When darkness comes I’ll light the night with stars [Alexandre et Caraïbe]

Alexandre & Caraïbe

« Falling inside the Black » de Skillet résonnait à pleine puissance dans sa chambre tandis qu’elle avait vidé toute son armoire sur son lit, laissant de la place au pied de ce dernier afin de pouvoir replier soigneusement ses affaires qu’elle remettait à leur place. Parfois, elle essayait certains de ses vêtements et ceux qu’elle n’aimait plus finissaient à terre en attente de finir à la poubelle. Quand elle eut bien remis chacune de ses affaires à sa place, un tas pour chaque catégorie tout en mettant sur des cintres ses hauts et pulls préférés, elle fit subir le même sort à ses sacs. Assise en jean et soutien-gorge sur son lit elle éparpilla le contenu de ses divers sacs à mains en se demandant comment diable elle faisait pour avoir autant de saloperies accumulées dedans… Que de tickets de caisse ! Que de chiffons pour nettoyer ses lunettes ! Et autres bout de papiers sans importance… Elle alla récupérer un sac poubelle dans sa cuisine, en profita pour mettre ses vieilles fringues dedans (elle aurait pu penser au recyclage ou à donner celles encore en bon état à une association pour les nécessiteux, mais non !) et commença à y fourrer tous ces vieux bouts de papiers sales et encombrants quand une enveloppe attira son regard. Elle fronça des sourcils tandis que cela faisait « tilt » dans sa tête. Posant le sac à terre, elle prit l’enveloppe, l’ouvrit et lu à l’intérieur un numéro de téléphone et un prénom. « Alexandre. » Le petit blond, pas si petit que ça, de la bibliothèque ! Le mignon petit blond qui lui avait fichu une sacrée frousse en l’interpelant alors qu’elle était plongée dans ses pensées tout en portant un énorme tas de livres dans les bras. Elle eut un sourire en repensant à la tête qu’il avait fait quand ils avaient fini par terre. Les livres, pas Alexandre et Caraïbe.

La conversation, qui avait porté essentiellement sur la mythologie et la littérature, avait ensuite dévié sur… sur quoi au juste ? Un petit jeu de séduction ? Ouais. Ça devait être ça. Sauf qu’il avait dû partir après lui avoir fait deux-trois sous-entendus et sans lui laisser le temps de répondre. Elle venait juste d’apprendre pour l’existence d’un monde empli de divinités et c’était juste avant de perdre trois membres importants de sa famille. Il avait dû partir…Où ça déjà ? Pour des fouilles. Étudiant en archéologie… Mais…Quel âge cela pouvait-il bien lui faire, d’ailleurs ? Elle n’avait pas pensé à lui demander… En Turquie ! Il devait être revenu de son voyage d’ailleurs… Et il ne lui avait pas envoyé un seul message… C’est con hein ? Mais les premiers jours elle avait attendu le cœur battant, en se disant qu’il allait lui écrire. Mais pourquoi aurait-il fait ça ? Aucune idée… Elle en avait juste eu le désir… Puis cet accident de voiture avait tout changé et le charmant jeune homme avait été chassé de ses pensées et pour un peu elle aurait balancé son numéro à la poubelle sans peut-être même plus y penser. Mais… N’était-ce pas lui qui attendait un message de sa part, au fait ? Et si c’était ça ? Et s’il pensait qu’elle n’avait pris son numéro que pour être polie ? Peut-être qu’il croyait, après ce long silence, qu’elle lui avait refilé un faux numéro ?

Stop. Arrêter de se faire des films. Trouver son téléphone portable et lui écrire. Pour lui dire quoi ? Bonne question ! Mais pour le moment elle devait trouver ce maudit smartphone qui passait sa vie à disparaître quand elle en avait besoin. Où donc était-il la dernière fois qu’elle l’avait vu ? Ah ! Oui ! Sur son lit. Elle se releva et commença à enlever les peluches servant de décoration « Mais pourquoi est-ce que je m’encombre de ses conneries ? » et son doudou (Depuis la mort de son père elle dormait avec une peluche mais chut !), souleva Hadès et Ursula qui dormaient en boule sur les oreillers, qui partirent avec un miaulement de mécontentement, et envoya valser couvertures, coussins et tout le reste par terre tout en cherchant son téléphone alors qu’une mélodieuse flopée de jurons espagnoles s’échappaient par ses lèvres. Mais où était-il BORDEL ? De dépit elle passa les mains dans les poches arrières de son jean et…non ! Hé bien si ! Le fameux téléphone se trouvait tranquillement collé à sa fesse droite. Merveilleux, n’est-ce pas ?

Allongée sur le lit qu’elle avait refait, Caraïbe regardait son écran, ouvert sur l’application pour les SMS… Elle se passa une main dans ses cheveux en soupirant. Elle hésitait… Mais qu’est-ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire, hein ? Franchement ?! Se redressant sur un coup elle récupéra la bouteille de bière ouverte sur sa table de chevet et but une longue gorgée.

« Salut ! C’est Caraïbe… Je sais pas si tu te souviens de moi… La bibliothécaire maladroite… On avait bien sympathisé et parlé de boire un verre ensemble quand tu serais de retour de ton voyage… Je pense que ça doit être le cas… Donc si le cœur t’en dit on pourrait se revoir… Et si ce n’est pas le cas, excuse-moi de t’avoir dérangé. ¡Adios guapo ! » et avant de prendre le temps de réfléchir plus avant elle appuya sur le bouton « envoyer ». Pour se frapper le front en se traitant d’idiote tout en allant éteindre la musique.

-Alea Iacta Est… -murmura-t-elle avant de remettre son pull parce que mine de rien on se caillait dans cette tenue ! Le cœur battant elle regarda l’écran de son téléphone, attendant tout en craignant tout à la fois une réponse du jeune homme, tandis qu’elle se dirigeait dans son bureau où elle entreprit, après avoir allumé son ordinateur pour remettre Skillet à fond, « The Last Night » cette fois, de le vider afin d’y remettre de l’ordre. Mais comme pour ses vêtements cela s’avérait superflue…Elle ne faisait cela que lorsqu’elle avait besoin de mettre ses pensées en ordre…

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:copyright: Chieuze

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When darkness comes I’ll light the night with stars

Alexandre Durand & Caraibe de Rochebrune

La Vieille Pie, Paris, 25 janvier 2020

J’alternais les phases de pleine conscience et les descentes profondes, dans les abîmes les plus lointains. Je ne savais pas vraiment quoi faire, ni comment réagir. Toute cette merde nous était tombée dessus sans que l’on puisse s’en rendre vraiment compte. Sans préméditation. Au moment même où l’on se met en route pour nos plus grandes missions, pour l’accomplissement du destin de toute une vie, patatras. Tout s’éclate par terre. Giacovelli, distante et un peu hautaine… Pas méchante, hein, mais le genre de nana dont on sait pas trop quels sont ses accomplissements mais qui semblait clairement considérer qu’elle en avait plus vu que beaucoup… et bien, c’était une salope de traîtresse. Et de ce que j’en savais par Donovan, ce n’était même pas certain qu’elle soit la seule ! Peut être Masha. Masha que j’admirais tellement, qui m’apprenait tellement… Et franchement, pour qui j’avais un petit béguin depuis toujours. J’avais raté tous les derniers événements à cause de la Turquie, et Donovan comme Masha d’ailleurs, s’étaient retrouvées en danger.

Et moi, rien.

J’avais envie de hurler. D’impuissance, de rage, de frustration surtout. Mon destin était merdique depuis la naissance, et voilà que je me retrouvais en position d’accomplir ce quelque chose qu’il me manquait et qui pourtant me tendait les bras. Quelle horreur. Je n’en pouvais vraiment plus d’attendre. Je me devais d’accomplir quelque chose, au risque de devenir fou pour de bon… Mon téléphone, lui, s’allume. Message. Rencard. Rappel. Je pouvais toujours jouer cette carte là. Ca ne remplaçait pas une destinée mais c’était déjà pas mal. Son air embarrassé, gêné, sa propension à dire ce qu’elle pensait même à un inconnu, son corps… Son sourire, surtout.

Oui, c’était mieux que pas mal. C’était mieux que mieux que rien.

Alors, blouson de cuir noir, bien coiffé, tout ce qu’il faut, je ne me rase juste pas, puisque je n’en ai pas besoin. Ce n’est pas trop long, ça ne gratte pas fort. C’est pas si mal, quand on voit mon reflet dans la glace. Ni négligé, ni trop conformiste. Une sorte d’entre deux, un moule ambivalent dans lequel tout le monde ou presque se fout, au sein de ma génération. Quand je repense à son message, quand même, je ne peux pas vraiment m’empêcher de sourire, et de secouer la tête. Caraïbe, quel nom quand même. A quoi avaient pensé ses parents, putain de merde ? Alexandre, c’était commun, mais Caraïbe… Qui la connaissait devait avoir un océan de vannes à faire sur son prénom. Quant au reste du message, elle avait oublié bibliothécaire super bien roulée, et boire un verre avant de concrétiser. J’avais vu la lueur dans le fond de ses yeux, et ça réveillait en moi mes instincts masculins les plus primaires.

Je me rembrunis quand je me rendais compte que ce genre de pensées, d’impulsions, c’était ce que devait connaître mon père en permanence. Je devais me réfréner… Je lui avais répondu, enjoué. « Bien sûr Caraïbe, j’attendais de voir si tu me rappelais où si t’étais partie avec un beau gosse entretemps. Bon, rdv à 21H à la Vieille Pie, ça te va ? J’ai très soif ». Et c’était pas vraiment faux, en plus.J’avais soif. Et je me pointais à l’heure en rdv. En métro, comme je ne savais pas quand ni comment je rentrais, et je n’étais pas véhiculé. Pas envie de suer en vélib’ et encore moins de payer pour un Ûber alors que j’étais déjà ric rac à la moitié du mois. Ca ne changeait rien au fait que j’étais prêt à tout claquer en pintes.

Quand elle arrive, j’hésite. La bise, ça faisait friendzone. Un baiser, c’était prématuré. Serrage de mains…

Je lui souris, lui fais un signe de main pour lui montrer où je suis.

| Hey, salut Caraïbe. Bonsoir bonsoir. Merci pour ton message, franchement, je savais pas trop si je pouvais moi le faire et puis… C’était moi qui t’avait donné mon numéro. Mais je suis content que tu l’ais fait ! Alors, comment vas-tu ? Tu bois quoi ? Je paie la première… |

(c) DΛNDELION

Alexandre & Caraïbe

Mais pour l'amour de la mer pourquoi diable avait-il fallu qu'elle lui envoie ce SMS? Mais? Depuis le temps, et mignon comme il était, mais il avait dû en tomber des dizaines des greluches, bien mieux roulées qu'elles, ayant une meilleure conversation, plus intelligentes… Ce qui en fait ne correspond pas vraiment à une greluche, l'intelligence… Mais qu'importe! Mais il allait se marrer ou pire lui répondre "Mauvais numéro pour ton troll mon pote!" ou… le pire du pire: ne pas lui répondre du tout! Ou alors il lui avait peut-être tout simplement refilé un faux numéro et elle allait recevoir un SMS l'en informant ou alors une gonzesse totalo hystéro qui allait lui téléphoner pour lui demander pourquoi elle osait proposer un rencard à son mec… Oh putain! Mais pourquoi elle avait retrouvé ce fichu numéro de téléphone? Et pourquoi avait-elle envie de le revoir? Oh meuf! Y'a encore pas si longtemps tu avais complètement oublié qu'il existait…Oui bon d'accord, le fait d'avoir perdu ses proches l'avait chamboulée mais quand même! De là à en oublier un mec séduisant?!

Son tiroir était de nouveau correctement rangé lorsqu'une douce mélodie de Chopin (Trois valses, OP.64: nº2 en Ut dièse mineur pour être exacte) s'éleva de son téléphone car même si Caraïbe redoutait une réponse elle craignait encore plus de ne pas l'entendre! Oui oui, cette fille était tout un paradoxe mais est-ce vraiment là un scoop? Non? Je me disais aussi… Donc, le cœur battant elle se saisit de son smartphone pour voir le nom d'Alexandre s'afficher… Se cachant les yeux d'une main, elle ouvrit le message et comme si cela pouvait changer quoi que ce soit entrouvrit légèrement un œil pour lire le message, s'attendant au pire. Mais…non! Non seulement il se rappelait d'elle mais en plus il lui proposait un rendez-vous pour le soir-même, à la Vieille Pie.

Après avoir pris une bonne douche bien chaude, Caraïbe, en peignoir, se tenait devant son placard grand ouvert et regardait désespérément ses vêtements tout en se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir mettre… Une robe? Et puis quoi encore? Quoi que la rouge était quand même superbe et mettait ses courbes bien valeur, collant à ses hanches et à ses fesses et avec un décolleté… mais non… C'était TROP! En plus elle ne savait même plus pourquoi elle l'avait achetée cette robe tiens…ni quand, en y pensant… Elle fit défiler les cintres "No, no, no…" et finalement opta pour un pantalon noir, assez simple, un pull en laine rouge, avec son décolleté en V, et sa veste en cuir noire. Simple, sobre mais avec un peu de couleur histoire de ne pas faire trop morne. Elle regarda à nouveau la robe rouge alors qu'elle enfilait une paire de tennis, se demandant si… mais non! Si elle mettait ça pour se rendre au rendez-vous il allait croire que son métier de bibliothécaire n'était qu'une couverture et qu'elle s'adonnait au tapin de luxe… Pour la première fois depuis…. Depuis les funérailles de sa famille, Caraïbe se maquilla! Oh rien d'extravagant, les yeux bien accentués pour faire ressortir son regard et voilà! Ses cheveux… Mais! Elle… Oh et puis zut, elle les avait déjà lissés, elle n'allait pas en plus les attacher. Elle avait fait l'effort de se maquiller, de mettre des boucles d'oreilles pendantes: comme des fils d'argents au bout desquels pendait des croissants de lune, alors c'était déjà bien assez!

Mais? Où étaient donc ses putains de clefs de voiture? Elles auraient dû être soit pendues à l'entrée sois dans la petite coupole sur la console à côté de la porte! Mais bon sang de bonsoir… Pas de panique! Elle les tenait déjà à la main, elles étaient dans son sac à main. Bon! Un bisou aux chats et elle s'en alla.

Pendant le trajet en voiture, mais bordel pépé tu peux pas appuyer sur le champignon tu vas à 10 à l'heure merde!, elle repensa au SMS de réponse qu'elle avait envoyé à Alexandre, se demandant, tout en injuriant en espagnol un pauvre abruti qui avait tourné sans signaler sa manœuvre avec le clignotant adéquat, si elle avait pas pondu un truc trop débile… " Coucou Alexandre! J'ai raté l'avion et le beau gosse s'est envolé sans moi, j'imagine qu'il a dû rencontrer de jolies vahinés! Parfait pour le RDV, on se voit à 21h! J'ai hâte. Besitos."

Non mais franchement, cette débilité?! Toujours est-il qu'elle arriva sur les lieux du rendez-vous avec un soupçon de retard (deux minutes précisément ce qui pour Caraïbe était un crime! Maudit pépé qui aurait mieux fait d'être à la maison de retraite plutôt qu'à rouler!) Pénétrant dans l'établissement, elle regarda anxieusement autour d'elle, s'attendant presque à recevoir un nouveau SMS pour annuler le rendez-vous ou pire juste constater qu'il lui avait planté un lapin sans la prévenir. Oui, oui elle avait la fâcheuse manie de se faire des films, que voulez-vous? Mais non! Il était là. Et, chut il ne faut pas le dire, terriblement hot avec sa petite barbe, le genre baroudeur, celle de trois jours comme on dit, et ce sourire content de la voir. À se demander pourquoi mais bon, passons…

La jeune femme s'avança vers lui, incapable de se retenir de sourire. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas souri et putain ça faisait du bien! Si le côté espagnol de sa nature l'avait poussé à vouloir lui faire la bise (et peut-être aussi un petit peu cette barbe qui lui allait merveilleusement bien, mais chut!) ce n'était manifestement pas dans les intentions d'Alex qui resta un peu en retrait de la jeune femme qui n'osa donc pas l'embrasser. Il faut dire que ce n'est guère dans les moeurs françaises la bise direct... Quant à lui tendre la main pour la lui serrer? Beaucoup trop solennel, limite protocolaire.. Bon ben elle se contenta de lui sourire et de lui dire une formule de salutations tout en remettant une mèche de cheveux derrière une oreille. Ouais décidemment elle aurait mieux fait de les attacher!

Elle s'installa face à lui, retirant sa veste pour la mettre sur le dos de son siège, constatant avec amusement qu'ils avaient tous deux optés pour une veste en cuir de couleur noir.

-Oh et bien... Me regarderais-tu d'un mauvais œil si je demande une bière sous prétexte que ce n'est pas une boisson de femme? Ou fais-tu partie des hommes qui trouvent que c'est sexy une femme qui boit de la bière? Demanda-t-elle d'abord avec un sourire puis en rougissant légèrement en réalisant ce qu'elle avait dit.

-Tu ne m'en voudras pas trop si je te dis que tu as failli ne jamais avoir de message de ma part parce que j'avais un brin oublié ton numéro dans une poche? Je ne l'ai retrouvé qu'aujourd'hui en faisant un brin de tri dans mes fringues… confessa-t-elle avec une petite grimace embarrassée. –Ceci dit, continua-t-elle, tu aurais pu m'écrire sans problèmes, je ne mords pas… Sauf sur demande. Plaisanta-t-elle.

Elle le regarda un petit moment sans rien dire. Oh oui, elle était sous le charme, pourquoi nier la beauté quand elle est sous vos yeux?, mais elle se demandait ce qu'un étudiant en archéologie pouvait avoir comme revenus… En clair cela la gênait qu'il paye mais elle savait aussi que la plupart des hommes, quand ils invitaient une femme à boire un verre, n'aimaient guère à les voir payer. Ou alors attendaient qu'elles le fassent mais d'une façon plus…intime dirons-nous!

-Alors, dis-moi, ce voyage, c'était bien? Tu as fait des découvertes intéressantes? Enfin tu n'as peut-être pas envie d'en parler et… et je ferais mieux de me taire et de te laisser en placer une, pardon.

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:copyright: Chieuze

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When darkness comes I’ll light the night with stars

Alexandre Durand & Caraibe de Rochebrune

La Vieille Pie, Paris, 25 janvier 2020

La jeune femme me sourit de toutes ses dents quand elle déboule, et elle est à l’heure en plus. Enfin, quasiment. Ca ne compte quasiment que pour rien, un retard aussi léger. Et puis je suis clairement habitué à bien pire de la part de ma sœur ou de mes précédents dates… En général, c’est le quart d’heure de politesse à la française, qui s’éternise le plus souvent en une demie heure… Voire pire encore. Alors, je ne vais pas commencer à la juger. Et puis, une femme qui arrive tout sourire comme ça, ça vous fait forcément des papillons dans le ventre, parce que ça promet une bonne soirée, et peut être bien plus si affinités. Alors, ça aurait pu plus mal commencer ? Je ris de bon cœur quand elle fait la mignonne et que je constate qu’on a une veste en cuir noir tous les deux, et plus encore quand elle parle de son goût pour une « boisson d’homme ».

| Hm. Je travaille parfois sur des chantiers dans des pays où les filles boivent parfois leur litron quand on arrête de bosser. Alors, une pinte… Non, ça me va bien. Tu me traiteras pas de petit joueur en enquillant les shots, au moins. |

Je fais un signe à un serveur pour manifester mon besoin d’assistance. Petit signe de tête et je reporte mon attention sur ma compagne de la soirée et je note les mots qu’elle emploie, ce qui me tire forcément un petit sourire.

| Ah oui, être sexy à mes yeux, ça compte alors ? |

Je laisse traîner un brin mon regard sur son décolleté, mais pas de façon trop appuyée, juste pour lui montrer que j’ai bien noté la tenue mais avec l’air de celui qui se fait discret, pas trop insistant bref « j’ai vu ça aussi… ».

| Et bien, si tu commences comme ça, fais gaffe, parce que la bière on peut aussi la boire cul sec et on va vite se retrouver chez moi. |

Taquinerie, mais pas tant. C’était très direct. Trop ? Il faut ralentir un peu la cadence, sinon, on ne va profiter de rien, et peut-être qu’on découvrira trop tard que pour une raison ou une autre on ne se plaît pas tant que ça. Ce serait con quand même, alors, savourer un peu l’instant présent ne ferait de mal à personne, pour sûr ! Pour le reste, je n’ai pas rebondi sur le fait qu’elle avait oublié le numéro et je me demande si c’est vrai de vrai ou si elle me fait marcher pour que je m’insurge et que je réagisse. Je ris de nouveau quand elle s’excuse de trop parler, mais le serveur arrive et je lui commande deux pintes de Pie, la spécialité du bar avec des bières américaines top tendance à Paris mais qui m’indiffèrent complètement. Autant prendre du bon.

Et de la bière un peu forte, aussi, histoire de voir si elle est encore plus marrante une fois qu’elle a un verre dans le nez.

| T’es vraiment une marrante, Caraïbe. Bon, le voyage, ça a été. Mais j’ai dû vite rentrer au pays, quelques petites histoires de famille à régler et finalement le gouvernement Turc n’a pas validé notre extension de fouilles. Tout ça à cause de ce qu’a dit notre président sur le leur… Bref ! J’ai dû rentrer, et au moins, ça m’a permis de retrouver des potes, ma sœur, et d’être là ce soir. |

On nous ramène les bières et je trinque avant d’engloutir une généreuse rasade de ma propre pinte.

| Et toi, le boulot ? Tu continues de faire tomber des livres et de draguer tes clients ? |

(c) DΛNDELION

Alexandre & Caraïbe

Même si elle avait le plus grand mal à le regarder droit dans les yeux, c'était souvent comme ça, Caraïbe ne pouvait s'empêcher de le dévorer du regard. Le jeune homme était craquant et le combo de la petite barbe et de la veste en cuir lui donnait, au regard de la jeune femme dont l'imagination était assez développée, un air de bad boy terriblement séduisant. C'est avec un petit sourire en coin, légèrement amusé, et les joues…Bah les joues de couleur normales, pour une fois!, qu'elle lui répondit.

-Savoir qu'un séduisant jeune homme vous trouve sexy, on ne va pas se mentir, c'est très agréable.

Elle fit une légère mimique pensive en croisant son regard, cette fois.

-À moins que cela ne te déplaise, à toi, que l'on te trouve terriblement séduisant?
On…Non, pas un autre mec hein? Mais elle! Oui! C'était une façon légèrement détournée de lui dire qu'elle le trouvait à croquer. Quoi? Comment ça elle est compliquée? Mais nan voyons, suffit de la connaître un peu. C'est…Ouais nan en fait si, elle est compliquée à comprendre Caraïbe! Notre demoiselle remarqua, par contre, le petit regard d'Alexandre vers son décolleté mais elle n'eut pas cette fausse pudeur de bonne femme qui réagit de façon outrée parce qu'on lui a jeté un coup d'œil à une partie de son anatomie qu'elle avait mis en valeur. Non mais soyons honnête, si on met un décolleté c'est bien pour ça! Pour Caraïbe s'insurger pour ça c'était soit de l'hypocrisie soit… soit la bonne femme s'énerve parce que c'est pas le bon mec qui se rince l'œil!

Wow! Ah ouais direct Alexandre! Mais là encore Caraïbe ne s'offusqua pas. Elle rigola derrière sa main, essayant de ne pas avoir un éclat de rire trop scandaleux et pris le parti de plaisanter avec le jeune homme même si elle eut à cet instant de brèves images de leurs deux corps dénudés et enlacés. Ne nous mentons pas: lors de leur première rencontre elle avait senti passer le feeling entre eux et il lui plaisait. Physiquement déjà, et aussi pour le petit quelque chose qu'elle avait ressenti, son petit côté taquin et son humour.
-Une visite guidée? Tu lis dans mes pensées! Je me demandais justement dans quelle sorte d'environnement peut bien vivre un jeune archéologue! J'espère que tu auras au moins pensé à ranger tes chaussettes sales, dis!

Oui bon j'ai jamais dit qu'elle avait un humour détonnant hein? Au contraire, elle était plutôt réputée, entre ses amis, pour avoir un humour plutôt pourri en fait. Mais ça faisait aussi partie de son charme, un peu.
Telle une gentille fille bien élevée Caraïbe laissa le mâle passer la commande et décider pour elle, ce dont elle ne se choqua pas, contrairement ce qu'aurait pu faire une féministe extrême et folle dingue hein?! Alexandre leur commanda de la bière qu'elle ne connaissait pas et elle n'aurait eu aucune honte à l'avouer. Elle aimait picoler mais elle ses connaissances en la matière n'étaient pas inexistante mais pas loin…Surtout qu'elle ne retenait pas les noms même si elle aimait beaucoup découvrir de nouvelles choses! Et continuant sur sa lancée de l'humour à deux balles, Caraïbe pris l'air surpris, se retourna comme si elle cherchait quelque chose ou quelqu'un derrière elle et se retourna à nouveau pour regarder Alexandre, sourcils froncés.

-Une marrante? Mais? À qui tu parles? T'as rendez-vous avec une autre Caraïbe que moi? Je dérange et je dois vous laisser?

Mais trêve de conneries! Elle fit l'effort herculéen de le laisser parler et l'écouta avec attention. Bah oui si elle avait posé la question c'était pas pour des prunes ni faire genre. Si elle avait demandé comment ça s'était passé pour lui c'est parce que ça l'intéressait vraiment! Hé ouais pas de faux-semblants avec Cara! Enfin, la plupart du temps…

-Oh mais c'est dommage ça…enfin pas que tu sois ici ce soir hein? Nah ça me ravie ça hein? Mais c'est tellement lamentable que deux politicards qui se prennent le chou foutent la merde et empêchent des fouilles qui sont d'intérêt mondial en fait. Bon peut-être pas mondial mais tu comprends ce que je veux dire…

Petit regard légèrement désespéré voulant dire "parce que tu comprends hein? Dis-moi que oui!"
Merci au serveur pour leur avoir apporté leurs bières à ce moment-là parce qu'il coupa le sifflet à Caraïbe l'empêchant de continuer à s'enfoncer. Heureusement que la demoiselle n'avait jamais voulu devenir avocate parce que ses plaidoiries auraient envoyé à la guillotine le plus innocent des clients! Ils trinquèrent et prirent chacun une gorgée de leur bière, quoi qu'Alexandre peut-être plus que Caraïbe.

Aoutch. Il était pas au courant que… Bon alors…Allait-elle lui dire et jeter un froid direct ou esquiver? Va pour l'esquive.

-Oh le travail… Disons que j'ai eu droit à des congés à durée indéterminée pour raisons personnelles… Hey! Mais dis donc je passe pas ma vie à draguer tous les lecteurs qui viennent à la bibliothèque hein? Par contre le coup des bouquins qui tombent, j'ai bien peur que ce ne soit pas exceptionnel avec moi!

L'art et la manière d'esquiver telle une anguille et de changer de sujet! Elle fronça un peu des sourcils.

-Tiens, au fait…C'est marrant mais je t'imaginais pas avec une sœur… Je sais pas pourquoi je t'aurais bien imaginé fils unique… Peut-être que tu me l'avais dit mais j'ai dû zapper, pardon… Et elle est archéologue comme toi ta sœurette?

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When darkness comes I’ll light the night with stars

Alexandre Durand & Caraibe de Rochebrune

La Vieille Pie, Paris, 25 janvier 2020

C’est difficile d’envisager quelque chose de léger avec tout ce qu’il se passe désormais. Parce que la situation du groupe, c’est d’être dans la merde. Parce que ma sœur et moi, c’est la merde. Et même parce que toute cette putain de situation à l’université, et bien,c’est la merde aussi. Ce n’est visiblement pas près de s’arrêter. Alors relâcher la soupape de sécurité d’une façon (relativement) innocente, ça compte au moins pour un peu, j’en suis persuadé. La jeune femme est à fond dans l’instant, en tout cas. Elle ne semble pas se laisser piéger par des pensées parasites ou par des potentialités éloignées de tout ce que nous avons connu ensemble, et que nous connaitrons peut-être. Je ne sais pas si elle a l’habitude de sortir avec des rencards. Je m’en fiche un peu, aussi. Mais elle est concentrée. Ce n’est pas un tinder comme les autres, comme je l’ai bien trop vu, avec des nanas bien trop concentrées sur leur téléphone pour faire autre chose que « switcher » la conversation et leur téléphone. Elle, elle a de l’intérêt.

Caraïbe.

Putain de foutu nom, son père devait être sacrément bourré, ou alors, c’était un original.

Tant pis. Je ne suis pas agent d’état civil, de toute façon, et elle continue de se flatter, de me flatter, et elle continue d’entrer à pieds joints dans un jeu de séduction qui rend le tout infiniment moins innocent que je ne l’ai conçu de prime abord. Je hausse les épaules, cache un peu le malaise que tant de compliments affluent en permanence d’un haussement supplémentaire, avant d’engloutir une généreuse rasade de bière.

| Oh, ben euh, non, ça me déplaît pas. |

Bien plus à l’aise dans la peau du joli cœur qui maîtrise le tempo des compliments et du reste que dans celui qui doit faire face à cette avalanche de bons mots et d’œillades qui ne traduisent qu’une chose ; une virée sans entrée ni plat, avec saut direct au dessert. Tout ça va très vite, même pour moi. Je dois trouver le moyen de remettre un peu de distance et d’imprévu dans quelque chose qui déjà, semble emprunter une direction que nous ne pouvons nier ni l’un ni l’autre. Ce n’est pas tant la finalité que je remets en question que le chemin qui nous en sépare. Chaque chose en son temps. Et pour le moment, j’avais besoin d’une mousse, pour me détendre un peu. Bon, c’est aussi mal parti toutes ces bonnes résolutions, sitôt que l’on considère que des énormités sortent de ma bouche en continu. Forcément… Je ne pense pas à revenir en arrière, et puis, ce serait stupide. Maintenant, j’étais chaud comme un lapin le jour de l’ouverture de la chasse.

| Hm, y’a peut être une paire qui traîne à l’entrée de la chambre. Mais pour le reste, c’est surtout un fatras de bouquins, j’en ai peur. |

Et une arme ou deux, mais bien planquées. Hors de question de se faire capter, alors, c’est toujours rangé dans des endroits improbables et en supplément difficiles d’accès. Alors, pendant qu’elle continue de parler et de faire la belle et l’ingénue je réponds, ancré dans le réel, pour ne pas paraître menteur peu scrupuleux plus tard. Je ris à sa petite plaisanterie, amusé, et secoue la tête avant de boire une gorgée supplémentaire. Je me rembrumis un peu quand elle évoque les conneries des administratifs et des politiciens au dessus de nous.

| Bon, faut quand même avouer que la Turquie, c’est pas non plus la panacée hein. Les types ont envahi la Syrie, cherche des noises à toute la partie orientale de la mediterannée, soutiennent des régimes de pourris dans le Caucase… je peux comprendre qu’on cherche à leur taper un peu dessus, pour leur rappeler de pas trop faire le con. Et l’archéologie… C’est une science morte, aussi. Y’a pas d’enjeux autres que la connaissance, tu vois ? Et la connaissance, et bien, elle passe au second plan dans ce monde. Depuis toujours. On préfère le confort et la sécurité au savoir. Et ça se comprend. Tu vois, je préfère boire une bière avec toi, et dormir au chaud ce soir, plutôt que de savoir le nom d’un potentat Aztèque du XIIe siècle ? Bon, ça me passionne aussi, hein. Mais il y a plus important que les passions. |

Et ça, je l’ai appris depuis bien longtemps, à mon corps défendant. Caraibe parle de son boulot et je fronce les sourcils, peu diverti par la plaisanterie qui suit, ou plutôt, par ses deux vannes successives, mais par un détail qui ne m’a pas échappé.

| Un congé à durée indéterminée ? Ca existe, ça ? Je veux dire… Ce n’est rien de grave, j’espère ? |

Bon et puis la prochaine fois Alex, ta gueule, si t’as pas envie de tout mettre dans la balance en parlant de Orphée. Je soupire, me résignant à la vérité crue pour crever l’abcès.

| Oui, j’ai une sœur. Mais non. Elle est chanteuse. Donovan Smith, tu connais. Et ben, c’est elle, ma sœur. C’est pas des blagues. |

Je dis ça blasé au possible, puisqu’en général, on me croit pas, on se fiche de moi, ou alors tout change d’une façon ou d’une autre.

(c) DΛNDELION

Alexandre & Caraïbe

Mais pourquoi diable n’avait-elle pas pu lui mentir ou à défaut tout simplement éluder le thème du travail ? Non parce que là c’était sûr et certain elle allait jeter un froid sur la conversation hein ! Mais non ! Elle n’aurait pas pu lui mentir, même si elle avait voulu, elle n’était vraiment pas douée pour cet exercice et on pouvait, ironique pour une bibliothécaire, lire en elle comme dans un livre ouvert. Puisqu’il était à l’étranger au moment des faits il semblait évident qu’il n’avait pas lu les journaux où l’accident était relaté à la UNE avec, grand merci aux impudiques photographes en mal de sensations, pour illustrer des photos des véhicules accidentés ainsi que des brancards sur lesquels les dépouilles avaient été posées, heureusement emballées, et la jeune femme n’avait guère envie d’en parler… Si elle lui expliquait ce qu’il s’était passé ah non mais c’était évident qu’il allait boire sa bière d’un coup, se lever, jeter un billet sur la table et lui marmonner une excuse bidon pour s’enfuir. Et elle n’en avait pas envie, elle voulait juste passer un bon moment, sa compagnie était agréable, il était intelligent et parlait de choses intéressantes. Ouais elle avait besoin de ça… Pas de le faire fuir ! Mais voilà ! Elle était pas foutu de ne pas lui dire la vérité… Ah non mais elle allait devoir apprendre à mentir sinon sa vie allait devenir encore plus compliquée que ce qu’elle n’était déjà ! Elle baissa le regard sur ses mains, posées sur la table, qu’elle tordit dans un premier temps avant de faire tourner une bague autour de l’un de ses doigts. Ne pas s’enfiler de suite la bière cul sec ! Quoi que… ouais mais nan ! Allez ma grande, un peu de courage !

-Disons que c’est un léger traitement de faveur… J’avais accumulé des congés de toute façon mais… Elle inspira un grand coup tout en continuant à éviter son regard même si le sien avait quitté ses mains pour le regarder, au niveau du cou. –Mon frère jumeau et mes grands-parents, qui étaient de grands amis de mon patron, ont eu un terrible accident qui leur a été fatal…

Voilà. C’était dit. Elle hésita longuement avant de le croiser à nouveau son regard parce qu’elle avait peur de ce qu’elle allait bien pouvoir y lire. ( ou s’imaginer lire ce qui était bien pire) Soit il allait avoir pitié d’elle, soit il allait avoir peur qu’elle s’effondre ou ne parle que de ça et allait fuir… soit ça allait juste le refroidir. Non parce qu’aborder la mort de ses proches quand on a rencard, en ayant ou non l’idée de conclure derrière, on peut pas dire que ce soit le plus joyeux des thèmes…

Ce n’est qu’une fois qu’elle lui eut dit cela qu’elle se saisit de sa bière pour en descendre une bonne partie, manquant de s’étouffer avec lorsqu’elle entendit Alexandre dévoiler l’identité de sa sœur. Elle reposa sa bière en toussant, tout en se tapant la poitrine de sa main libre avant de le regarder, les yeux ronds.

–Donovan Smith ? La chanteuse ? Ta soeur?! Ohoh… Caraïbe, oubliant qu’elle avait tantôt parlé de sa famille décédée, devint rouge comme une pivoine et éclata de rire. Ce genre de fou rire sonore qui s’entend à dix lieux à la ronde, bien évidemment ! Elle dut mettre la main devant sa bouche pour essayer d’atténuer un peu le bruit qu’elle faisait. Elle était habituée à ce que les têtes se tournent vers elle à cause de sa façon de rire qui était tout sauf discrète. Finalement, une fois calmée, elle releva la tête vers Alexandre, des larmes aux coins des yeux d’avoir tant rit, le ventre lui faisant mal. -Pardon… Il se trouve que j’ai déjà rencontré ta sœur, pendant les fêtes de Noël, lors d’une soirée chez un avocat, Samuel Eden… Et elle doit garder un sacré souvenir de moi, ta soeur… J’ai eu l’immense privilège de bousculer la célèbre Donovan Smith et de lui ruiner sa couteuse et luxueuse robe de soirée. Miss catastrophe dans toute sa splendeur… La jeune femme se remis à rire, moins fort que précédemment. - Si tu avais vu le regard qu’elle m’a lancé… continua-t-elle, amusée. -Je suis une véritable miss catastrophe, t’as pas idée…

Elle se saisit à nouveau de sa bière et la regarda en fronçant des sourcils.

-Hey ! Mais… ¡Joder ! Quelle mal élevée je peux faire… Je t’ai même pas dit « santé » ou « Tchin-tchin »… Levant le récipient vers le jeune homme elle prononça donc le fameux « tchin-tchin » avant de boire à nouveau. Qu’il soit le frère d’une célébrité ou pas, en fait, elle s’en foutait éperdument… Du beau monde elle en voyait depuis l’enfance grâce ou à cause des relations de sa famille alors bon… Et puis comme lui disait son grand-père en cachette de sa grand-mère qui n’aurait jamais apprécié ce genre de remarque : « On a tous l’air aussi stupide quand on est assis sur les toilettes ! »

- Vachement bonne cette bière, bon choix ! Dis, un truc… Ouais au cas où tu l’aurais pas encore remarqué je suis d’une grande curiosité… Elle ne l’était que lorsque les personnes l’intéressaient, en fait… Jamais elle ne serait allée poser mille questions à quelqu’un dont elle se foutait complet ! -T’as toujours voulu faire de l’archéologie en t’imaginant tel un Indiana Jones ? En fait si ça se trouve tu n’as jamais vu les films…

Ah non mais bravo Caraïbe, du grand art… Conversation très intéressante, chapeau !

-Tu sais ce que je trouves marrant ? Demanda-t-elle à brûle-pourpoint tout en le regardant dans les yeux, cette fois. -Tu dois être une des rares personnes à ne pas m’avoir fait de réflexion ni poser de questions sur mon prénom.

D’où lui venait cette réflexion ? Ah mais aucune idée ! Elle-même ne le savait pas, sa langue sautait du coq à l’âne en suivant son esprit embrouillé…

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:copyright: Chieuze

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When darkness comes I’ll light the night with stars

Alexandre Durand & Caraibe de Rochebrune

La Vieille Pie, Paris, 25 janvier 2020

Donovan. Tout finit toujours pas tourner autour d’Orphée, c’est comme un mantra, presque un incontournable, quelque chose de lancinant auprès duquel on revient toujours.Je ne suis pas jaloux, ni même envieux. Fondamentalement parlant, je suis très heureux de la réussite de ma sœur, je sais en tout cas que si son travail ne lui permet pas de s’accomplir pleinement, il lui permet à tout le moins d’exprimer de façon directe tout ce qu’elle ressent. Cela agit donc comme une forme de soupape de sécurité pour elle, et c’est quelque chose de précieux quand on connaît son tempérament volcanique. Evidemment je sais aussi que ça peut faire un sujet de conversation, et c’est parfois même assez précieux comme information à balancer car ça permet simplement de savoir à quoi s’attendre et comment se positionner selon ce qu’on pense d’Orphée, et comment on me l’exprime. Je ne sais pas du tout comment Caraïbe va réagir à cette information. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre le proche d’une célébrité, et moins encore quand il s’agit d’une personnalité aussi clivante.

La jeune femme en tout cas, elle se montre assez franche et directe. C’est clairement quelque chose que j’apprécie, je ne peux pas dire le contraire. J’essaie d’y aller doucement pour ne rien brusquer et ne pas mettre la charrue avant les bœufs, mais il est évident que je suis intéressé, et elle aussi. Je suis surpris qu’elle évoque un traitement de faveur, mais en fait pas tant que ça. Somme toute c’est assez commun que des salariés montent beaucoup de week end de suite, jusqu’à ne plus savoir où donner de la tête, et ne se retrouvent finalement en position de ne plus pouvoir liquider leurs congés à moins qu’on leur lâche la grappe pour les poser plus librement sur une période complète. En général, ça marche au renvoi d’ascenseur. Et là, la brunette m’annonce une terrible nouvelle. Je blêmis et j’ai soudain la gorge sèche.

| Oh, putain de merde. Je suis désolé, Caraïbe. |

Que dire d’autre ? A peu près tout serait déplacé, maintenant. Tout serait… Absurde, dénué de sens. Alors, je me tais et je bois ma bière. Fermer sa grande bouche parfois, plutôt que de s’aventurer à débiter des âneries, c’est encore ce qu’il y a de plus malin. Difficile de faire la part des choses, à certains moments. Mais le deuil a quelque chose de vraiment unique et dramatique dans l’existence qui fait que tout ou presque prend désormais une nouvelle tournure, et en général ça ne va pas vraiment dans le sens d’une grande ouverture. Bon quand même, avec un silence gênant qui s’éternise du fait de mes questions un peu stupides… Ce n’est sans doute pas le moment rêvé pour reprendre la parole, mais j’essaie de le rompre comme je peux.

| C’est… C’est récent ? |

C’est marrant quand même dans ce genre de moment comment on peut rapidement se retrouver le nez concentré comme jamais dans sa bière, qui a d’ailleurs bon bouquet maintenant que j’y pense. Finalement, la diversion la plus efficace, je la dois encore à Orphée. Enfin, dans le cas présent, à Donovan. Caraibe éclate de rire après avoir rougit, et c’est assez communicatif ; après un court moment de surprise je ne peux pas m’empêcher de rire, d’abord avec un brin d’hésitation supplémentaire, puis de façon plus franche, plus débridée. Elle rit, elle, à s’en faire péter la gorge. Tant mieux ? Je fais signe au serveur de nous resservir après l’avoir hélé de la main, de le remercier d’un clin d’œil et d’un pouce levé quand il m’indique qu’il m’a vu et a compris ma demande. Mon sourire se fâne finalement quand Caraïbe évoque le fait… Qu’elle a déjà rencontré ma sœur. Samuel Eden ? Oh, bordel. Je m’en rappelais très bien.

| Ah euh… j’imagine qu’elle a dû super bien réagir, la connaissant. Elle a été jusqu’à te traiter comme une débile finie, ou alors, elle s’est contentée de te tuer d’un regard ? Elle en est vraiment capable en plus. De te tuer, je veux dire. |

Ah ah ah… Trop drôle, Alex. Ca sonnait comme une blague éhontée mais en réalité, c’était tout à fait vrai. Comme tous les déicides de terrain ma sœur est du genre à pouvoir planter un stylet dans la gorge de quelqu’un, ou de pousser pile au bon moment quelqu’un du bord d’une rame de métro. Le genre d’accident bête, de meurtre déguisé et efficace, qu’on nous entraîne à accomplir sous des multitudes de forme. Mais bon, moi hein… J’enquille la première bière, je réceptionne les secondes quand le serveur les dépose et je trinque en pensant avec mon vit plutôt qu’avec mon cerveau, mais ça reste indispensable de temps en temps. Je souris, et je ris même un peu quand elle évoque India Jones. Et je me gratte l’arrière de la tête, un brin gêné.

| Ben Caraïbe, je veux dire… C’est curieux. Mais les choix chelous des parents, hein… Mais c’est long à dire, quand je serais bourré je t’appellerais sûrement Cara ou un truc du genre, si c’est ok pour toi. |

Quand on a une sœur qui se fait appeler Donovan alors que son vrai nom c’est Orphée, dans les deux cas…

| Mais ouais, la bière est bonne. Je m’y connais pas mal. Pour l’archéologie… Disons plutôt que c’est une vocation qui me dépasse un peu parce que ma famille baigne dans l’histoire depuis toujours. Nous aussi, on a eu nos drames. Or…Donovan et moi n’avons pas pu grandir ensemble ; nos parents sont morts jeunes, et on a été séparés quelques années. |

(c) DΛNDELION

Alexandre & Caraïbe

Coincé dans une soirée où vous vous ennuyez ? Réunion de famille barbante à laquelle vous désirez vous échapper ? Appellez Caraïbe de Rochebrune : en deux mots elle a l’art et la manière de foutre un froid polaire ! Avec Caraïbe de Rochebrune dites « adieu » aux contraintes sociales !

Il avait suffit d’une simple phrase pour qu’Alexandre blêmisse, ne sachant plus que dire ni comment réagir, elle pouvait le lire dans son regard lorsqu’elle osa le croiser brièvement. Ça et d’autres… Ou alors peut-être imaginait-elle seulement l’apitoiement qu’elle put voir dans ses iris. Allez savoir…

- Ça date du 4 janvier… Répondit-elle. Une partie d’elle avait envie de vider son sac, se confier à Alexandre quant aux circonstances tragiques de leur décès, et un autre plaidait pour la pudeur, pour ne pas l’effrayer… Et puis de toutes façons les journaux en avaient fait de gros titres alors s’il voulait les détails autant les chercher sur internet hein ?

Par chance la conversation dévia sur le thème de la petite sauterie organisée par Samuel Eden, sauterie durant laquelle elle ruina la robe (magnifique mais juste du tissu quand même !) de… la sœur d’Alexandre. Comme le monde est petit ! Par chance… Ouais nan en fait la chance n’avait rien à voir là-dedans vu que c’était elle qui dévia la conversation, la petite futée ! Il y a des personnes comme ça, sans que l’on sache vraiment pourquoi, qui, dès l’instant où on les rencontre, vous inspire profonde sympathie, l’envie de les mieux connaître, bref on les apprécie dès le premier moment. Et avec Alex ce fut, étrangement, ce que notre jeune bibliothécaire ressentie.

-Oh je veux bien te croire. Répondit la jeune femme avec un petit rire. - Si tu avais vu le regard qu’elle m’a lancé… Comme si j’avais fait exprès de la bousculer… Je cherchais juste à fuir cette soirée et non pas à user de ma légendaire maladresse pour ruiner sa tenue… Je crois qu’elle s’est retenue de ne pas m’arracher les yeux parce que nous étions en public…Et tout ça pour un simple bout de tissu… J’ose pas imaginer ce qu’elle me ferait si je te faisais du mal… Remettre au goût du jour de vieilles tortures médiévales, peut-être.

Lorsque le jeune homme recommande de nouvelles bières notre (en comparaison pas tellement) jeune amie se retint, se mordant la langue, de ne pas lui demander s’il comptait la saouler pour la mettre dans son lit. Elle aurait été capable de lui dire qu’elle n’avait pas besoin d’être ivre pour cela… Mais bon elle allait éviter de gaffer hein ? Si ça se trouve il ne désirait qu’être son ami, après tout ça existe hein ? Les hommes qui sortent boire avec des femmes pour l’amitié et la conversation ça arrive. Rarement mais ça arrive ! Dommage qu’il soit aussi mignon… Mais ohoh ! Caraïbe, Caraïbe, tu mets pas un peu la charrue avant les bœufs ? Profite juste du moment présent, OH !

Elle ne put se retenir de rire lorsqu’il déclara que le choix de son prénom était curieux et que les parents parfois était chelous. Ah ça… Mais finalement elle l’aimait son prénom peu commun, elle le trouvait de toute beauté !

-Ma mère est espagnole. Elle a appris le français à l’école et a toujours éprouvé une certaine fascination pour le nom des îles Caraïbes. Il paraît que mon père s’est battu pour ne pas me donner ce prénom mais difficile de trouver plus têtu qu’un espagnol, surtout quand il a du sang catalan dans les veines. Ce qui m’étonne c’est qu’à l’État Civil ils n’aient rien dit… Prenant une nouvelle gorgée de sa bière Caraïbe haussa les épaules. On s’habitue à tout, même aux moqueries. Elle eut un sourire. -Ça me va, t’en fais pas. Tu serais pas le premier à me surnommer ainsi tu sais. Au moins tu m’évites les mauvais jeux de mots d’esprits ne volant pas haut comme « carambolage, carapute » ou autres… Et ça, elle y avait eu droit à ces surnoms à la con… Enfin bref !

On aurait pu croire, vu que sa famille avait péri très peu de jours avant leur rendez-vous, qu’elle n’éprouverait guère de compassion envers ce que lui apprit Alex, mais en fait, ce fut comme si elle sentait son cœur se briser par pure empathie pour lui.

-¡Joder ! Alex, je suis tellement désolée pour toi… et pour ta sœur. Rajout-a-t-elle après un léger silence en suspension. -Je n’ose même pas imaginer ce que vous avez ressenti avec Donovan… perdre ses parents et être séparé de son frère ou de sa sœur… Quel déchirement !

Elle tendit la main à travers la table pour saisir celle d’Alexandre, la serrant fortement. Sa première impulsion, qu’elle réfréna immédiatement car l’endroit ne s’y prêtait guère, fut de se lever pour le serrer dans ses bras. C’est qu’elle était parfois maternelle notre chère amie ! Elle resta ainsi, gardant sa main sur celle du jeune archéologue, plus longtemps qu’il ne le fallait, peut-être. Mais qu’importe ? Elle ressentait grande peine pour lui.

-Tu t’y connais en bière dis-tu… Dois-je t’imaginer lors de fêtes universitaires, bourré, tout nu dans les couloirs de la fac à courir ? Plaisanta-t-elle, surtout pour lui détourner l’esprit de pensées qu’elle imaginait tristes.
Ceci dit, l’imaginer tout nu… Hé bien… Miam !

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:copyright: Chieuze

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