Books are the mirrors of the soul - Virginia Wolf [Intrigue II - Terminé]

Books are the mirrors of the soulMasha & Dréna

Son propre reflet se superpose aux quelques livres exposés dans la vitrine. Sa queue de cheval repose tranquillement sur son épaule gauche, le livre a une couverture ancienne, le titre est écrit en doré. Elle ne sait pas bien ce qu’elle regarde, elle a du mal à fixer son attention. Elle est à la fois désappointée de constater qu’en dépit des siècles qu’elle a traversé, ses tenues vestimentaires restent d’une sobriété à toute épreuve, et fascinée par la charmante petite librairie devant laquelle elle se trouve. Elle se décide finalement à entrer. Depuis quelques temps, elle n’ose plus faire de recherche sur son propre compte via Internet. Le réseau est trop surveillé. La sorcière s’est donc tout naturellement tourné vers les livres, ses plus vieux camarades. Du coin de l’œil, elle remarque la libraire et la salue d’un murmure. L’odeur des livres vient emplir ses narines et une rayon de soleill traverse la vitrine et semble guider ses pas, alors, naturellement Dréna se dirige vers la littérature étrangère. Son index glisse sur les différentes tranches des livres, son regard vert à une longueur d’avance sur sa main qui caresse les ouvrages, s’imprègne des différentes textures du papier. Elle finit par arrêter son choix, d’aucun dirait au hasard, mais c’est pourtant faux. Amusée, elle tourne les pages du livres, s’intéresse à l’index, avant de le refermer d’un geste ferme. Dans la foulée, elle en prend deux autres avant de se diriger, étonnamment, vers les livres pour enfants. Cette fois, elle est obligée de s’accroupir pour choisir les ouvrages qu’elle désire. Histoire de, elle décide de prendre en plus trois contes typiquement européens.

Enfin satisfaite, elle se dirige vers la caisse. Son regard menthe à l’eau s’arrête sur les éléments de décors de la boutique, un peu anciens et pourtant tellement à leur place. Elle apprécie l’endroit. Si elle était un peu plus bavarde, un peu plus sociable, elle complimenterait la libraire. Au lieu de cela, elle se tait, mais un léger sourire se forme sur ses lèvres pâles, peintes en rose et son regard s’illumine joliment. Avec sa main, elle avance sur la table les livres sélectionnés : « Contes et légendes slaves » de Laurence Querengesser, ainsi que « La mythologie slave » de Louis Léger et « Le monde mythologique russe » par Lise Gruel – Apert. S’ajoute à cela des contes, soit – disant pour la crèche « Babayaga » de Taï – Marc Le Thanh, puis « Baba Yaga La sorcière » rédigé par tout un tas de gens qui n’y connaissent rien. S’ajoute à cela le conte du petit chaperon rouge, de la petite sirène et d’Hansel et Gretel. Les contes ont pour fonction de tromper autrui, ils servent d’excuse. Mais la démarche est faiblarde. Il est évident que ce qui l’intéresse en priorité, c’est la Baba – Yaga, c’est elle – même. Une démarche égoïste ? Oui, peut – être. Mais Dréna doute sérieusement que cela intéresse franchement la commerçante. Elle a l’air si fragile, vu de l’extérieur, si douce. L’espace d’un instant, l’esprit de la sorcière s’égare et bien malgré elle, Dréna constate il n’y a pas grand-chose à dévorer sur ce squelette.

« Excusez – moi, combien pour le tout ? »

Sa voix est aimable, son accent russe transparaît légèrement. Les « r » sont un peu trop abrupts, son « u » un peu trop ouvert. Elle sait que cela peut potentiellement la trahir, mais elle a du mal à faire disparaître définitivement l’accent. Quelque part, elle y tient. C’est presque tout ce qui lui reste de sa patrie, de sa forêt. Oh, comme elle aimerait discuter à nouveau en russe... Elle se laisse embarquer par ses désirs et pose la question fatidique :

« Auriez – vous des livres en russe ? ».

Elle n’attend pas vraiment la réponse – souvent négative – et sort son portefeuille d’un geste plutôt vif. Néanmoins, elle n’exclut pas rajouter un livre ou deux si la libraire possède des ouvrages dans sa langue maternelle.

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Dréna et Masha

La journée était bien avancée et relativement calme. Mais cela me permettait de m'occuper de choses et d'autres, je n'avais pas spécialement eu le temps de ranger les dernières acquisitions, ni même ranger un peu les rayons qui ont été pillés à cause des courses de noël. J'avais une librairie de quartier, mais elle existait depuis des années et les habitants des environs savaient qu'ils pouvaient trouver de tout ici. Et cela me permettait de faire vivre ce lieu et de faire ce que j'aimais. Être entourée de livres, être la gardienne d'un tel savoir, même si tout n'était pas forcément bon à prendre, mais il en fallait pour tous les goûts, non ? Heureusement dans un sens, si on était tous pareil, cela serait d'un ennui mortel. Satisfaite du rangement que je venais de faire, je retourne derrière mon comptoir et fais une liste assez exhaustive pour une prochaine commande. Le dernier roman à la mode s'était vendu comme du petit pain et j'avais encore de la demande. Un sourire satisfait se dessine sur mes lèvres, contente d'avoir réussi à garder cet endroit tel qu'il était, sans que ce ne soit démodé pour autant, à l'heure où on trouvait vraiment tout ce qu'on voulait sur Internet. La porte s'ouvre et je relève la tête et eue un sourire en disant bonjour à la jeune femme qui était entrée. Elle disparait rapidement dans les rayons et je la laisse tranquille pour le moment. Sauté sur les clients sans leur laisser le temps de regarder un peu par eux-mêmes, se perdre un peu dans les rayons, n'était pas mon genre. Je partais du principe qu'on n'entrait pas ici complètement par hasard, qu'inconsciemment on cherchait quelque chose, un livre, une histoire, quelle qu'elle soit et qu'on ne le sait pas toujours à l'avance. Je prends le temps de terminer ce que je faisais et pose mon stylo avant de réarranger un peu ma coiffure, parce que j'avais l'impression que ça partait dans tous les sens. Et quand je termine cette opération, la jeune femme revient vers moi et j'eus un sourire aux lèvres. Maintenant que je la voyais de près, je me rendais compte qu'elle avait un joli visage et les yeux d'un vert peu commun. Elle pose les livres et je regarde les titres tout en les passant en caisse. C'était assez surprenant comme choix, les légendes slaves ne sont pas forcément les plus répandues et n'ont pas autant la côte que les légendes nordiques ou autres. Evidemment, l'industrie du cinéma y était pour beaucoup, mais passons, ce n'était pas le sujet. Il y avait aussi des contes pour enfants. J'eus un léger sourire, parce qu'on m'avait raconté le mythe de Baba-Yaga, mais il y avait beaucoup de versions et il était assez difficile de savoir laquelle est la bonne version. Certains sont enclins à croire qu'il ne s'agit là que d'histoire de bonne femme, de récits qu'on écoute de la part d'un vieillard à moitié fou qui raconte cela pour quelques pièces, mais la réalité pouvait être différente. Je savais que les dieux existaient, il en était sans doute de même pour les créatures mythiques ? Sans doute, mais ce n'était pas le moment de me poser ce genre de questions. Je sortis de mes pensées quand j'entends sa voix, elle avait un accent perceptible. Je relève les yeux vers elle, comprenant sans doute qu'elle venait des pays de l'Est. Russie ou Ukraine sans doute, enfin qu'importe. " Pardon, cela fera 75 euros au total." J'eus un léger sourire aux lèvres et hoche la tête à sa seconde question. Je réfléchis quelques secondes, mais il me semble bien que je dois en avoir quelques-uns. " Il me semble bien que je dois en avoir oui ! Pas beaucoup cela-dit, mais peut-être que vous trouverez votre bonheur !" J'eus un sourire un peu plus large sur les lèvres et mets la pile de côté et fais le tour du comptoir lui faisant signe de me suivre à travers les rayons. On arrive dans la section que je préfère. Celle des livres anciens, ou j'avais quelques rayonnages de livres d'occasions également, ce sont souvent des livres qui avaient vécu, des livres de seconde main, mais on y trouvait quelques pépites mine de rien. Tout était un peu en vrac par contre et pas forcément ranger selon un ordre défini. " Vous cherchez quelque chose sur le même thème ou pas du tout ?" Je repose les yeux sur elle et reprends. " Cela dit, vous avez des choix de lectures forts intéressants !" C'était sans doute une opinion personnelle, que je ne devrais sans doute pas dire cela, mais qu'importe. Je me détourne et commence à chercher des titres de livres écrits en cyrillique.

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Elle trie les billets dans son portefeuille avec agilités, ses longs doigts blancs et fins auraient peut – être aimés danser sur un piano, mais la sorcière ne tenta jamais l’expérience. Mais son geste cesse immédiatement quand elle entend la voix mélodieuse de la libraire.

« Il me semble bien que je dois en avoir oui ! Pas beaucoup cela-dit, mais peut-être que vous trouverez votre bonheur ! »

Elle hausse ses sourcils à une hauteur stratosphérique avant de suivre la jeune femme qui l’entraîne dans recoin moins bien organisé. La Baba – Yaga l’écoute à peine. Non elle ne cherche rien de particulier si ce n’est un lien infime qui la relie à son pays. À nouveau sa main caresse les différentes reliures, sans trop se soucier des titres. Sa main, comme si elle avait sa propre conscience fini par s’arrêter sur un livre. Vaguement intriguée, elle lit le titre écrit dans sa langue maternelle. Dréna feuillette l’ouvrage, jusqu’à la dernière page et fronce les sourcils.

« Cela dit vous avez des choix de lecture forts intéressants ! »

La sorcière fronce les sourcils, à la fois perturbée par ce qu’elle voit dans le livre et par les propos de libraire. Dréna lève vers elle un regard vert, interrogateur. Fait – elle allusion aux contes pour enfants, ou au thème général ? Elle qui pensait qu’une petite libraire indépendante n'y prêterait pas attention… Elle aurait sûrement mieux fait d’aller à FNAC qui finalement, d'autant plus que cette dernière n’est pas si loin de chez elle.

« Je suis directrice d’une crèche, j’achète les contes pour les touts – petits, pour que la conteuse puisse leur lire ».

Tout à fait. La conteuse. Dréna ne fait pas les choses à moitié. Sa crèche propose en effet plusieurs espaces bilingues : anglais, chinois, espagnol et russe. L’institution est également en contrat avec des indépendants qui proposent des temps particuliers avec les enfants : la Baba – Yaga embauche ainsi les services, d’une conteuse, d’un professeur de danse, d’une professeure de yoga adapté aux très jeunes enfants. Étonnamment, la crèche est un élément de fierté pour la sorcière, même si cela revient, symboliquement parlant, à diriger une pâtisserie sans jamais pouvoir goûter le moindre gâteau…

« Vous saviez que votre livre, elle agite sous le nez de la libraire l’ouvrage qu’elle tient, contient un mot pour le moins… Touchant ?»

Les émeraudes de ses yeux se posent à nouveau sur la page. Quelqu’un de naïf aurait pu croire à une sorte de gribouillage presque organisé, mais il ne s’agit ni plus ni moins que d'un mot rédigé en cyrillique, de façon manuscrite. Avec son index, elle suit les lignes écrite de nombreuses années en amont, pendant que son esprit passe d’une langue à une autre.

« Il est écrit… Elle cherche ses mots, la bouche entrouverte. ‘’ À ma chère fille, Toi dont je suis si fier, j’espère que ce livre t’apportera tout le réconfort dont tu as besoin pendant ce long voyage qu’est la vie. Tu as été mon plus beau cadeau, ma plus belle réussite. Tu es tout ce qu’un père peut espérer avoir. Avec tout mon amour, ton petit père’’. Elle fait une petite mou. On dirait les derniers mots d’un mourant ».

Que dire de plus...? Les mots sont touchants, cela est vrai. Mais la sorcière a une longue expérience des hommes et elle se méfie d'emblée de ces derniers. De belles paroles camouflent parfois d'horribles gestes. D’un geste sec, elle referme le livre et incline légèrement son visage sur la gauche, son regard se porte sur une vieille édition d’un romain Alexandre Pouchkine. Voilà un livre qu’elle aimerait posséder. Sans hésiter, elle prend le livre en souriant.

« Ce n’est pas souvent qu’un père a de tels mots pour sa fille, n’est – ce pas ? Elle se tait un instant. Cela, elle doit bien l'admettre, le vieux avait le sens de la formule. Elle se demande vaguement à quoi cela ressemble d'avoir une mère et un père aimants. Dréna éprouve soudain une vive démangeaison à l'endroit de ses chevilles, là où son père adorait la fouette. Elle hausse les épaules, rejette sa chevelure en arrière, puis elle se décide. Je vais prendre cet exemplaire en plus du reste ».

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Dréna et Masha

Elle semblait rechercher quelque chose d'assez précis vu les livres que j'avais sous les yeux et entre les mains, mais je la vois qui stoppe son geste quand j'avance - sans pour autant en être totalement certaine - que je pourrais avoir d'autres livres qui pourraient lui convenir. Je fais donc le tour du minuscule comptoir et l'invite à me suivre dans un recoin de la librairie que j'aime particulièrement, même s'il n'est pas aussi ordonné que le reste de la boutique. Il serait difficile de classer des livres qui ne peuvent pas forcément l'être. Mais je commence à chercher un peu, sans trop savoir ce qu'elle désirait avant toute chose. Si j'avais parfois certaines facilités à anticiper ce que les gens voulaient, là j'étais dans le flou total. Je relève les yeux vers elle, arrêtant mon geste pour l'observer alors qu'elle avait un livre entre les mains. Une directrice de crèche ? Je ne l'aurais pas deviné. " Très bonne initiative en tout cas." Je n'avais pas d'enfants, mais si un jour ça devait m'arriver, je savais parfaitement que cet enfant hériterait de ce poste chez les Deicides, tout comme j'avais repris celle de mon père à sa mort. Mais ce que je voulais aussi et surtout, c'est lui lire des histoires aussi belles que tristes. Tous les contes et les comptines pour enfants ne sont pas forcément le fruit de l'imagination de l'auteur. Pas totalement du moins. Et c'était un constat assez terrible que de se dire que le monde n'était pas si parfait que cela. Alors que j'étais repartie à mes recherches, elle reprend la parole et je tends la main pour prendre le livre qu'elle agitait sous mon nez. C'était une annotation écrite à la main, mais je ne comprenais pas ce que cela voulait dire. J'allais lui demander ce que cela voulait dire, mais elle me devance et le message est beau. Et inconsciemment je me pris à penser que jamais ô grand jamais mon père n'avait eu de mot comme ceux-là à mon égard. Moi la fille qu'il avait eue alors qu'il désirait un fils. Mais j'avais réussi à lui prouver ma valeur et bien qu'il trouverait certainement à y redire quoi que ce soit s'il avait été encore de ce monde, j'avais réussi. Difficilement. Mais c'était une victoire amère quelque part et je lève la main pour passer le bout de mes doigts sur ces quelques phrases. " On dirait bien en effet..." Mais cela me fait quand même quelque chose et réveille des sentiments que je pensais avoir suffisamment enfouis pour ne plus avoir à y faire face. Visiblement pas assez. Et le constat est assez difficile à admettre, mais qu'importe, ce n'est pas le lieu ni le moment pour me laisser aller à y penser. J'eus un léger sourire aux lèvres en reprenant. " Non, il faut croire que ce n'est pas donner à tous les pères d'avoir des mots aussi touchants pour leurs enfants. Je me demande si la personne en question l'a remarqué elle aussi avant de donner ce livre pour qu'il soit vendu." J'aimerais croire que oui et qu'elle ne s'est pas séparée de ce livre sans une bonne raison. Mais les gens ne sont pas toujours tous aussi sentimentalistes. En tout cas, je ne pouvais pas nier que si j'avais été à la place de cette personne, j'aurais conservé ce livre aussi précieusement qu'un trésor. Mais tout le monde ne peut pas avoir la même relation avec son paternel, chacun aura une expérience différente. Je sors de mes pensées et me reconcentre sur ce que je faisais quand elle annonça son intention de prendre le livre en plus du reste. " Très bien ! Vous voulez que je continue de regarder ce que j'ai sous la main ?" Une pépite peut très bien en cacher une autre. Et parfois on ne s'en rend même pas compte.

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« Non, il faut croire que ce n'est pas donné à tous les pères d'avoir des mots aussi touchants pour leurs enfants. Je me demande si la personne en question l'a remarqué elle aussi avant de donner ce livre pour qu'il soit vendu ».

La sorcière hausse un sourcil. En effet, tous les pères ne pouvaient avoir de tels mots à l’égard de leur fille. Les hommes, de manière globale, ignorent la tendresse et la bonté. Surtout quand ces dernière doivent dirigées vers les femmes, puisqu’ils les méprisent. Elle retient un soupir. L’homme qui a écrit ce mot est peut – être une exception. Ou un homme violent et mauvais qui fait son mea culpa. Comment savoir ? Néanmoins, Dréna a l'impression qu'il y a comme une certaine... Peine dans la propos de la jeune femme. De la peine ? Ou de l'envie ?

La libraire, manifestement décidée à écouler tout le stock de littérature russe dont elle dispose, lui propose qu’elles continuent de chercher dans le rayonnage quelque chose qui pourrait convenir à Dréna. Cette dernière accepte. Quitte à être là, autant rentabiliser le trajet – surtout pour la jeune professionnelle. Les voilà donc à nouveau parties. La sorcière se laisse guider par son instinct. Elle attrape un livre au hasard, mais elle l’a déjà lu, dès sa sortie en 1906. Elle lâche un petit rire discret, sans en expliquer la raison et reprend sa ronde.

« Vous savez, concernant le mot dans le livre… Peut – être que c’est une erreur, ou que la personne qui a donné le livre, n’est pas celle qui l’a reçu. Un compagnon qui vide la bibliothèque de son amie, ou le fils qui fait de même avec sa mère, sans prendre le temps de vérifier quoi que ce soit. Mais de toute façon ce n’est pas le problème. La question est de savoir pourquoi certaines personnes ont besoin de se construire en répondant aux critères arbitraires d’un parent ».

Elle – même n’avait jamais rien imposé à ses filles… Mais ces dernières n’avait jamais vécues assez longtemps. Sauf Oliana… cette chère enfant qui rêvait d’être la plus grande couturière de l’empire et de coudre les robes de l’impératrice. Le regard de la sorcière se teinte d’un chagrin terrible, de ce que personne ne peut comprendre.

« Vos parents ont dû être ravis quand vous êtes devenue libraire. C’est un bon métier. Vous êtes la garante des âmes de tout ceux qui ont écrit ».

C’était vrai. Chaque écrivain, aussi médiocre soit – il laisse entre les lignes des petites parcelles de son âme. Et finalement, chaque lecteur, en lisant l’œuvre fait raisonner son âme avec celle de l’auteur. La littérature n’est que l’union – temporaire – de deux inconscients. Libraire, se doit donc de provoquer cette ultime rencontre, même si elle ne doit vivre que le temps de 253 pages.
Dréna lâche un petit « Oh! » . Presque soudainement, elle attrape un livre beige. Le titre, évidemment, apparaît comme obscur à n’importe quel étranger. La sorcière l’ouvre et le feuillette. Il s’agit de l’autobiographie d’Avvakum. C’est grâce à ses œuvres que la Baba – Yaga avait appris à lire, à l’époque. Comme il est touchant de trouver un livre sur cet homme dans cette pittoresque petite librairie.

« C’est étrange. Le destin nous réserve parfois de belles surprises ».

La sorcière est tellement enthousiaste, qu’elle ne s’aperçoit pas des indices qu’elle laisse traîner sur son identité. La libraire sait désormais qu’elle est russe, directrice d’une crèche – et il serait facile de retrouver son identité avec ces deux seuls éléments. Enfin, sa passion pour la très vieille et oubliée littérature russe peut également être suspecte. Mais comment lutter quand, pour la première fois depuis son départ, Dréna a l’impression de retrouver un peu de sa patrie, voire même de son passé avec lequel elle a tant de mal à se réconcilier. Certes, ce livre sur Avvakum lui rappelle les moments de lecture lents et acharnés. Mais elle se remémore également l’école qu’elle n’a jamais connue, les coups de son père, l’inconsistance de sa mère, la mort tragique de sa sœur, son envie de mourir, aussi. Mais plus le temps passe, et moins ces évènements restent douloureux. Ce n’est pas que le « temps panse toutes les blessures », c’est plutôt que, petit à petit, elle a réussi à travailler sur son histoire. À tel point que parfois, toute sa haine semble presque apaisée. Cela ne dure jamais bien longtemps, mais ces moments de répit existe. Ce livre. Dans cette boutique… Elle le voit comme un signe du destin : elle est sur le bon chemin. Il y a encore de nombreux danger à braver, mais elle est exactement là où elle doit être.

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Dréna et Masha

Je ne pouvais pas me cacher du fait que j'aurais sans doute aimé que mon père ait eu au moins une fois des mots de ce genre pour moi. Mais malgré tout ça, je savais au fond de moi qu'il m'avait aimé à sa manière certes, mais j'étais sa fille, son enfant, unique de surcroît. Mais cela ne m'empêchait pas d'avoir ce sentiment de ne pas avoir été apprécié à ma juste valeur à ses yeux, d'avoir été sous-estimée, même si j'avais tout fait pour lui démontrer le contraire. J'avais toujours entendu dire que les filles étaient les trésors de leur père, mais je n'avais jamais eu le sentiment de l'avoir été aux yeux du mien. C'était tragique, mais je m'y étais fait, du moins, je le croyais. Peut-être que je n'avais fait que de me convaincre toutes ces années parce que je n'avais eu de cesse d'essayer de lui prouver que j'étais capable d'être à la hauteur de ce qu'il attendait de moi, au point parfois d'oublier ce que je voulais réellement, ce que je désirais. Au point de mentir à certains de mes amis à mon ex également. Au point de tout sacrifier pour une cause à laquelle je n'adhérais plus en totalité juste pour lui faire honneur. Elle semblait avoir fait son choix, mais je lui propose pourtant de continuer les recherches, il y avait sans doute d'autres ouvrages qui pourraient lui convenir, mais je ne l'obligeais à rien. Elle accepte pourtant et je continue de chercher, mettant de côté quelques ouvrages que je note mentalement de ranger dans certaines étagères, là où devrait être leur place depuis le départ. Je relève la tête vers la jeune femme quand je l'entends rire, c'était assez léger, mais dans le silence qui régnait ici en ce moment, on pourrait presque entendre les mouches voler. Je l'écoute quand elle reprend la parole et je relève les yeux vers elle à la fin de ses dires. Je reste silencieuse quelques secondes, cherchant une réponse à ce qu'elle venait de me dire. " C'est tout à fait possible et ça arrive assez souvent en fait." C'est de cette manière que parfois, il m'arrivait de trouver des ouvrages assez rares et précieux, dans les livres que les gens du quartier m'amenaient parfois suite à la mort de l'un de leurs proches. J'étais la libraire du coin et ils n'ignoraient pas que je reprenais tous les livres, même parfois les plus abimés. " Au fond, je crois surtout qu'on se construit en fonction des désirs de nos parents, quand on est enfant, on ne veut pas décevoir les figures parentales. On veut juste qu'ils soient fiers de nous en quelques sortes et qu'ils nous aime." L'amour y a aussi sa place évidemment. Ma mère était souvent exaspérante, mais elle m'aimait plus que tout et je le savais parfaitement. Même si elle aussi avait été dure avec moi sur mon éducation, mais c'était le lot pour être née dans la noblesse anglaise. " Ma mère avait d'autres projets pour moi au vu de mon statut de naissance. Quand à mon père... Je n'ai jamais réellement su en fin de compte. Mais, c'est ce que j'aime faire, c'est ici que je dois être. Les livres sont un puit de savoir et d'inspiration hors norme et puis, il faut bien quelqu'un pour faire partager cette richesse qu'est l'écriture." Et puis être entouré de livres ne m'avait jamais dérangé, d'avoir eu le nez dans un bouquin non plus. J'en avais imaginé des vies quand j'étais petite au travers de toutes les histoires que je lisais ! Mais rien qui ne soit réalisable de toute manière. Un peu perdue dans mes pensées, j'en sors quand j'entends son exclamation de surprise et je m'approche d'elle à nouveau. Je vois le titre et eu un léger froncement de sourcils, cherchant dans mes souvenirs parce que j'avais déjà entendu ce nom, mais je n'avais pas le souvenir d'avoir lu ce livre. En même temps, c'était presque mission impossible, il me faudrait plusieurs vies pour ça et je n'en avais qu'une seule. " Il s'agit de l'autobiographie d'un proche du Tsar Alexis, n'est-ce pas ?" C'était une agréable surprise de le trouver dans ma librairie en tout cas. Et en russe. Mais j'eus un léger sourire aux lèvres, elle semblait ravie d'avoir mis la main sur cet ouvrage et même si ma curiosité était la plus forte, je le lui laissais volontiers. Je parlais plusieurs langues, mais pas le russe, autant qu'elle le prenne si elle le voulait, je pourrais très bien trouver une traduction anglaise ou française de ce livre. " Je connais assez globalement l'histoire de toutes les monarchies européennes, cela faisait partit de mon éducation de base." Bien connaître son histoire et celle des autres. Pour ne pas passer pour une ignorante si un jour je devais rencontrer certains descendants de nobles familles comme la mienne. Autant dire que j'avais tout fait pour que ça arrive le moins possible.

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La sorcière hausse un sourcil curieux. Le petit bout de femme face à elle semble être intéressant et plein de secret. Elle l’écoute élaborer sur l’aliénation parentale à laquelle sont soumis certains enfants. Oh, comme elle a raison. Dréna préfèrerait mourir sous la torture plutôt que de l’admettre, mais elle – même avait tout fait pour plaire à ses parents, surtout à son père. Elle se rappelle avoir appris à cuisiner très tôt, pour aider sa mère mais surtout être en mesure de préparer le repas préféré de son père. Elle se souvient même du jour où elle a cuisiné son premier repas seule. Elle revoit son père porter la cuillère jusqu’à sa bouche, un léger sourire installé sur le coin de lèvre. Elle entend encore le bruit de la marmite qui se fracasse sur le sol. Elle sent les coups qui pleuvent, sur sa tête, son visage et ses bras. La voix de l’homme traverse le temps et l’espace pour résonner, encore aujourd’hui, dans les oreilles de la Baba – Yaga : « Imbécile, enfant stupide, tu veux me tuer ?! C’est trop salé, putain. C’est dégueulasse, t’es dégueulasse ! Bonne à rien !! ». À chaque mot, il la martèle d’un coup. Sa sœur et sa mère ne bougent pas.
Dréna doit cligner des yeux à plusieurs reprises pour effacer le souvenir qui vient de faire effraction dans son esprit. Quand elle reprend le fil de la conversation c’est pour entendre la libraire parler avec amour et dévotion des livres. Ce discours plaît à la Baba – Yaga qui, pour se donner une contenance, feuillette l’ouvrage entre ses mains. Elle hoche la tête à la seule question posée par la professionnelle. Cette question qui semble être rhétorique avant tout.

« Je connais assez globalement l'histoire de toutes les monarchies européennes, cela faisait partit de mon éducation de base ».

Tiens donc, un nouveau mystère qui entoure la jeune fille. Ou peut – être pas. N’ayant reçu aucune forme d’éducation Dréna n’est pas certaine que l’apprentissage de l’histoire des monarchies soit quelque chose de commun. Mais si la libraire le précise, c’est probablement que cela doit être original, d’une manière ou d’une autre.

« Étiez – vous passionnée d’Histoire ? Cela me semble assez…Elle prend le temps de choisir de bon mot avant de se décider. Strict ? Ou est – ce dû au statut de votre naissance ?»

La libraire l’avait évoqué un peu plus tôt. La Baba – Yaga n’avait jamais entendu cette expression depuis qu’elle était à Paris. Elle avait parfois encore du mal à comprendre les expressions françaises, d’autant que certaines personnes dans son entourage semblaient particulièrement douées pour en inventer. Statut de naissance… Cela lui évoquait la vieille bourgeoisie française, probablement royaliste. Peut – être était – ce aussi parce qu’elle était l’aînée, ou la première fille… Certains parents accordaient une place démesurée aux ordres de naissance ainsi qu’au sexe de leur enfant. Son propre père ne lui avait – il pas sans cesse reproché d’être une fille ? Ou lui en voulait – il simplement d’avoir existé ?

« Je pense prendre cet ouvrage également ».

Elle remua doucement l'autobiographie en question sous le nez de la libraire. La pile de livres commençait à atteindre une hauteur dangereuse, notamment pour son porte – feuille. Quoi que… Les livres pour la crèche n’étaient pas à sa charge. Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre et y admira un court instant, les quelques flocons de neige qui flottaient dans l’air.

« Auriez – vous des livres de Noël… Pour les enfants ? »

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Dréna et Masha

J'étais presque certaine de n'avoir été qu'une source de déception pour mon père, c'était tenace, ancré en moi, mais je ne m'en formalisais pas réellement pour autant. Je n'étais pas la combattante qu'il aurait voulu que je sois, mais j'étais bien plus, une gardienne d'un savoir que peu peuvent se targuer d'avoir et c'est là qu'était ma place, le reste n'avait pas d'importance. Au milieu de ces livres, j'étais vivante, plus qu'à n'importe quel autre moment, alors oui, le nom de Lancaster était murmurer avec une forme de respect dans l'ordre, mais je ne déméritais pas pour autant. Mais je n'étais plus cette gamine qui n'attendais que l'approbation de son père, j'avais suivis mon propre chemin, fais mes propres choix, renoncer à tant de choses, mais j'étais là. C'est tout ce que je pouvais faire. Je sors de mes pensées quand j'entends la voix de la jeune femme et j'eus un léger sourire aux lèvres. Étudiées, les lignées de la noblesse européenne faisait à la fois partie de mon éducation, mais aussi de ce savoir que je cherchais désespérément. Historienne à mes heures perdues, je ne savais pas comment me qualifier en réalité. " Un peu les deux à dire vrai." Savoir ce qui c'est passé hier ne peut que nous aider pour demain. Afin de ne pas répéter les mêmes erreurs, mais il faut croire que ça n'intéresse pas réellement la majorité des gens. " Je suis la dernière descendante d'une vieille famille anglaise, alors évidemment, il me faut savoir énormément de choses. Mais comme j'aime l'histoire sous toute ses formes, c'est plus un plaisir qu'une corvée." Mais cela n'engage que moi, bien sûr, je ne peux pas parler au nom des autres. Mais je dois cet amour en partie à mon père. Ironique que j'y revienne toujours. Il y a tant de choses que je lui dois et en même temps, il m'avait condamné à une vie assez étrange que je mène en solitaire, mentant à mes amis, pour le bien commun. Mais de nos jours, le statut de naissance n'évoque plus grand-chose. Il n'y avait plus que ma mère pour s'accrocher à cela, à la réputation, la richesse, l'influence. J'étais sa seule fille et pourtant, elle avait laissé mon père me façonner, alors que je savais pertinemment qu'il avait préféré avoir un garçon. Il ne me l'avait jamais dit à haute voix, mais je l'avais senti, mais tout cela c'est du passé, même si au fond de moi, j'espère toujours un peu qu'il soit fier de moi. L'éternelle petite fille qui veut faire plaisir à son père, voilà ce que j'étais finalement. Je hoche la tête lorsqu'elle ajouta qu'elle souhaitait avoir ce livre également. " Bien-sûr j'espère que cette lecture sera des plus intéressante." En tout cas, moi, je n'en doutais pas. Je range un peu les livres que j'avais sortis quand elle me demande si j'avais des livres sur Noël pour les enfants. " Oui, c'est par-là, suivez moi." Je la guide vers le bon rayon à travers les différentes allées de la librairie et je m'arrête, lui montrant ce qu'elle cherchait d'un signe de la main. " Tout est ici, j'espère que vous allez trouver quelque chose de sympa pour les enfants." Les contes de Noël sont toujours appréciés à cet âge. " Attendez, donner moi les livres que vous avez en main, je vais les poser à la caisse avec les autres, ça sera plus simple pour vous." J'eus un sourire et une fois les livres en main, je m'éloigne, la laissant seule quelques minutes, elle n'avait pas besoin de moi pour ça, je suppose, vu qu'elle s'y connaissait certainement mieux que moi en ce qui concerne les enfants.

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Books are the mirrors of the soulMasha & Dréna

La sorcière a toujours eu un faible pour les personnes qui aiment l’Histoire, elle ne saurait dire pourquoi. À ses yeux, ils sont en quelque sorte les garants d’une mémoire mondiale et participent activement à la transmission de cette dernière. Elle – même adorerait léguer ses propres connaissances, mais elle fait partie des secrets les mieux gardés de l’humanité, ce qui n’est pas peu dire. Le genre humain serait – il seulement en mesure de supporter l’existence des Dieux et des Créatures qui peuplent habituellement leurs histoires d’horreur ? Oh bien sûr, dans les temps anciens ils ont pu cohabiter, mais cette époque révolue et nous parlons désormais de plusieurs panthéons qui tentent de coexister, ce qui, jusqu’à présent, ne semble réussir qu’à trop peu de monde.
Le regard de Dréna s’arrête sur les étagères de la librairie. Un rayon de lumière transperce la pièce et fait briller les petites poussières qui tournoient avant de se poser avec grâce sur les œuvres. Une vieille famille anglaise ? La Baba – Yaga est à peu près certaine que c’est une expression, une façon polie d’évoquer l’aristocratie ou quelque chose du genre. Un nuage vient probablement voiler le soleil et la pièce s’assombrit brutalement. Une libraire aristocrate. Les propos précédant de la jeune femme deviennent plus clairs – ses parents devaient effectivement avoir en tête un projet soit – disant plus glorieux qu’une librairie poussiéreuse à leurs yeux, vénérable d’après la sorcière.
La professionnelle la guide dans un nouveau rayon, destiné a priori à la période de fêtes qui s’annonce. Le parquet grince légèrement sous ses pieds. Sous ses yeux, le rayon propose des livres aux couleurs chatoyantes. Quand Dréna lui confie ses ouvrages, bien plus nombreux que prévu, ses doigts frôlent ceux de libraire. Gênée par ce contact, elle lui offre un sourire d’excuse.

« Je vais les poser à la caisse avec les autres, ça sera plus simple pour vous.
- Je vous remercie ».

La sorcière contemple les petits ouvrages qui lui font face. Elle est toujours stupéfaite de constater à quel point les livres pour enfants ont changés : adieu les dessins simplistes aux couleurs trop vives, bonjours aux belles illustrations de Benjamin Lacombe. Elle s’attarde sur quelques livres de Beatrix Potter, avant d’en choisir deux. Cela suffira pour l’instant, car même si elle parvient à s’investir de façon adaptée dans son nouveau poste, il n’en demeure pas moins qu’elle a horreur des enfants gâtés.
Juste avant de retourner vers la caisse, le regard de la Baba – Yaga est attiré par l’extérieur, grâce à une large fenêtre. Sur le trottoir, quatre corbeaux la dévisagent. La sorcière grimace légèrement. Cela arrive, parfois. Certains animaux sentent sa particularité et s’arrête pour l’observer. Ils ne la connaissent pas, ils n’ont pas l’habitude et pour la plupart, ils ont appris à craindre les Hommes. Les volatiles ne font que manifester un intérêt curieux, mais cela manque cruellement de discrétion. Dréna jette un rapide coup d’œil vers la libraire, il lui semble qu’elle est occupée. D’un geste de la main, elle tente faire fuir les oiseaux – réaction ne peut plus humaine – mais c’est un échec. L’un d’eux se permet même de crosser. La sorcière soupire, il ne lui faut pas plus d’une seconde pour attraper le lien symbolique qui l’unit aux créatures fuligineuses face à elle et leur ordonner de partir. Dans un premier temps, ils luttent et battent des ailes, l’idée d’obéir à une inconnue leur est étrange, mais ils finissent par comprendre et par s’envoler. La libraire a t – elle pu assister à la scène ? Et si oui, cela a t – il pu paraître suspect ? La Baba – Yaga prend une grande respiration avant de se retourner. Après tout, qu’est – ce que peux faire une libraire contre elle ? Ce ne sont que des corbeaux qui l’ont regardé un peu trop longtemps, il n’y a rien non plus d’extraordinaire là – dedans, et vu le nombre de livre qu’elle vient d’acheter, Dréna vient probablement de lui faire son chiffre d’affaire de la matinée.
D’un pas serein, la sorcière retourne vers la caisse pour retrouver la jeune professionnel, d’un geste habitué, elle sort un portefeuille Ted Baker de son sac à main.

« Si avec tout ça, je ne suis pas leur directrice préférée, je ne sais plus quoi faire. Elle sort son plus beau sourire et rejette sa chevelure en arrière. À combien s’élève la facture ? »

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Books are the mirrors of the soul - Virginia Wolf

Dréna et Masha

Il y avait indéniablement quelque chose chez elle qui me troublait un peu, mais cela n'avait rien à voir avec sa grande beauté, non, c'était différent. Il y avait autre chose, mais je ne savais dire ce que c'était exactement. J'avais appris à faire confiance à mon instinct depuis longtemps maintenant, même si je misais bien plus sur mes connaissances qu'autre chose. Qu'importe, je l'observe, elle, sa façon de se mouvoir, je l'écoute et je la trouve... Fascinante. Oui, c'est le terme. Je la quitte des yeux quand l'endroit s'assombrit de manière inattendue, mais ce n'est pas un souci d'éclairage, juste un nuage sans doute, mais cela me permet de balayer l'endroit du regard, cet endroit que j'affectionnais tellement. Je me sentais à l'aise ici, entouré de livres, d'autres le seraient en présence de personnes, mais mon côté timide m'en empêchait très certainement, du moins quand je ne connais pas. Un peu réservée, mais ça faisait partie de mon éducation, une jeune femme issue de la noblesse ne doit pas être trop démonstrative et encore moins en public. Parfois, je me dis que j'aimerais être une femme comme toutes les autres, une femme normale, avant de me rappeler qu'on ne choisit pas et que cela me permettait de pouvoir satisfaire ma soif de connaissance. Si je n'avais pas autant d'argent - bien que ma famille ne soit plus ce qu'elle avait été dans le passé - je ne serais probablement pas ici aujourd'hui. Ni même propriétaire des lieux. Mais on change de rayon et je la conduis là où elle voulait aller, prenant soin au passage de la décharger des livres qu'elle avait dans les bras. Ses doigts effleurent les miens sans que cela ne me gêne outre mesure. Pas que je sois spécialement habituée à ce genre de contact, mais c'était involontaire. Mais elle avait l'air d'avoir la peau douce, ce qui me fit légèrement sourire. " Prenez votre temps, je vous attends là-bas." Si elle avait besoin de moi, elle n'aurait qu'à me le faire savoir. Je m'éloigne pour poser les livres à la caisse, comptabilisant le tout pour le moment. Voyant que mon téléphone vibrer, je m'en empare et vois que j'ai plusieurs messages et je prends le temps de les lire, n'ayant pas grand-chose à faire de plus. Le silence régnait, seulement couper par moment par les éclats de voix venant de la rue. Montmartre était un quartier connu mondialement, les touristes étaient nombreux et la vie y était présente de manière générale. Je relève brièvement les yeux pour voir qu'elle s'était arrêtée devant une large baie vitrée, mais mon attention se reporte sur mon appareil quand je reçois un nouveau message. J'entends le croassement des corbeaux, mais ne relève pas les yeux pour autant. Je finis par poser l'appareil lorsqu'elle avance vers moi de nouveau, posant deux livres supplémentaire sur la belle pile qui était déjà présente. " Que ne ferions nous pas pour les savoir contents ?" J'avais toujours su qu'avoir des enfants allait être compliqué au vu de mon statut de Déicide. Bien que ma mère n'attendait que ça et qu'elle me le répétait à chaque occasion, je n'avais toujours pas d'enfant et ce n'était pas par manque d'envie, mais plus une question de choix. Mais je commençais à y réfléchir de nouveau sérieusement. Pourtant, je repousse ses pensées dans un coin de ma tête et me concentre sur le montant total de ses achats. " Vous en avez pour 135 euros au total. Vous voulez une facture pour les livres que vous prenez pour la crèche ?" Une habitude que j'avais prise avec le temps. En tout cas, je mets les livres dans un sac et le pose devant elle avec un sourire sur les lèvres. " Passez une bonne fin de journée !" Il fallait l'espérer du moins.

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