d’ailleurs. Cela était suffisant.

A Stutter

Teutatès & Mama Quilla

« Chez Léon, Montmarte, Paris, 10 décembre 2020 »

La soirée touchait doucement vers sa fin, avec le restaurant que nous étions en train de quitter.Les sujets abordés n’avaient finalement pas tous été légers, c’était le cas de le dire. Dans tout ce que j’avais vécu et enduré, il y avait une chose qui me comblait toujours autant de la même joie distante mais un peu honteuse ; la paternité. Je n’avais jamais apprécié confier un brin de mon secret à des mortels, du moins, qui n’avaient pas forcément à le vivre ou à le connaître. Je n’avais pas été à l’aise. Parce que mes compagnes n’étaient souvent elles aussi que des amours éphémères. Des soupapes de sécurité, qui me permettaient d’évacuer la pression entre deux bains de sang, ou qui simplement parvenaient à me renverser toute volonté par la force d’un désir auquel je pouvais répondre. Je n’avais jamais ressenti d’amour au point de me poser, de fonder une famille divine ou mortelle. Jamais.

Quand on laissait autant de sang dans son sillage, en permanence, à quoi cela aurait-il pu rimer ?

Je proposais mon aide à mon amie. Je n’avais aucune expérience tangible en tant que père. Du moins pas dans le sens humain du terme ; j’étais considéré comme le père d’une partie de mon panthéon. Mais c’était plutôt la figure de guide que je représentais que celle du dépositaire de l’amour filial. Nailea en tout cas prenait sa responsabilité de mère d’une humaine très à cœur. Je pouvais la comprendre. J’avais lu dans son âme, bien plus que je ne lirais jamais dans son corps. Je m’étais ouvert à elle. Je ne ressentais aucune pression ; il n’y avait nul amour, nul désir pressant en elle, vis-à-vis de moi. Juste de l’affection. Une forme de reconnaissance, de proximité. Nous étions amants, parfois. Mais cela ne signifiait pas la même chose pour nous que pour d’autres gens ; c’était une façon pour elle de m’apporter la bénédiction de son réconfort, et pour moi de soigner un peu son âme meurtrie par l’absence. Je secoue doucement la tête, toutefois, lorsqu’elle me propose de prendre le relais.

| Elle ne doit pas trop en savoir sur moi. Ca la mettrait en danger, tu comprends ? Je pourrais faire le lien entre vous deux, mais guère plus. Si elle savait qui j’étais vraiment… Tu sais, beaucoup de monde n’a pas ta tendresse à mon égard. |

J’avais dit cela avec un rien d’ironie, pour amuser la belle brune, mais au fond j’étais mortellement sérieux. Je ne pouvais pas faire autrement ; il était clair que je misais ma vie à chaque fois que je lâchais mon secret. Adeptes du Dieu Unique et Nouveaux Dieux, ennemis d’aujourd’hui ou d’autrefois, ils étaient nombreux ceux qui en voulaient à ma peau. Je portais donc la plante qui m’avait était offerte et je ressentais la douce quiétude étreindre le cœur de la divine quand nous sortions et que l’astre lunaire soulignait sa propre superbe. Elle sourit, je ne la sens pas déçue, mais n’ayant pas senti chez elle de désir ou de soif de proximité je n’avais pas envie de l’imposer entre nous ; notre relation ne devait pas se poser en ces termes. Je la désirais, moi. Mais plus encore, je désirais m’endormir contre un corps chaud, un corps de femme, de me laisser glisser dans l’illusion de la normalité, d’une vie correctement remplie sans trop en faire. Je hoche la tête.

| Je peux t’accompagner. La ville est belle, de nuit. Elle l’est plus encore avec toi. |

Je vais jusqu’à ma voiture, non loin, avant d’y déposer la plante et de lui offrir mon bras, avant d’aller nous promener, anonymes parmi les promeneurs de fin de soirée, pas claquant contre les pavés et marches qu’il nous faut gravir vers le sommet et la basilique. Là-haut, nous embrassons tout Paris du regard. Comme toujours, je suis partagé entre le dégoût et le sentiment de grandeur.

| Je me sens si éloigné tu sais, de tout ce qui fait le monde d’aujourd’hui. Jadis, ce domaine de ma cousine Sequana était un grand fleuve débordant souvent sur les plaines attenantes, marécageuses, et un bourg sur l’Ile de la Cité… Et puis, il y a eu les Romains, et deux mille ans d’histoire. J’aimais les temps de jadis, quand presque tout ce sur quoi nous posions le regard était le calme d’une gigantesque forêt. |

Je serre un peu sa main, avant de l’attirer un rien contre moi et de poser mes lèvres contre les siennes en un tendre baiser, assez chaste.

| La lune te va si bien, Mama. |

(c) DΛNDELION

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Je ne pensais pas Charles m’accompagnerait jusqu’à la Basilique. Il m’avait donné l’impression de vouloir rentrer chez lui, ce que je comprenais. Sa semaine avait été longue et compliquée, bien plus que le quotidien d’une fleuriste. J’aimais ce que je faisais parce que, justement, c’était « calme ». Selon certains, ce n’était pas le cas puisque la boutique était très souvent bondée et que nous avions rarement une minute à nous. Parfois même, nous sautions la pause du midi. Mais pourquoi, à mes yeux, cela l’était. Il n’était nullement question de vie ou de mort, loin de là même. Des clients mécontents, j’en avais rarement mais je savais y faire avec. Et cela ne me touchait nullement. Teutatès lui, ne pouvait pas en dire autant. Pire que cela, il se privait d’attache et de figure réconfortante. J’avais Naya qui emplissait ma vie de bonheur, de joie, d’inquiétude aussi, mais qu’importe. Pour rien au monde je ne renoncerais à elle et son amour. Le celte n’avait personne et cela me rendait parfois triste pour lui. Il méritait plus, bien plus qu’il ne le pensait. Je ne pouvais rien y faire, si ce n’était être présente lorsqu’il le désirait, lorsqu’il en ressentait le besoin. Et tout aussi déesse lunatique étais-je, je faisais toujours tout pour être calme et plénitude à ses côtés. Il ressentait tout ce que je pouvais ressentir. C’était un exercice de prendre sur moi et d’être aussi « neutre » et « positive », mais un bon exercice. Car moi aussi je profitais des biens faits de ces sentiments, pas uniquement lui.

Nous allons jusqu’à sa voiture pour qu’il y dépose mon cadeau, avant de gravir les différentes marches, puis rues, puis marches menant à la basilique. Il m’offre sur bras et je le prends avec plaisir, sans hésitation. Nous ne parlâmes pas avant d’arriver en haut, profitant de la nuit, certes fraiche, mais lumineuse et joviale. Les humains autour de nous sont heureux d’être ici et plus d’un rire nous ont accompagné. C’est apaisant. Cela me semblait « normal » et la normalité n’était pas surfaite, pas lorsqu’on appartient à un autre monde qui lui, n’a rien de normal. Arrivée à destination, je le guide vers l’arrière du moment du dieu unique pour observer la ville des lumières. Elle était vraiment belle ainsi, bien plus que de jour. Et la Lune la sublimait. Je tourne la tête vers le Dieu lorsqu’il brise le silence pour m’exprimer le fond de sa pensée. Sur ce point-là, je le comprends. Mes rivières et mes jungles me manquaient. La faune et la Flore étaient si différentes ici. J’avais détesté Paris en arrivant mais j’avais appris à l’aimer, à l’apprivoiser, principalement au travers de Naya. Elle était si heureuse ici, si épanouie aussi. Alors, je l’étais aussi. Car mon monde, désormais, c’était le sien. Il sert ma main avant d’attirer mon vaisseau contre le sien. Je me laisse faire. Je ne coure aucun danger avec lui. Ses lèves se posent sur les miennes, avec une grande douceur. Son compliment suivant ne peut que me toucher. Aussi impuissante suis-je désormais, la lune restait mienne et j’étais sienne également. Je passe mes bras autour de ses épaules et c’est à mon tour de l’attirer à moi, pour un baiser bien moins chaste que le sien. Alliés. Amis. Amants. Je me laisse quelques instants emporter par le moment, par la chaleur de son corps contre le mien, par cette proximité entre nous que j’aime tant. Mais je finis par reculer et refouler toutes ses émotions. Pour ne pas le submerger. Pour ne pas qu’il en vienne à désirer ce que moi je désirais et non ce que lui désirais. Son empathie était à la fois un don et un fléau. Je m’asseyais sur les marches en contre bas, et me froid mordant du sol m’aida à calmer ma passion et mes ardeurs. Le monde a changé. Il a évolué, en mal mais aussi en bien. Vois les choses sous un autre angle : nous vivons désormais bien mieux, plus longtemps aussi. Nos enfants n’ont plus à s’inquiéter de mourir d’une quelconque épidémie. Cela arrive encore dans certaines contrées mais elles restent minoritaires. Les Hommes ne sont plus destinés à faire ce que leurs ancêtres faisaient. Ils sont désormais bien plus libres de leur destin… Mon pays me manque, ses terres florissantes, sa chaleur surtout. Mais cette ville n’en reste pas moins jolie. Vois toutes ses lumières. Ecoute tous ses rires autour de nous. Laisses-toi bercer par cette petite euphorie et profite de cet instant sans penser à hier, ni à demain. Ferme les yeux, prends une grande inspiration puis regarde là à nouveau. Regarde à nouveau toutes cette Vie qui s’offre à nos yeux. Ne trouves pas cela beau ? lui dis-je tout en faisant moi-même, de fermer les yeux, d’inspirer profondément avant de regarder à nouveau la ville. Oui, elle était bien plus jolie. Je frissonnais lorsque le vent se leva. Promettons-nous de revenir cet été, lorsque les températures seront plus hautes. Si cette partie du globe a bien un défaut c'est la fraicheur de son automne et son hiver. J'étais une déesse tropicale et je n'aimais pas voir le thermomètre afficher des températures plus proches du 0 que du 40. La lune te va aussi très bien Teutatès. lui dis-je aussi en le regardant cette fois ci. Tu peux lâcher prise, car, je ne te lâcherais pas.Un serment, une promesses. Nous n’appartenions pas aux mêmes panthéons mais qu’importe. Il avait ma confiance, mon amitié, pas parce que nous étions nés d’une même croyance, mais parce qu’il avait su les gagner l’une comme l’autre. Je ne laisserais pas tomber. Qu’importe son passé, qu’importe le mien aussi. Alliés. Amis. Amants. Chacun de ses termes étaient aussi importants que l’autre.

A Stutter

Teutatès & Mama Quilla

« Chez Léon, Montmarte, Paris, 10 décembre 2020 »

J’avais cru ressentir une forme de désintérêt. Pas d’ennui ou de problème en soi, pas de gêne. Mais je n’avais pas senti autre chose dans le cœur de Nailea de toute la soirée qu’une franche et sincère amitié, qu’une compréhension et une complicité naturelles et profondes… Mais pas de sensualité. Pas une proximité physique. IL y avait eu des plaisanteries, aussi. Des allusions. Mais elle les avait accueillies en amie, en mode plaisanterie et contre-attaque sur le même ton. J’en avais déduit qu’elle ne souhaitait pas forcément que nous passions la nuit ensemble, et je ne me sentais pas la force de la séduire ce soir, avec la journée que je venais de passer. Même si la proximité de Nailea me rassérénait, je me sentais comme étouffé, noyé dans le bruit et dans le brouillard des émotions qui m’assaillaient en permanence.

Son baiser me contredit sur toute la ligne. Ses lèvres remuent, me cherchent. Elle m’aspire le souffle, caresse ma langue. Aussitôt je m’embrase en retour de ses émotions que je ressens, de cette proximité retrouvée, profonde et sincère, qui la pousse vers moi, contre moi.

J’aime ça. Forcément. C’est spontané, et c’est vrai. Ce n’est pas une question de courage ou de pouvoirs. C’est juste une question d’attirance, de proximité vraie. Je sais qu’elle en aime un autre, normalement.

Mais par pudeur je le sens, elle se retire. J’en grognerais littéralement de frustration ; maintenant qu’elle m’avait embrasé, c’était terrible qu’elle se recule. La belle s’assied et se calme, se discipline, avant de dire que le monde avait changé. Qu’il avait évolué. Elle avait raison évidemment ; je le sentais à chaque instant qui passait en ressentant l’humeur et en sondant l’âme des gens. Je savais donc tout le temps à quel point les gens avaient changé et considéraient désormais le monde et l’univers qui les entourait d’une façon totalement neuve.

Elle avait raison, au fond. J’en convenais en promenant mon regard sur la ville illuminée qui couvrait presque tout l’horizon. Je comprenais ce qu’elle disait aussi, sur son attachement à ses terres de naissance. Je vivais la même chose ; j’étais d’une nature profondément enracinée, même si mon peuple m’avait conçu guerrier et donc voyageur. Je m’étais souvent éloigné… Mais plus je le faisais, plus j’avais hâte de revenir. L’inca me pousse à savourer les rires. L’euphorie. D’inspirer. Je fais tout ce qu’elle dit… Réfléchissant…

| Si, bien sûr. C’est magnifique, depuis toujours. |

Mais je la regarde, fixement, avec un certain poids sur les épaules.

| Mais la dernière fois que je suis venu ici, j’ai ressenti les appétits d’un type, qui s’en fichait de l’envie de sa victime. Il a pris du plaisir à sa souffrance. Tu comprends ? Tu as raison, quand tu dis que le monde a changé, en bien ou en mal. Malgré ça, il est toujours un peu resté le même. Ce connard a fini dans la Seine, un pavé attaché au pied. |

Je lui tends la main pour l’aider à se relever. Je sentais toujours ses sentiments si forts, et mon petit doigt me disait depuis toujours que c’était un homme qu’elle aimait. Un Dieu. Sans doute étaient-ils créés par binômes, eux aussi, de l’autre côté du monde. Mais qu’importe. Nous n’avions pas besoin d’être créés ensemble pour l’être à notre manière.

| Moi non plus, je ne te lâcherais pas, tu le sais. |

Qu’elle en aime un autre ne voulait pas dire que nous ne pouvions pas être proches. Je porte sa main à mes lèvres, et y dépose un baiser barbu avant de redresser le regard vers le sien, d’en bas. Elle frissonne. Je la couvre de mon manteau alors que je n’ai pas vraiment froid, en chemise ; elle est très épaisse, et j’ai un gilet de costume par-dessus. Passé derrière elle pour la draper de mon épais caban, j’embrasse sa nuque, et y murmure.

| Je pensais que tu aurais préféré rentrer chez toi quand même. Tu n’es pas facile à lire, Nailea. Mais si tu veux, ma proposition tient toujours. |

Je l’enlace, avec douceur en apparence, mais je la serre un peu trop fort juste pour la chaleur ou le réconfort.

| J’ai envie de toi, Killa. Je ne voulais juste pas te forcer… |

Mes mains se glissent à l’intérieur du manteau, courent sur son ventre, creusent ses reins et nos lèvres se frôlent encore alors que nos yeux se plongent mutuellement dans l’univers de l’autre.

| Mais si tu veux rentrer avec moi, je me verrais bien te débarrasser de cette robe. Et te montrer une fois encore ce que veut dire "à la gauloise". |

(c) DΛNDELION

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Nos âmes sont teintées de noirceur. Non. C’est ben plus que cela. Elles baignent dedans, et cela depuis que nous sommes nés dans le cœur et les prières des Hommes. Nous n’avons jamais connu l’innocence qui caractérise tant l’espèce bipède qui détruit peu à peu sa planète. Non. Nous n’avons jamais connu ces instants où rien n’a jamais grande importance, où tout est toujours tout beau, tout rose. Nous avons connu une époque euphorique oui. Nous avions l’un et l’autre été, jadis, en des temps si lointains et pourtant si proches, à l’apogée de nos pouvoirs. Nous étions tout puissant et rien ne semblait nous atteindre. Oui, cela nous avions connu. Mais de l’insouciance et de l’innocence ? Jamais. Mon regard sur le monde avait changé en même temps que ce dernier. J’avais longtemps erré dans l’Ether après la disparition de mon peuple. Je n’avais plus l’envie de me battre, plus les ressources non plus. Quand j’avais été rappelée sur Terre… Je ne sais même plus quand ni pourquoi. Nailea avait été l’enveloppe parfaite, une humaine succombant à une maladie, qui s’était rétablie miraculeusement. Elle était la seule dans laquelle mon âme divine s’était réfugiée. J’avais changé son nom de famille mais jamais son prénom, jamais ses traits. Elle restait figée à cet âge qui devait la voir mourir dans d’affreuses douleurs. J’avais soulagé son âme et son corps par ma présence. Cette vie et partie humaine avaient disparu depuis bien longtemps maintenant, avant même que les nouveaux dieux ne voient le jour. Nous avions vu l’électricité voir le jour. Nous avions assisté aux guerres, aux grandes révolutions technologiques. Nous avons assisté à tout, de loin, errant de villes en villes sans vraiment se poser, sans vraiment avoir de réel but, sans vraiment trouver de point d’attache. Et puis il y avait eu Naya. Elle avait réveillé ma vieille âme. Elle l’avait rattaché à ce monde que je voyais évoluer en toute indifférence. Elle m’avait ancré dans cette réalité et à travers ses yeux, pour elle, j’avais réappris à en voir la beauté, une beauté que j’essayais de partager avec Charles. Teutatès était vieux et profondément marqué lui aussi. Je n’étais pas certaine d’arriver à vraiment à lui faire voir les choses sous un meilleur angle. Mais je me devais d’essayer.

Parce que son âme méritait un peu de répit.

Parce que son cœur méritait de s’alléger, ne serait-ce que quelques instants.

Mais la noirceur reprenait si rapidement le pas sur tout cela, oui si rapidement. Son métier humain en était en grande partie responsable. Si j’étais fleuriste, ce n’était pas pour rien. Je n’étais pas une déesse de la nature non, ni même spécialisé dans les plantes. Mais travailler la terre, embellir des intérieurs, et des vies, cela avait quelque chose de très réconfortant. J’avais ce calme indispensable dont je devais faire preuve en composant mes bouquets, en écrivant les indications pour en prendre soin, celui nécessaire pour bien m’occuper d’elles. Je profitais de leurs beautés, de leur nature unique pour me recentrer, pour tirer le meilleur de cette nature qui souffrait à cause des maltraitances humaines. Mon métier était reposant psychiquement, bien qu’épuisant physiquement. J’en avais besoin, oui, pour continuer à avancer et que mon regard ne reste pas dans cette noirceur qui nous caractérisait.

Charles lui, n’avait pas ça. Mais il m’avait moi. Nous ne serions jamais compagnons au sens que l’entendent les humains non. Cependant, j’aimais à penser que nous étions proches et que ma présence pouvait apaiser son âme. J’étais là, et demain, je serai toujours là pour lui. Je lui réitérais cette promesse, pour qu’il s’en souvienne, et ne l’oublie pas. Il porte ma main à ses lèvres et me la retourne. Je le sais, mais cela réchauffe tout de même mon âme et mon cœur. Les mots ont ce pouvoir, même sur nous autres, divins. Il me couvre de son manteau et je profite de la chaleur qu’il dégage et de l’odeur du divin qu’il porte. Elle est réconfortante, bien plus qu’il ne peut se l’imaginer. Ce soir, je ne ressens pas le besoin de rentrer rapidement chez moi. Ce soir, je veux profiter de la lumière de la lune, et de sa compagnie. Ses lèvres se posent sur ma nuque et je ferme les yeux. J’aime sa proximité, sentir son corps contre le mien. Je lui fais confiance et je sais que je peux me laisser aller. Il ne me fera pas de mal, je peux baisser ma garde. Ses mains s’égarent et j’en savoure chaque caresse. Je ris une première fois, puis une seconde fois à ses mots. Je ne me moque pas, mais ils m’amusent. Tant mieux si tu n’y arrive pas. Je connais ton pouvoir Teutatès. Je sais combien il peut t’envahir. Il est très important que tu sois là, non parce que j’ai envie que tu le sois, mais parce que toi, tu en as envies. lui expliquais-je, avant de me retourner vers lui. Je passe ma main sur son visage, en dessine les contours, avant de me pencher jusqu’à son oreille et lui dire Penses-tu que je me serais autant apprêtée si je n’avais pas l’idée de passer la nuit avec toi ? Penses-tu que j’aurais pris autant de temps à choisir ma tenue si ce n’était pour qu’elle soit plaisante à tes yeux ? Penses-tu que j’avais dessiné autant de peintures pour laisser ma douche les effacer et non tes mains, et ta sueur les faire couler ? Tu as tellement l’habitude de ressentir que tu en oublie de faire appel à tes autres sens. Ferme les yeux, prends une grande inspiration puis regarde là, à nouveau. Regarde à nouveau toute cette Vie qui s’offre à nos yeux. Ne trouve pas cela beau ? . lui redis-je avant de m’écarter de lui. Je recule de plusieurs pas, mais ne le quitte pas des yeux. Je laisse les rayons de mon astre m’envelopper, éclairer ce corps humain qu’il connait déjà. J’ouvre les bras, ris, avant de lui lancer à la volée un baiser. A la gauloise dis-tu ? N’oublie pas que tu parles à la Lune. Elle est insaisissable, indomptable. Sur ces mots plein de malice, je me mets à descendre les marches du moment en courant et en riant. Je m’amuse. Je veux qu’il s’amuse aussi. Je compte l’attendre plus bas, adossée à un arbre. Mais je veux qu’il me courre après. Au sens propre comme au figuré.

A Stutter

Teutatès & Mama Quilla

« Chez Léon, Montmarte, Paris, 10 décembre 2020 »

Je me remets lentement mais sûrement des émotions du jour, de tout ce que j'avais pu capter au cours des dernières interventions. Pas d'amélioration de la situation en vue, au travail. Toujours les mêmes ténèbres à endurer, à combattre. Toujours les mêmes événements à suivre, à affronter. Dans tous les cas, je réponds présents, parce que c'est dans ma nature de rester droit dans mes bottes. Nailea a cet effet sur moi. Au fil des siècles, j'avais développé quelques amitiés. Rarement masculines, étonnamment, alors que je restais fortement empreint des circonstances de ma naissance, de cette culture virile tournée vers le combat, vers l'honneur, vers toutes les valeurs qui impliquaient de la force et de l'entresoi genré puisqu'à mon époque, les femmes n'étaient que réservistes pour les choses de la justice ou de la guerre. Mais ma vision du monde, même encline à distinguer, à faire des groupes, était conçue dès le départ par mes croyants comme la justice la plus pure et brute.

La bonne foi et les plus hautes valeurs ne dépendent ni de l'âge, ni du sexe, ni de la couleur de peau, et parfois pas seulement de la culture. Chaque groupe a ses interdits. Mais en général il s'agit de variations. La justice telle qu'elle a été conçue jadis est inaltérable; elle punit le tueur, le violeur, le voleur, en égales mesures. Et si on ne saurait me qualifier de féministe, on peut difficilement faire plus paritaire que moi. Du moins, pas à l'échelle de vieux débris que je suis aujourd'hui.

Nailea était une alliée. Et plus que ça, elle était aussi une égale. Partenaire et amie... L'une des rares. Elle était unique dans mon histoire millénaire, car depuis plus de deux mille ans mes amis étaient rares. Il s'agissait essentiellement de conquêtes, souvent éphémères. Mais avec Nailea, c'était autre chose. Une amitié solide, ciselée dans le roc et l'expérience partagée, commune... Qu'elle soit belle à tomber ne changeait rien; j'aurais pu me satisfaie d'être simplement son ami. Mais quand on était dans l'âme des gens, de femmes désirables qui pouvaient ressentir des élans d'amour ou d'affection même sans parler de relations romantiques, succomber à la proximité charnelle était plus répandu dans mon histoire... Rares amies. Mais presque toutes maîtresses, à un moment ou à un autre de notre relation.

Je sens le désir enfler au creux de l'âme de Nailea, grandissant en elle comme une orbe lancinante, chaude, qui oblitère peu à peu ses autres sentiments. Mais qui pourtant n'éclipse jamais sa proximité, ne fait nullement d'ombre et ne masque pas sa confiance et sa compassion. Son âme est bonne. Impossible de le nier. C'est ce qui me plaît, chez elle.

Mama Quilla est un havre de gentillesse, de grâce et de bonté.

Je lui réponds d'un sourire, en épousant de mes lèvres le duvet de sa nuque. Quant au reste, je frémis doucement d'un désir qui se fait lancinant, pulsionnel, par vagues; j'ai envie d'elle, et j'ai envie d'elle tout de suite. Je l'écoute, souffle doucement en fermant les yeux, avant de rouvrir. Et de fendre mon visage d'un large sourire, et d'un regard sérieux, figé, mais au fond duquel elle ne pouvait que lire quel brasier l'habitait.

| Ce qui est beau ce soir, c'est toi, Nailea. |

Je me rapproche d'elle, mains tenant les siennes, et plonge dans ses iris d'obscurité incarnée.

| C'est toi que je veux ressentir, ce soir, déesse-mère des incas. Je veux explorer ton âme dans ses moindres recoins, chevaucher les vagues du plaisir que je saurais te donner avant de me laisser rouler dedans, et de lambiner sur la grève de ta félicité quand nous serons finalement repus, ensemble, amis et unis sous ta bonne étoile pour l'éternité qu'il nous reste. |

C'était le fond de ma pensée, de mes désirs. Je n'en faisais nul secret. Je n'ai pas besoin d'imaginer son corps peint et nu contre le mien... J'ai déjà envie d'elle, et rien ne saurait plus éveiller mon désir que le regard qu'elle me lance, le baiser qu'elle me donne. Je secoue la tête, tout sourire. Avant de la laisser s'enfuir... POur prendre un raccourcis, même si je manque de déraper sur le sol gelé de la capitale. Elle s'éloigne, regarde derrière elle, perdue, cherchant où je me trouve. Mais j'arrive d'un autre escalier et la soulève sans vergogne, comme un fétu de paille, lui volant un baiser.

| Laisse moi hisser ton astre au firmament, Killa. |

Et moi de l'embrasser jusqu'à l'amener à notre voiture, toujours en la portant, suscitant rires, applaudissements, sifflets, sur la courte distance qui nous y amène. Et de rouler jusqu'à chez moi. Elle reste taquine, la beauté brune. Mais elle est à moi. En rentrant, je me débarasse de ma veste, la débarrasse de son manteau. J'allume des bougies sur le bar qui donne sur le salon, de chaque coin de meuble, et je nous sers du vin, avant de trinquer.

| A notre alliance, et à notre amitié. |

Et passe mon bras à l'intérieur du sien, tenant son propre verre, pour boire à la coupe liés que nous sommes par la symbolique de ce geste.

(c) DΛNDELION

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Je m’étais enfuie, laissant derrière moi le divin. Un jeu, c’était un jeu simple et pourtant si amusant. J’y prenais un plaisir fou et j’étais certaine qu’il en était de même pour lui. Je pensais le faire un peu durer mais c’était sans compter sur la malice du Celte. Il m’attrapa avec une facilité qui aurait pu me vexer dans d’autres circonstances. Il me soulève et je ris comme une jeune femme avec son amant. Nous n’avions pourtant plus l’âge pour ce genre de choses et pourtant ? ses lèvres se posent sur les miennes et alors qu’il me fait une très belle promesse, je noue mes bras et mes jambes autour de son corps. Je me fiche bien du spectacle que nous affichions. La nuit nous appartenait. Et je comptais bien lui rappeler combien la Lune était mienne. Heureusement il n’habite pas loin sinon je l’aurais téléporté avec moi dans ses appartements. Il ne sait pas qu’elle est ce pouvoir qui est le mien et à bien y penser, il ne m’a jamais interrogé sur mes capacités. Je connaissais la sienne, sa première mais les autres étaient aussi un mystère pour moi. Qu’importe de toute manière. Cela ne changeait rien à cette relation que nous avions.

Son corps s’éloigne du mien quand nous arrivons chez lui. Il nous délaisse de nos vestes pour aller allumer des bougies et nous servir un verre. Je l’accepte et trinque à cette amitié et, en effet, alliance que nous avions. Son bras passe dans le mien avant de porter son verre à sa bouche. Je pourrais l’empêcher de boire si je le désirais mais je n’en fais rien. Tel un miroir, je bois en même temps que lui, scellant ces mots qu’il avait prononcé comme, quelque part un serment. Je bois une gorgée avant de poser ma coupe sur un meuble. Sans un mot, je me dirige vers ses fenêtres. J’ouvre en grand les rideaux et la fenêtre pour laisser les rayons de lune entrer dans la pièce. Le froid s’engouffre également mais qu’importe. Je sais que d’ici peu, je ne ressentirais plus sa morsure. Sans me tourner vers l’homme, les yeux fermés mais le visage toujours tourné vers la lune, j’ôtais avec une lenteur délibérée le pull que je portais, avant de m’attaquer à ma chemise. J’ouvrais les boutons un par un, toujours avec un manque flagrant de célérité. J’ouvrais les yeux et, toujours dos à lui, je lui dis doucement. Je crois que le spectacle plait à ton voisin d’en face… un voisin qui me regardait avec des yeux ronds. Je fis un signe à l’humain avant de rire puis laisser tomber au sol ma chemise, lui offrant une vue plongeante sur la lingerie blanche qui mettait en valeur ma peau sombre. Je commence à avoir froid Teutatès. Dois-je traverser la rue ou…

A Stutter

Teutatès & Mama Quilla

« Chez Léon, Montmarte, Paris, 10 décembre 2020 »

Drôle d’entente que la nôtre. Et pas moins réelle pour autant. Ennemis naturels, nos panthéons avaient pourtant décliné depuis bien longtemps, et le mien depuis plus encore que le sien. Nous n’avions plus ni pouvoirs ni puissance, et pas plus d’avenir. Seulement l’amitié des parias, des paumés. Et ça m’allait. Ca me suffisait. La déesse s’enroule autour de moi avec volupté, avec confiance, avec abandon. Je sens son désir, et cela me suffit bien.

Nous trinquons ensemble à cette drôle de soirée, à ce moment de partage, de connivence, de complicité. Si rares dans nos existences autrement solitaires dans la majorité des journées qui passaient. Elle avait sa fille, bien sûr. Et j’avais mon travail. Mais personne dans ces deux environnements ne pouvait nous comprendre, ni nous vouait l’adoration qui était notre seul moteur véritable. Ensemble, nous pouvions nous procurer cette essence. Mutuellement. Chacun notre tour, ou en même temps. Et la belle va vers les fenêtres, alors que je savoure, paupières mi-closes, les échos de notre promesse muette que je ressens jusqu’aux abords de sa propre conscience. La elle ne frissonne pas quand elle ouvre la fenêtre. Et je sens la puissance affluer, et sa peau irradier légèrement sous la lumière de la lune dont elle était l’émissaire. Un vague sourire triste. J’avais connu une autre déesse nocturne, jadis, dont la lune était aussi l’une des représentations. Nailea était différente. Mais elle était là, ce soir. Et c’était tout ce qui comptait.

Je vais dans le salon, la suis. Et la brune, belle à tomber, dévoile sa chemise en retirant son pull. J’admire sa chute de reins, découverte pour un court instant, avant qu’elle ne déboutonne sa chemise. Elle semble amusée ; je le sens dans son âme nuançant le désir qu’elle ressentait. Je secoue la tête en souriant quand elle mime un « coucou » à un voisin d’en face, sur un autre immeuble, alors que j’admire tout de son dos. Du creux de ses reins à la base de sa nuque, à la naissance de ses fesses.

| C’est un homme gentil, si c’est le chauve. Il est tout seul depuis longtemps, il va tâcher son pyjama si tu continues… |

Je ris doucement en me rapprochant d’elle. Mais en tirant les rideaux devant son corps. Mains sur son ventre, flirtant avec l’élastique de ses dessous cachant son intimité. Les caresses sont sensuelles, mais appuyées, presque possessives, alors que j’effleure sa clavicule et son cou de mes lèvres. Je laisse la lumière derrière nous.

| S’il voit directement, il va te vouloir aussi. Et je vais le ressentir, aussi fort qu’il le ressentira. Tu veux que je t’honore comme tu le mérites, de ma propre envie, ou de la sienne, Mama ? |

Je la retourne, la plaque dos à la fenêtre d’à côté. Et la couve d’un regard ivre d’elle, pupilles dilatées, paupières mi closes, avant de chercher un doux baiser, terriblement lent. Avant de souffler contre sa bouche entrouverte…

| Il ne verra que nos ombres, avec les rideaux. Et c’est déjà bien assez. |

Mes lèvres se posent encore sur les siennes, et je cherche sa langue. Mes mains empoignent les siennes, les serrent. Les remontent sur les côtés de son corps, puis les tiennent prisonnières loin au dessus de sa tête. Mes baisers se perdent dans son cou, sur ses seins.

| Ca va, le chauffage est assez fort, cette fois ? |

[HJ si tu préfères ellipser ou arrêter là, on peut. Sinon on continue, comme tu pref]

(c) DΛNDELION

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Je joue avec le Celte. Non pas à ses dépens, mais réellement avec elle. Aucune arrière ni mauvaise pensée. Il s’agit de Charles après tout et si j’avais perdu foi en les hommes – qu’ils soient humains, divins ou créatures - , il était l’exception qui confirmait la règle quelque part. Toutes ses époques passaient à errer n’avaient fait que renforcer ce sentiment et ma conviction que, l’avenir de ce monde, on le devrait aux femmes. Féministe, humaniste, voulant un changement radical de ces sociétés patriarcales qui ne demandaient à la moitié de sa population d’être belle et de se taire. Je n’aimais pas vraiment les hommes et j’avais que peu de respect pour eux. Vraiment. Mais Teutatès était différent. Oh pas sur tous les points et il possédait aussi ces défauts propres à la gente masculine bien sûr, mais il restait… différent. Oui c’était le mot. Je ne saurais l’expliquer c’était ainsi. Il avait su gagner ma confiance, mon amitié, mon affection. Il était aussi sincère que je l’étais, encore plus en cet instant ou nous nous mettions à nu, littéralement.

Oui je m’amuse. Je m’amuse comme une folle, comme rarement je me le permets. Je me laisse aller, oubliant tout ce qui se joue. Je ne suis plus une maman. Je ne suis plus une Mère. Je ne suis plus une Déesse. Je suis simplement… Moi.

Je ris à ses paroles, doucement mais je n’ai pas le temps de lui répondre qu’il me rejoint pour fermer les rideaux. Il masque ces rayons de lune que j’aime pourtant tellement, et qui sont mon essence même. Nous sommes indissociables. J’aurai pu m’en offusquer mais je n’en faire rien. Ses mains s’égarent sur ma peau, et je laisse faire en me régalant de ces caresses, certes légères mais pleine de promesses. Je ne lui réponds pas, pas avec des mots en tout cas. Il le sait fort bien, c’est son désir à lui que je recherche. Je me force à rester calme et maitresse de mes propres sentiments et sensations pour ne pas l’influencer sur ce terrain-là. C’est son envie, son plaisir que je veux le voir ressentir. Il me met face à lui et son regard en dit long sur ce qu’il ressent. Mon sourire grandit, un court instant avant que ses lèvres ne se posent sur les miennes et n’entrent dans une danse langoureuse et charnelle. Je ris quand il les écarte pour parler. Mes mains s’égarent sous ses vêtements, pour l’effeuiller à son tour. D’abord sa chemise. Je ne m’embarrasse pas de la détonner mais tire sur l’habit le déchirant avant de souffler un simple Oups… pour mieux la faire glisser jusqu’au sol. Je me colle à son corps et redescends le long de son corps jusqu’à ce que mon visage se retrouve face à sa masculinité. J’ouvre sa ceinture, lentement très lentement, pour venir ensuite en faire de même avec son pantalon. Je souffle sur son ventre, je laisse mes mains effleurer ses fesses, puis venir le caresser plus franchement. Je sens son désir. Il ne fait aucun doute et je laisse alors le mien filtrer et s’exprimer. Toi, en tout cas, tu me sembles très… chaud. lui dis-je avant de me redresser. Je le plante pour aller retrouver mon verre et en boire une gorgée. Chaussures. Chausssettes. lui indiquais-je… Non lui ordonnais-je en faisant jouer un doigt le long du verre. Je cueillais une goute du liquide pour venir le poser entre mes deux seins et le laisser glisser jusqu’à être absorbé par le tissu de ma lingerie et le tâcher de pourpre. Flute, il est sale. Je vais devoir le mettre à tremper… Je finis la coupe d’une traite avant de la reposer puis ôter doucement le vêtement désormais sali. Cela fait, je laisse son regard se diriger vers les formes féminines de ce corps, formes mise en avant par les différents tatouages que j’avais tracé plus tôt. Puis je lui tourne de nouveau le dos, fait rouler mes rondeurs pour aller jusqu’à l’évier. Je bouche ce dernier avant de faire couler de l’eau et d’y déposer mon soutien-gorge. Le temps qu’il se remplisse, je m’adosse au meuble dans une position plus qu’indécente, fesses bombées en arrière. Je veux continuer à l’exciter, je veux continuer à l’aguicher, pour le pousser à bout, pour le faire craquer. Joueuse. Cela ne faisait aucun doute.

A Stutter

Teutatès & Mama Quilla

« Chez Léon, Montmarte, Paris, 10 décembre 2020 »

Elle se jouait de moi. D’une façon bien différente de l’autre déesse nocturne que j’avais rencontrée, jadis. Plus espiègle. Tout aussi abandonnée à l’étreinte à venir, à cette proximité intense, irrémédiable, et pourtant c’était bien la seule chose qu’elles avaient en commun. L’une préférait la discrétion, l’autre les rites sanglants sous la lune. Nailea m’avait échauffé, pour ce soir. Suffisamment pour passer la nuit ensemble, ce qui était fréquent sans être régulier. Drôle de relation entre deux dieux de civilisations si éloignées qu’elles ne s’étaient même pas vraiment côtoyées, qu’au travers de leurs descendants respectifs. Tout n’avait pas été rose entre nous. Pas au début, en tout cas.

Je la sens en maîtrise. Calme. Réceptive à mes attentions mais maîtresse d’elle-même, malgré tout. Le baiser que nous échangeons ne suffit pas à lui faire tourner la tête. J’aurais pu croire qu’elle me manipulait, par son physique, ses mots, ses défis susurrés, mais je sentais suffisamment de son âme pour savoir que si elle jouait, ce n’était pas sans intérêt. Et ses mains empressées viennent faire craquer les boutons de ma chemise, me dévoilant nu face à elle. Son corps, extrêmement féminin, svelte, se presse contre le mien mais pourtant la voilà qui descend. Qui me cherche, éhontément.

| La faute à qui ? | convenais-je de mon désir pour elle d’un regard fiévreux.

J’obéis à ses injonctions, une fois n’est pas coutume. Et écrase le talon de mes chaussures avec le pied opposé, pour m’en débarrasser, tirant sur mes chaussettes à leur tour.

| Incitation d’un fonctionnaire de police à la débauche. Je ne vous félicite pas. |

Forcément, je ne loupe pas une miette de son petit manège et secoue la tête en souriant quand elle salit sa dentelle et qu’elle s’en débarrasse. Forcément, je la regarde, et si j’étais en général d’un calme olympien, la chute de ses reins, le creux de ses omoplates et les formes suggérées de ses seins, et formes beaucoup plus évidentes de ses fesses tendues vers moi, c’en était trop.

(c) DΛNDELION

Feat Charles Niemans.

A Stutter, décembre 2020

Je m’arrête en entendant la marche de l’empereur résonner dans l’appartement. D’abord une fois, puis une seconde fois… Suivi d’une troisième. Je soupire mais cette fois ci, non plus de plaisir mais de dépit. Nous passions un si bon moment, oh oui un si bon moment. Mais le devoir m’appelait et je n’avais pas le droit de le faire attendre, quand bien même j’en avais foutrement envie. Désolée soufflais-je contre les lèvres de Teutatès que j’avais ramené jusqu’à les miennes. Doucement, je sors de son étreinte et me dirige vers mon sac que j’ai abandonné plus loin. Je m’en saisie et décroche alors qu’il se remet à sonner. J’écoute Cassandra, furieuse, me parler de Naya et de son attitude revêche. Il n’est pas rare que les deux jeunes femmes en viennent à se chamailler, mais jamais encore, je n’avais entendu la blonde être aussi en colère. Je soupire une fois de plus et me pince l’arrête du nez, avant de lui assurer que j’arrivais au plus tôt, après avoir regardé l’homme. Je n’avais pas envie de partir. Je n’avais pas envie d’aller jouer les arbitres. Je n’avais pas envie de le laisser. Mais je n’avais pas d’autres choix. Je ne lui dis rien, pourtant. Mes sentiments et mon visage parle pour moi alors que je le rejoins pour venir l’embrasser une dernière fois, le laissant tout aussi frustré que je l’étais. Demain même heure, mais directement chez toi. On fait l’impasse sur le restau pour finir ce qu’on a commencé. l’avertis-je. Je ne lui demandais pas son avis ni sa permission. S’il ne repartait pas en mission, je savais qu’il serait tout aussi partant que moi. Non, on recommencera d’ailleurs plutôt que de finir… Histoire qu’on soit sûr de ne rien oublier… lui glissais-je malicieusement tout en me rhabillant… Assez difficilement, car rassembler mes affaires éparpillés n’étaient pas chose aisée. Je laissais tremper mon soutien-gorge dans son évier. Mouillé, il ne m’était plus d’aucune utilité. Et de toute façon, je ne comptais pas partir de manière conventionnelle mais directement aller dans mon jardin, profitant du couvert des arbres qui bordaient la propriété et de la nuit qui régnait dehors. Demain même heure. N’oublies pas Teutatès lui dis-je une dernière fois avant de venir lui arracher un dernier baiser plein de promesse, et de disparaitre en à peine un battement de cils.

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