Ash Amseth ✥ Like a shark, I'll be ripping you apart and celebrate

✥ Avant Âmmout, il y avait Neveen — Date Inconnue.

C’est sur les rives du Nil — à Abydos — que Neveen est née, une nuit de ce que l’on appellerait aujourd’hui « l’automne ».  L’on en sait peu sur son enfance, sur sa famille ou encore sur son mode de vie en général. Ce que l’on peut dire, en revanche, c’est qu’au crépuscule de ses vingt ans, alors qu’elle n’avait plus ni parents ni attaches, sa vie prit un tournant pour le moins radical. Affamée, enragée et sûrement accablée par la misère des petites gens, elle prit la décision — réfléchie, certes, mais par défaut également — de se nourrir comme elle le pouvait : puisqu’elle n’avait ni bétail ni culture, elle se tourna alors vers ce qui grouillait autour d’elle, la vermine humaine. Loin de le faire par bonté d’âme, elle le fit avant tout pour survivre ; sélectionnant les Hommes de peu de vertus, elle se remplissait le ventre, tout en nettoyant d’un même temps le peuple de ceux qui le polluaient.

Ainsi naquit la rumeur d’une femme aux dents longues, d’une femme assoiffée de sang qui frappait sans prévenir, avant le lever du jour comme au coucher du soleil et qui ne laissait aucune trace derrière elle, tout au plus quelques témoins effrayés. De ses victimes, il ne restait rien — ou si peu de choses — ; presque tout était bon à manger sur la carcasse humaine, sauf quelques organes qu’elle offrait aux bêtes du Nil. Son affaire était bien rodée, son ventre toujours plein et elle se laissa peut-être aveugler par la peur que la réputation du « fléau d'Abydos » insufflait aux gens. Les années se succédèrent et se ressemblèrent au point où, trop confiante, elle en oublia qu’au-delà des Hommes, les Dieux aussi pouvaient être témoins de ses méfaits.

✥ L’Avènement d’Âmmout — Date Inconnue.

Quelques années après la toute première victime de Neveen, la rumeur diffuse de l’existence d’un meurtrier sanguinaire arriva finalement aux oreilles des Dieux. Affligés, ils prient de concert la décision de mettre un terme à son épopée sanglante : il fut décidé qu’Osiris et Thôt devraient choisir le châtiment qui lui serait destiné, et Osiris hérita de sa pleine responsabilité. Ainsi naquit Âmmout, bête monstrueuse à la fois lion, crocodile et hippopotame, à jamais liée à Osiris ; assises à ses côtés lors du jugement des morts, elle le secondera des siècles durant, dévorant le cœur de ceux qui ne méritaient pas d’atteindre les rives du monde des Morts. N’ayant pas pu savourer son cent-dix-septième repas de chair avant sa « condamnation », il est dit qu’elle passa son temps auprès d’Osiris à essayer d’assouvir sa faim et qu’elle dévorait les cœurs sans jamais réussir à se rassasier.

✥ Le Déclin & Retour sur ses Terres— Date Inconnue.

L’Égypte Antique connut une période prospère particulièrement longue et pavée de grands noms, de merveilles et de découvertes. Et, si jusqu’au déclin de cette civilisation les fidèles avaient voué un culte à leurs nombreuses divinités, leur foi finit par se tourner vers d’autres croyances et le peuple égyptien changa, au même titre que l’Égypte telle qu’Âmmout l’eut connu disparut. Aussi, Osiris ne fut plus célébré, et encore moins son bras armé lors du passage dans le monde des Morts. Leur culte déclinant lentement vers l’oubli, le dieu du royaume des Morts n’eut plus à cœur de garder Âmmout enchainée à lui et à un rôle qu’elle n’avait finalement plus besoin d’honorer. Aussi, il fut convenu qu’Âmmout reprendrait sa place sur Terre, avec la condition qu’elle serait physiquement incapable d’ingérer de la viande humaine et qu'elle promette de garder sa véritable forme sous le sceau du secret. Précautions bien nécessaires, surtout lorsque l’on sait que sa faim ne fut jamais sustentée auprès d'Osiris et qu'elle appréciait être terrifiante aux yeux des gens. Ce retour sur Terre fût le début de son long voyage par-delà les frontière de l’Égypte, de son irrémédiable errance.

L'on dit qu'attachée à son dieu et maître Osiris, elle lui reste encore loyale aujourd'hui.

✥ Les Croisades, Proche-Orient — Vers 1100.

Traçant sa route de pays en pays, de peuple en peuple et surtout de guerre en guerre, Âmmout s’était éloignée de son Égypte natale, s'enfonçant dans ce qui serait un jour l'Europe et se heurtant bien souvent aux regard méfiants de ceux qui n’avaient jamais vu de femmes de couleur. Souvent marginalisée, parfois démonisée, Âmmout du se faire discrète, apprenant tout autant de langues que de cultures différentes, et assistant, impuissante, à ce que la religion pouvait faire de plus stupide : diviser les hommes. Étant finalement retournée au cœur du Proche-Orient — vers 1092 — où elle avait vu naitre (somme toute beaucoup, beaucoup plus tôt) l’islam tout comme le christianisme et le judaïsme, et vit grandir, aussi, le fossé qui séparait les croyants de ces différentes croyances. Elle comprit que l’on pusse prendre les armes pour proclamer la gloire de son dieu, mais elle n’acceptait pas, ne concevait pas les méthodes des peuples rivaux. Poussée par sa volonté de tourner le dos aux croisades qui faisaient rage non loin de ce qui fut sa belle Égypte, Âmmout massacra bon nombre d'hommes afin de quitter cette partie d’un monde qu’elle devait encore explorer. Tristement, elle n’en consomma aucun, mais pris plaisir à en démembrer quelques-uns ; quelques années plus tôt, elle avait vu à Maara des banquets de carcasses humaines, avant de s'en éloigner, quelque part attristée de ne pouvoir y prendre part.

S'éloignant de nouveau de ses terres et de ses dieux — et des foules malaisantes qui y grouillaient et handicapaient la créature —, Âmmout resta dévouée à Osiris et à ses semblables, bien heureuse, peut-être, qu’ils ne soient pas mêlés aux conflits de cette nouvelle ère.

✥ Gilles de Laval, Sire de Rais — Entre 1429 et 1440.

Son errance la mena dans un pays auquel elle s’attacha, y trouvant une culture tout à fait intéressante et des mœurs qu’elle sembla apprécier. La France captura son cœur surtout parce que la langue qu’on y parlait lui plaisait ; radicalement différente de la sienne, Âmmout l’apprit avec une curiosité presque enfantine et un acharnement quelque peu amusant. S’approprier cette langue lui donna l’impression de réapprendre à vivre et de se réapproprier, aussi, une existence qu’elle avait jugé jusque-là insipide et superficielle.

En 1429, sa route croisa celle d’une jeune femme, et, si l’Histoire rapporte le nom de Jeanne d’Arc, celui d’Âmmout restera encore sous silence. Sa condition — de créature, déjà, et de femme de couleur, ensuite — ne lui permettant pas de se mettre au-devant de la scène, elle ne prit pas part aux conflits, restant assez en retrait pour ne pas se faire remarquer, mais assez près pour pouvoir observer. Pourtant, plus que Jeanne, ce fut Gilles qui attira son œil curieux. En effet, l’homme avait bien des vices, dont celui de raffoler des jeunes enfants ; consentant ou non, morts ou vifs. Laissant l’Histoire s’écrire sans jamais intervenir, elle fit le moins de vague possible mais en faisant, paradoxalement, le plus possible. Elle aida les enfants survivants à reprendre des forces, et enterra ceux qui n’avaient pas eu cette chance, les accompagnant avec tous les égards qu’ils méritaient dans le monde des Morts. Quand elle raconte son histoire, Âmmout dit souvent que c’est à cette époque qu’elle s’est promit de vouer son existence aux soins des défunts : auprès de ses enfants à jamais endormis, elle retrouva un sens à son errance, un but au reste de son éternité.

En 1440, quand le Sire de Rais fut condamné pour ses crimes contre les enfants, Âmmout devança la sentence : l’Histoire raconte qu’il fut pendu et brûlé sur un bûcher, mais la créature sait que son cœur s’est arrêté. À la faveur de la nuit, la domestique qu'elle prétendit être se faufila dans sa geôle et lui montra son vrai visage. Le pauvre homme mourut d'effroi. Le seul témoin de sa véritable nature étant mort, Âmmout n'eut pas à craindre d'avoir enfreint les règles de son maître. Pour autant, il fallait faire un exemple de cet homme, aussi, l’exécution fut maintenue, et personne ne releva le fait que le condamné semblait déjà mort, avant même d’être pendu. Ah... Si seulement sa puissance lui avait permis de stopper son cœur sans se dévoiler... Quel plaisir elle aurait eu à tenir le cœur de cet homme entre ses mains.

Quittant sa France avec un pincement au cœur, Âmmout reprit sa route, semant maintenant plus de sépultures sauvages que de cadavres démembrés.

✥ Découverte des Amériques & Esclavagisme — Vers 1500.

Peu de temps après la naissance de celui qui sera l’Empereur Charles Quin, Âmmout s’embarqua dans une aventure par-delà les mers et les océans. Elle ne révèle jamais complétement ce qui l’a amenée à faire ce voyage — celui qui la mènerait vers les Amériques — et reste toujours vague sur ce qu’elle y vécut, mais si on l’écoute, elle fut cuisinière et aide sur le navire sur lequel elle fit la traversée, avant d’être mise au service d’un seigneur et propriétaire terrien. Son teint de peau laisse deviner ce que l’on fit d’elle, à cette époque et elle garde encore quelques traces indélébiles que même son glamour n’arrive pas à effacer, ni même à estomper. Si l’on pouvait lire dans sa caboche lorsqu’elle s’y perd, elle se retrouve souvent à courir dans un champ de coton, fuyant les coups, arasée par les heures de travail et par les horreurs qu’une femme pouvait y vivre. Jugée « bonne à rien » sur les cultures, elle fut mise en vente aux enchères, et, si l’histoire avait suivi son cours elle se serait très certainement retrouvée dans une maison des plaisirs...

[ Mais ce jour du 4 mai, Âmmout s’en souvenait parfaitement, avec un clarté que les siècles n’arriveraient jamais à atténuer ; elle se rappelait de ce vertige, de cette nausée, de son corps sur lequel elle avait perdu tout contrôle et des assauts des « autres », de ceux qui achetaient comme de ceux que l’on vendait. Et là, au milieu de cette quarantaine de personnes aussi bien fagotées de guenilles que parées de leurs plus beaux costumes et de leurs montres à gousset, Âmmout se sentait assaillie par les assauts impitoyables de leurs consciences. Si certains ne semblaient pas dérangés par le fait d’acheter une vie humaine et d’en faire le trafic, la plupart renvoyait leur manque flagrant de moralité, se sentant dans un bon droit qu’Âmmout ne comprenait pas. Les esclaves, eux, se rongeaient les os pour de petits méfaits, apeurés de devoir en payer de leur vie. Aussi, elle supporta aussi longtemps qu’elle le put, tentant d’échapper aux mains de celui qui la tenait sur la tribune et qui l’exhibait aux acheteurs alors qu’elle sentait la rage bouillir dans ses veines. Il n’en fallu pas beaucoup, trois fois rien — une gifle de la part de son geôlier — et elle entra dans une rage aveugle, sa force décuplée par l’injustice qu’elle ressentait et par les lourdes consciences alentours. Les minutes qui suivirent ne furent que panique, cris, bruits d'os broyés par une mâchoire puissante et gargouillis étouffés. Elle massacra tout le monde, sans distinction aucune, et ne lassa derrière elle qu’un tas de chair sanguinolente. L’on ne distinguait plus les corps, juste des masses de sang noirci et des mélasses d’organes. Sans qu’il n’y eu de témoins, elle put s’enfuir, retrouvant une liberté qu’on lui avait prise et elle se fit discrète des années durant, avant de pouvoir embarquer sur un autre navire. Sans un regard en arrière, elle quitta le « nouveau monde » et pria Osiris d’arriver à bon port, sur le vieux continent. ]

Ce fut la dernière fois qu'elle se montra sous son vrai jour — et qu'elle pu céder aux assaut des consciences alentours, ses pouvois s'étant amoindri avec la disparition de son culte et sa lecture des consciences altérée —, et sur le sol maculé de sang, l'on pouvait voir des empreintes de crocodile et de lion, et c'était à n'y rien comprendre. Aujourd’hui encore, elle ne supporte pas la vue de boules de coton, ni le « tic-tac » des montres à gousset.

✥ Retour dans le Saint-Empire Romain-Germanique & Dame de Compagnie d’Erzsébet Báthory — Entre 1560 et 1614

La voyage retour depuis les Amériques la conduisit au Saint-Empire Romain qu’elle traversa, le plus discrètement possible, sans ne jamais faire de vague et sans se faire remarquer ; elle était passée maitre en matière de discrétion et en survie et débrouillardise, ne se mêlant aux gens que lorsqu’il lui était impossible de faire autrement. Vivant de petits métiers, parfois de prostitution et souvent de petits larcins, elle traversait le monde en évitant de rester trop longtemps au même endroit. Ainsi, elle atteignit le Royaume de Hongrie, pénétrant sur les terres d’une femme dont la réputation était arrivée jusqu’à elle. Curieuse — et peut-être lasse de ne pas avoir trouvé quoique ce soit d’intéressant depuis des décennies —, elle se laissa guider vers le château de Čachtice, demeure du Seigneur Ferenc Nádasdy et de son épouse, Erzsébet Báthory. L’époux souvent absent, l’on disait que la maitresse des lieux cherchait toujours plus de domestiques pour répondre à ses besoins, quels qu’ils soient. La rumeur courrait que bon nombre des jeunes femmes réquisitionnées disparaissait sans que l’on puisse savoir ni comment, ni pourquoi. Aussi, Âmmout se laissa approcher par les laquais de cette femme entourée de bien des mystères, et l’on dit qu’elle entra à son service.

Elle put observer, entre les murs du vaste château, les jeunes femmes s'évanouir les unes après les autres, alors que la créature — étrangement — ne tomba pas sous le joug de la comtesse. Une fois seulement fut-elle en sa présence, en tête-à-tête, et la comtesse sembla fort intriguée par le teint de la jeune femme ; alors qu’elle cherchait l’immaculée pâleur qui traduisait l’importance de son rang, Âmmout avait la peau hâlée des grains de café. Elle fut également intriguée par le langage exotique d’Âmmout, par son hongrois quelque peu approximatif et par son insolence. Insensible aux tortures de la maitresse des lieux, l’égyptienne fut même amusée, laissant croire qu’elle prenait plaisir à cet exercice, refusant de se laisser intimider. Ennuyée ou peut-être séduite par cette femme à forte-tête, Erzsébet ne l’exécuta pas, faisant d’Âmmout un engrenage de son entreprise sanglante ; dès ce jour, la créature fut responsable de faire disparaître les corps des femmes suppliciées. Embrassant son rôle avec ferveur, Âmmout enterrant chacune des victimes avec égard et parfois affection, si elle les avait connu assez longtemps… Elle aimait les accompagner dans leur dernière demeure, jugeant que personne ne devait disparaître sans témoin ou sans adieux.

La comtesse fut finalement arrêtée et Âmmout ne l’avouera à voix haute qu’une seule fois, à Sekhmet : c’est elle qui, en 1602, prévint le pasteur István Magyari qu’Erzsébet s’adonnait à des malversations qualifiées, pour l’époque, de sataniques. Après la condamnation d'Erzsébet, Âmmout avait pris l’habitude de venir la voir, avant le lever du soleil, espérant peut-être être capable de la tuer… Ah, si seulement elle avait eu sa puissance d’antan, elle aurait mis fin aux jours de cette femme, pour tous les crimes qu'elle avait commis... Aussi vint-elle des années durant, attendant que la comtesse s'éteigne, s'allongeant devant la petite ouverture où l'on passait ses repas.

Il est dit que la comtesse mourut en 1614, seule, dans la plus haute tour de son château, mais Âmmout fut le témoin de son dernier souffle.

✥ Révolution Française — 1789.

Après un bref passage sur ses terres natales, Âmmout revint vers la France, ce pays qu’elle considérait presque comme le sien, maintenant. Elle y avait vu la civilisation avancer sur bien des domaines — l’art sous toutes ses formes, la philosophie et la politique — et avait assisté aux prémices de ce que l’on appelle le siècle des Lumières, jusqu’à ce qu’il atteigne son acmé. Ce que l’Histoire de France appelle la Révolution Française, Âmmout peut se vanter d’y avoir été et d’y avoir assisté. De loin, toujours, puisque les foules la rendant fébrile et trop prompte à prendre des risques inconsidérés — même si elle n'avait plus la moindre puissance et qu'elle fut donc dénuée de ses pouvoirs —, la créature préféra ne pas se mêler à la marée humaine. Il y eut autour d’elle des âmes bien noires qui, même si leurs intentions n’étaient pas mauvaises, polluaient Âmmout. Elle vit les têtes tomber et rouler, attendant patiemment que le peuple se calme et que la France retrouve un semblant de stabilité, quel que soit l’étendard sous lequel elle avancerait, par la suite.

✥ Nazisme — 1943-1945 & 1979.

Âmmout se sentit bien en « Europe », au moins jusqu’à l’arrivée du Nazisme. En effet, bien loin des standards ariens, l’égyptienne dut faire profil bas, se cachant pour ne pas tomber pour n’importe quelle raison scabreuse. En France, elle vit l’humanité dans toute son horreur, les gens vendant leurs voisins pour un oui ou pour un non, alourdissant leurs conscience au point où Âmmout fut contrainte de quitter les grandes villes et les grands sentiers pour s’enfoncer dans une solitude salvatrice. Et, si l’Histoire a érigé des hommes au rang de « Juste », Âmmout aurait pu prétendre à ce titre, alors qu’elle aussi avait aidé à cacher des enfants juifs, des enfants de communistes ou encore des résistants. Pourtant, elle ne devait pas, surtout pas faire parler d’elle ; l’on pouvait prendre des clichés, des images figées dans le temps, et Âmmout avait peur que son visage ne se retrouve un jour sur des images d’archives et que l’on découvre que son existence s’étendait sur bien trop longtemps.

La chute du Troisième Reich entraina à sa suite celle des « grands » noms de ce régime, et si certains d’entre eux étaient déjà entre les mains de la Justice, d’autres avaient réussi à fuir et à vivre dans un nouvel anonymat. Aussi la créature décida-t-elle de traquer, de retrouver et de faire payer ceux qu’elle réussirait à dénicher. Il y en eu un, particulièrement, qui lui donna du fil à retordre mais qu’elle fut fière d’avoir retrouvé : Joseph Mengele, « l’Ange de la Mort ». Il avait su se faire discret et profitait d’une vie qu’il ne méritait pas, aux yeux d’Âmmout et aux yeux, très certainement, de nombreux survivants de la Seconde Guerre Mondiale. Elle voyagea jusqu’à São Paulo, au Brésil où elle l’observa longuement, se demandant peut-être comment elle pouvait bien le tuer, sans laisser ni trace ni témoins, dans un monde où maintenant, les crimes étaient beaucoup plus simple à élucider et où il fallait toujours trouver un coupable. Aussi, elle ne fit rien, se contentant d’essayer de le confondre à chaque fois qu’elle le croisait.

La vie répondit finalement aux prières d’Âmmout, et le 7 février 1979, Mengele fut retrouvé mort sur une plage de Bertioga ; l’homme se serait noyé, terrassé par une crise cardiaque. Aujourd’hui encore, Âmmout sourit, amusée par cette fin, elle qui aurait voulu arrêter ce cœur elle-même et peut-être même le dévoré.

✥ Retour sur ses Terres — 1980-1990.

Du dégoût. Voilà ce que ressentit la créature à la vue de ce que son pays était devenu. L’on avait creusé les dunes pour déterrer les pharaons et piller leurs tombes, on mettait littéralement à sac la splendeur de la civilisation telle qu’Âmmout l’avait connue et on en faisait commerce. Certes son nom ressortit des nimbes de l’oubli, mais l’on bafouait son histoire, celle de ses dieux, et elle dut se faire violence pour ne pas réagir et montrer qui elle était… Cela lui permit au moins de retrouver une once de sa puissance d’antan, alors qu’elle avait tout perdu de ce qui faisait d’elle la « Dévoreuse de cœurs » ; elle put laisser sa peau craqueler prendre le soleil dans l’intimité d’une crique, elle put se laisser envahir par ce que les gens autour d’elle avaient sur la conscience… Elle savourait ce qui avait été à sa portée pendant des siècles et ce qu’elle avait perdu pendant de nombreux autres et elle avait l’impression de se retrouver, de redécouvrir son identité profonde. Avec pour seul souvenir de ce voyage quelques réminiscences de sa puissance, Âmmout repartit, retournant en Europe.

✥ Monde Moderne & Retour en France — 1990-2008.

Fidèle à ses aspirations, Âmmout — devenue Ash, Neveen — fit des pieds et des mains, pour être formée et devenir thanatopracteur. Son sens inné du respect des morts, sa passion pour apprendre les rites mortuaires du plus grand nombre de cultures et sa volonté à être la meilleure dans son domaine la firent rapidement gravir les échelons et lui valurent de se faire un nom dans le milieu.

Forte de son expérience, elle put ouvrir sa propre maison funéraire, « Ashes to Ash », en 2007. Depuis, elle semble être la maison la plus sollicitée, et Ash croule sous le travail. Pour autant, elle ne s’en plaint jamais, honorée de poursuivre son œuvre au-delà même du Royaume des Morts et d’avoir l’impression d’être encore utile à son dieu, même s’il n’est plus là pour la chapoter.

✥ Mort d’Odin — 2020.

Le vent de la Mort d’Odin arriva jusqu’à elle, et elle en trembla. Si l’on avait pu tuer ce dieu, c’est que l’on pouvait tuer les siens, aussi. Osiris, Sekhmet, et tous les autres seraient en danger, au même titre qu’elle ; puisque les dieux n’étaient plus immortels, les créatures l’étaient encore mois. Elle avait déjà retrouvé Sekhmet, la déesse qu’elle portait le plus dans son cœur — littéralement —, mais il lui fallait encore trouvé tous les autres. Ensemble, ils seraient plus forts, ils sauraient quoi faire, et ils se prépareraient à faire face à la menace qui semblait grandir sous leur nez, sans qu’ils ne sachent d’où elle surgirait.

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