The Way is Long to Return Home [Intrigue I - Terminé]

Je parcourais les rayonnages, tranquillement et en silence. Ca me faisait du bien après le tumulte de la journée, que de me poser dans ce genre d’endroit où la majorité des gens n’éprouvaient que de la quiétude, sous une forme ou une autre, ou de la curiosité. Une curiosité et une impatience parfois dévorante, surtout pour ceux qui se trouvaient du côté des romans. Moi j’appréciais le calme de cette petite librairie, et retrouvant souvent Nailea pour un restaurant dans le secteur puisqu’elle y avait sa propre boutique de fleurs, j’étais amené à souvent passer devant. Pendant un bon moment, je feuilletais un ouvrage très ancien et très épais, au rayon des vieux bouquins. Il évoquait les mémoires d’un général de bridage de cavalerie dans la Grande Armée, et notamment ce qu’il avait vécu en 1812, en Russie. Même si ce n’était pas toujours bien vue de lire carrément un livre en boutique plutôt que de l’acheter, je m’étais retrouvé happé malgré moi dans les mots simples, presque bruts, d’un récit que je connaissais bien pour l’avoir moi-même vécu. A l’évocation des événements de novembre durant cette campagne, je me retrouvais perdu dans le vague, oblitéré par le néant de souvenirs glacés.

La mort était partout. Auréolés de la gloire d’avoir affronté l’armée russe sur la partie sud du front, nous les avions sévèrement bousculés à plusieurs reprises. Les combats avaient été sauvages, et je revoyais encore la fumée des volées lâchés sur les dragons russes qui chargeaient les uniformes blancs de mes fantassins saxons. Le bruit des tambours, qui battaient l’ordre de mise en carré, et les trompettes des cuirassiers et des Gardes du Corps qui contre-chargeaient depuis le sud. Le tonnerre du canon précédait dans ma mémoire des événements le fracas des orages d’automne. Bientôt, il n’y avait plus ni victoires ni espoirs. Et la rasputitsa. La période de la boue. Elle était collante, gluante. Elle aspirait les pieds, les roues des chariots et des canons. Quand le gel figea la gadoue, il était déjà trop tard, et le blizzard nous serra bientôt dans son étreinte froide et humide. La marche. Des jours durant. Des semaines. Plus de ravitaillement. Les villages déjà pillés à l’aller. Les saxons, braves au combat et durs à la vie militaire, qui perdaient peu à peu espoirs. Le givre recouvrait les barbes et les moustaches, les cils. Parfois, après plusieurs jours sans voir le soleil, celui-ci se faisait si éclatant sur les étendues blanches et glacées que certains s’en retrouvaient aveugles. Au plus fort des tempêtes de neige, en pleine nuit, la chaleur des corps agglutinés autour de flammèches ténues ne masquait pas le désespoir. On machait des heures durant le cuir des ceinturons, des selles des cavaliers.

Les groupes s’isolaient. Les hommes tombaient et ne se relevaient pas, ou ne bougeaient plus au petit matin. Bientôt, le désespoir lancinant des survivants de mes divisions me rendait fou. Au point de ramasser un mousquet, de m’enfoncer le canon dans la bouche. Les hurlements du vent étouffés par la neige qui tombait dru, les gémissements des mourants, de ceux qui appelaient à l’aide, en français, en allemand. Leurs émotions, sans cesse dans mon cœur, jusqu’à le serrer et le vider de toute substance.

C’était ça, la mort. D’abord c’est bleu, et puis c’est blanc. La mort c’est d’abord le silence. Et puis c’est froid.

Je sors de ma torpeur, des ténèbres glacées de mes souvenirs, pour tourner la tête sur la boutiquaire qui venait voir si je m’en sortais, et sans doute si j’allais l’acheter, ce bon dieu de livre !

| Bonjour, mademoiselle. |

A l’ancienne, on ne se refait pas.

| Je suis désolé, j’ai juste feuilleté le bouquin et je me suis un peu perdu dans mes pensées. J’allais vous le prendre, de toute façon. A combien est-il ? Il n’y a pas de prix sur la reliure. |

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Charles et Masha

On a souvent tendance à sous-estimer le pouvoir d'un tel endroit. Des livres entassés dans des étagères qui montaient presque jusqu'au plafond. De vraies mines de savoir pour qui sait regarder entre les allées de la boutique, les vieux livres se mêlent avec une harmonie presque satisfaisante avec la littérature plus actuelle, des romans à succès et autres choses du même genre. Une librairie est avant tout un refuge pour tout lecteur quel qu'il soit, bien que je ne montre pas le plus intéressant. Des ouvrages rares qui traitent de sujets bien plus sombres, mais qui sont importants pour qui veut obtenir ce savoir. Il y en a pour tous les goûts et tous les jours, je vois des gens de différents horizons. Des habitués du quartier, des riverains, de parfaits inconnus, c'était comme ça tous les jours. Debout, derrière mon comptoir, je soupire, un léger sourire sur les lèvres, c'était la même routine jour après jour et j'appréciais cette vie, même si ce n'était pas ce qui occupait une grande partie de mon temps, mais c'était reposant. Oui, c'était ce sentiment qui m'envahissait quand j'étais entre ces murs. Un sentiment de plénitude. Je pouvais passer des heures dans certains rayons, à force, j'étais persuadée que je connaîtrais l'emplacement de chaque livre, mais qu'importe. Mon préféré ? Celui où je mettais des vieux livres en vente, je les avais tous feuilleté au préalable, jusque au cas-où, je pourrais en tirer quelque chose qui puisse m'être bénéfique pour mon combat contre les dieux d'une manière ou d'une autre. Parce que c'était bien à ça que je passais une partie de mon temps, quitte à ne pas vraiment avoir de vie à côté. Dix ans, dix ans, déjà, que je vouais ma vie pour ce combat et cela m'allait, je pouvais au moins avoir la satisfaction de faire honneur à ma famille, parce que finalement, c'était pour ça que j'avais autant souffert, que j'avais supporté tous ces entraînements et cette indifférence presque glaçante de mon père durant mon enfance et mon adolescence. Et il n'était plus là pour le voir. Quel dommage. Voyant une jeune femme qui semblait un peu perdue, je me dirige vers elle et pendant que j'étais en train de la conseiller, un homme que j'avais déjà aperçu à plusieurs reprises entra dans la librairie et se dirigea un peu plus loin. Je me concentre sur ma cliente et l'oriente du mieux que je le peux en écoutant ses indications. Ce n'était pas simple étant donné qu'elle ne savait absolument pas ce qu'elle cherchait et qu'elle n'était pas venue pour elle-même, mais pour offrir un cadeau à un ami qui aimait lire. Au final, elle continua de flâner tranquillement après que je lui eusse indiqué qu'elle pouvait m'appeler si elle avait besoin. Et je me souviens de cet homme et doucement, je déambule dans les rayons, jusqu'à le retrouver. Il tenait un livre entre les mains, mais il avait franchement l'air ailleurs. Vraiment loin d'ailleurs. Je l'observe quelques secondes avec un léger sourire sur les lèvres avant de m'approcher doucement. Cet homme avait une certaine classe, propre sur lui et il semblait s'intéresser à des livres assez anciens, ce qui était une bonne chose. On trouvait parfois des petites pépites de la littérature quand on cherchait bien et qui gagnerait vraiment à être connus et qui pour une raison ou une autre, ne le sont pas. Chaque livre à son histoire après tout. Il sort de ses pensées alors que je m'approchais, souriant à ce "mademoiselle". Un peu protocolaire ou vieux jeu, je ne savais pas vraiment. " Bonjour Monsieur, je suis désolée, je ne voulais pas vous déranger." J'eus un léger haussement de sourcil à sa question et m'approche un peu plus de lui. Un léger sourire se dessina pourtant sur mes lèvres en reconnaissant le livre en question. " Bon choix, ce livre est intéressant. Et effectivement, le prix n'est pas indiqué, un oubli de ma part très certainement, je m'en excuse." Être polie faisait partie du boulot, même si je n'avais pas forcément besoin de me forcer pour le faire. Les apparences, c'est important, ma mère avait longuement insistée sur ce fait tout au long de mon adolescence. Elle n'avait pas tort quand j'y repense. " Vous sembliez absorbé par cet ouvrage, vous avez étudier le sujet peut-être ?" Après tout, il n'était pas rare que je croise des professeurs d'universités ou d'autres gens du monde de l'enseignement, même si quelque chose au fond de moi me soufflait qu'il n'avait pas l'allure d'un professeur.

copyright Bloody Storm

J’étais un peu perdu dans mes souvenirs. Dans les sensations qui me permettaient de donner corps à ceux-ci. Dans ces ténèbres qui pour toujours m’étreindraient. Il n’y avait pas d’oubli ni de pardon chez les dieux. Pas quand il y avait une mémoire totale et intacte des événements par lesquels on était passé, au cours de notre longue histoire. La Russie me hanterait à jamais. Ce n’était pas le seul champ de mort et de désespoir que j’avais connu, pourtant. Loin de là. Il y avait eu les désastres de la fin du soulèvement des Gaules, il y avait eu ces terribles combats sous la tenue de fédéré contre les barbares qui envahissaient l’occident, puis les croisades et leurs terribles massacres. Les guerres mondiales avaient été brutales et sans concessions, elles aussi. Mais j’y avais trouvé des amis et des alliés dont je ne me serais jamais douté. Je me perds dans mes souvenirs de guerrières massacrant les allemands, ou du tonnerre des armes nouvelles. Ma vie entière n’avait été qu’une succession de combats, parfois fratricides, parfois religieux et parfois simplement pour assurer ma nature protectrice. Mais protéger c’était parfois tuer. Surtout quand on incarnait une forme ancienne et brutale de la justice. Sans pitié, sans concession.

La jeune vendeuse vient me voir. Je sens de la curiosité, en elle. Une forme de gentillesse. Elle ne nourrit aucune mauvaise intention à mon sujet, c’est même plutôt tout le contraire. La belle s’excuse. Traits fins, délicats. Elle est très belle, et elle a l’air parfaitement aimable et serviable. Je ne décèle rien dans son âme qui ne m’alerte. Lorsqu’elle se rapproche, je ressens la chaleur d’une âme bonne et pleine.

| Vous ne me dérangez pas. C’est moi qui reste planté là comme un imbécile. |

Un peu d’autodérision, rien de grave d’en avoir, ça permettait de désamorcer bien des situations. Je secoue doucement la tête pour signifier que l’oubli n’était pas grave, loin de là même. Je préfère rebondir sur le sujet avant qu’elle n’aille imaginer que je ne suis un de ces néo-bonapartiste ou un de ces fous de guerre… A moins que c’était ce que j’étais, au fond ? A ne vivre qu’au ressenti des autres on finissait par douter avoir soi-même ses propres émotions, ses propres expériences.

| Pas de souci pour le prix, je mettrais ce qu’il faut. |

Je lui souris avec bienveillance. Une humaine passionnée par ce qu’elle faisait, ça ne faisait pas l’ombre d’un doute. Je ressentais aussi une certaine forme de curiosité me concernant, bien qu’elle était plutôt d’ordre professionnel. Mieux connaître son client impliquait de meilleurs conseils, aussi.

| Non, je suis plutôt un passionné d’Histoire… Et j’adore les Mémoires, ça donne toute une vision d’une époque, un panorama avec ce qu’a ressenti l’auteur. C’est très immersif. J’adore les livres anciens de ce genre. Franchement, mademoiselle, cette librairie est vraiment très utile pour avoir accès à ce genre d’ouvrage. Je ne sais pas si c’est la vôtre ou si vous êtes employée ici mais dans tous les cas, c’est un gros travail j’imagine de mettre la main sur toutes ces pépites historiques. |

Je laissais s’exprimer l’avidité que j’avais pour cette forme de connaissance.

| Auriez-vous d’autres livres d’histoire de ce genre ? |

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Charles et Masha

Je restais là, quelques secondes à l'observer, il semblait perdu, happé par ce qu'il lisait, mais pas seulement, c'était difficile à décrire. Mais durant ces quelques secondes, j'en profitais pour essayer de voir à qui j'avais à faire. L'homme était plus âgé que moi, c'était indéniable, mais il avait quelque chose que je ne voyais que rarement. Du moins, que je ne vois plus vraiment depuis que je me suis éloigné des cercles que fréquentaient mes parents. Être une Lancaster impliquait trop de responsabilités, beaucoup trop de devoirs également. Et j'avais fui tout ça, vivant une vie assez simple, malgré tout. Il avait de la prestance et cela me fit sourire et je décide de m'avancer, le faisant sortir de ses pensées. Je ne pouvais pas le juger pour ça étant donné que ça m'arrivait souvent d'avoir un livre en main et pourtant d'être ailleurs, perdue dans un monde qui était le mien, emplie de souvenirs assez douloureux et peuplée pourtant de quelques joies. Essayant de faire le lien entre différentes lectures, parce que parfois, plusieurs livres traitaient du même sujet sans l'exploiter sous le même angle. Autant de munitions et d'armes à utiliser pour notre combat. Le savoir est une arme, au même titre que le reste. Même si j'étais plus une combattante, mon travail me permettait de mettre la main sur bien des livres. Une chance que je puisse combiner deux choses que j'aimais faire. " Je ne saurais pas vous jugez sur ce point cela m'arrive bien souvent également." Et pour cause, je ne compte plus le nombre de fois où j'ai frôlé un arrêt cardiaque parce qu'un client avait besoin de mes conseils et que j'étais perdue ailleurs, loin de l'instant présent. Parfois dans la même position que lui actuellement, en plein milieu d'une allée, livre en main. J'eus un sourire sur les lèvres comprenant qu'il se moquait un peu de lui-même, l'humour ne fait jamais de mal, l'auto-dérision non plus, mais c'est quelque chose que beaucoup de gens ont bien du mal à mettre en pratique. Mes parents n'avaient pas du tout le sens de l'humour par exemple, avec le recul, je comprends un peu mieux c'est certain, mais il suffit parfois de pas-grand-chose pour désamorcer des situations compliquées. Et le rire, c'est quand même un concept assez sympathique en soit. J'arrive à sa hauteur et pose les yeux sur lui. Un bel homme assurément, il avait beaucoup de charme, je ne pouvais pas le nier, néanmoins, je repris. "Vous permettez que j'y jette un coup d'oeil ? Je pourrais vous donnez un prix a sa juste valeur." Je ne savais pas lequel il avait entre les mains et mon but n'était pas non plus de lui faire payer plus que nécessaire, même si pour des livres anciens, c'est assez compliqué à chiffrer. J'eus un sourire plus lumineux sur les lèvres à ses dires. Je l'écoute jusqu'au bout et je hoche légèrement la tête. " L'Histoire avec un grand H est un sujet passionnant et pourtant chaque époque regorge de secrets et de mystères qu'on aimerait tous pouvoir percé à jour." Ce qui est impossible dans la plupart des cas, à moins de jouer de chance. Et puis, il y a des secrets qui doivent le demeurer pour le bien de tous, c'est comme ça que je voyais les choses, bien que je connaissais des gens qui ne verraient pas du tout cela du même œil que moi. " Je suis la propriétaire des lieux, je me nomme Masha. C'est un travail de tous les instants, mais je suis ravie si des passionnés d'histoire comme vous trouvent leur bonheur. Il n'y a rien de plus satisfaisant." Et puis il semblait vraiment intéressé au point de me demander si j'avais d'autres livres dans le genre, j'eus un sourire un peu plus malicieux sur les lèvres, regardant brièvement autour de nous avant de reposer les yeux sur lui. " Un sujet en particulier ? J'ai des livres intéressants aux quatre coins de la librairie. Bien que dans ce rayon, vous allez certainement devoir trouver chaussure à votre pied également." S'il en voulait plus sur le même sujet, quel qu'il puisse être puisque je n'avais pas encore le livre en main, j'allais certainement pouvoir l'aider. C'est mon travail après tout.

copyright Bloody Storm

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Teutatès & Masha Lancaster

« Librairie de Masha, Montmartre, Paris, 12 octobre 2020. »

J’avais toujours aimé les livres. Je n’étais pourtant pas né dans une culture très portée sur l’écrit… On n’y avait gardé que bien peu de traces de notre propre histoire et de tout ce qui faisait notre vie, jadis. L’histoire, c’était ceux qui nous avaient vaincus qui avaient gagné le droit et le monopole de raconter les événements à leur sauce. Peut être trouverais je un jour un public ? Devais-je moi-même regagner mon antre de Bavay pour y raconter tout ce que j’avais vécu, et le publier anonymement ? Cela en ferait, une histoire en plusieurs volumes. Le genre de souffle épique et d’aventures dramatiques dont les humains raffolaient pour remplacer leur vie travestie par les Nouveaux Dieux, leur argent, leur technologie et tout le reste. Peut être devais je réellement y réfléchir…

La jeune femme m’expliquait qu’elle ne me jugeait pas, que cela lui arrivait souvent. Léger sourire aux lèvres.

| C’est vrai que c’est sans doute mieux d’avoir la passion des livres quand on fait le métier qui est le vôtre, mademoiselle. |

Encore ce mot ancien, dont je ne me départissais pas. Le monde changeait, mais moi, finalement, très peu. C’était justement là le souci… La jeune femme me dévisage un court instant comme pour me jauger. Je me surprends alors à la regarder un peu plus, moi aussi. Assez mince. Svelte ? Elle avait les traits fins, anguleux. Elle était très belle. Et semblait avoir, je ne savais trop comment, son petit caractère. Un vague reste d’accent me titillait sans trop savoir pourquoi, j’avais traversé mille âges et autant de pays se substituant les uns aux autres, mais il restait discret, le sien. Juste un rien de mélodie en plus dans le timbre de sa voix. Elle semblait contente de ce qu’elle voyait, de son côté, même si je n’avais plus le pouvoir de lire en elle comme dans un livre ouvert, comme j’aurais pu le faire jadis. Je lui tends alors l’ouvrage.

| Allez-y je vous en prie, loin de moi l’idée d’empiéter sur vos plates-bandes. |

La jeune femme ne tarit pas d’éloges sur l’histoire et je sens la passion enfler en elle, ce qui fait écho à la mienne. J’aimais que les humains se rappellent de leur passé. J’aimais plus encore qu’ils se rappellent de mon époque, de ma gloire passée. Bien sûr, ça me ramenait à mes propres échecs, à mes errements, et à tout ce que j’avais pu échouer au cours de ma longue existence. Il fallait quand même regarder le bon côté des choses ; tout cet intérêt donnait un mince espoir que les choses s’améliorent un jour… Espoir ténu, mais toujours vivace.

| Enchanté, Masha. |

Je lui tends la main pour la saluer un peu plus formellement certes, mais achever les présentations.

| Je m’appelle Charles Niemans. |

Une partie de moi voulait hurler « je suis TEUTATES » mais on gardera ça pour l’heure du jugement dernier, quand le Dieu Unique, les Nouveaux Dieux ou leurs séides, reviendront à la charge pour avoir ma peau. Je sens l’espiéglerie, en elle, et constate qu’elle est décidément très jolie quand elle sourit. Je dois faire attention, quand même. Ce désir, à la base, enfle surtout chez un autre client à l’autre bout de la boutique… Qui ressent aussi de l’amour, de la curiosité, de l’impatience. Il doit être entré avec sa moitié, car je ressens près de lui la même dose d’amour, d’affection. Pas encore de désir, chez elle, mais lui s’embrase littéralement de l’intérieur. Je reporte mon attention sur les rayonnages, que j’effleure du bout des doigts en parcourant les reliures anciennes.

| Vous avez une traduction de la Guerre des Gaules, de César ? C’est devenu extrêmement rare d’en trouver, de nos jours, et mon exemplaire est chez moi. J’ai bien envie de relire le papier de ce vieil escogriffe de romain… |

Je me rappelais encore du général, de sa force, de sa bénédiction des olympiens, qui m’avaient mis hors jeu dans les bras de Nyx./ C’était si loin, et pourtant si proche. Je me fichais bien de passer pour un original aux yeux de l’humaine…

| Sinon, si vous avez quelque chose d’autre sur Bonaparte et la campagne de Russie de 1812, ou sur la campagne d’Allemagne de 1813, ça parle toujours à la mélancolie de mon âme. |

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Charles et Masha

L'histoire avait toujours été écrite par les vainqueurs, ainsi vont les choses. De tout temps, que ce soit passé, présent ou bien futur, quoi que pour ce dernier point, je ne serais probablement pas là pour le voir. Je n'avais pas vraiment dans l'idée de finir comme ces vieilles dames qui radotent leurs récits à ceux qui voudront bien l'écouter... Non, l'une des missions que je serais amené à effectuer aura sans doute ma peau, enfin si j'étais moins impulsive et plus réfléchie aussi, peut-être que les choses se passeraient mieux. Toujours est-il que c'était toujours la même chose et très peu d'écrit des vaincus nous parviennent. Enfin, si, il y en a, mais plus on s'éloigne de l'époque actuelle, plus c'est difficile. On en trouve, quand on sait où chercher et à qui s'adresser et j'ai quelques contacts qui me facilitent la vie à ce niveau. Et l'argent qui va avec, il n'est pas donné de se procurer des ouvrages rares, même si les plus rares qui sont en ma possession ne sont pas à vendre. Mais je digresse, je préfère me concentrer sur cet homme. Il était charmant et il semblait avoir un truc en plus, sans que je n'arrive réellement à poser de mot sur ce que c'était, frustrant, vraiment, mais passons. En tout cas, il était poli, un peu vieille école, mais je ne le lui jetterais pas la pierre dessus non plus. Mon éducation est à l'ancienne aussi, heureusement que je vivais aussi avec mon temps. " En effet, et encore heureux qu'il existe encore des gens qui partagent cette passion. Nous avons tellement à apprendre du passé que..." Je m'arrête et soupire avant de secouer un peu la tête et reprendre un peu gênée parce qu'il n'était pas là pour m'écouter parler. Il n'était pas l'un des élèves qu'on m'envoyait pour parfaire des connaissances vu que j'avais ce qu'il fallait sous la main la plupart des cas. " Pardon je m'égare, vous n'êtes pas venu là pour que je vous donne un cours sur l'importance des actions du passé." Reprends-toi Masha. Je prends le livre qu'il me tend, l'ouvre et le feuillette rapidement. Il était dans un bon état et c'était un livre intéressant qui plus est, il ne serait pas déçu de sa lecture, assurément. Si je savais qui j'avais en face de moi, je serais certainement différente de ce que je suis actuellement. Ma famille à un passif assez long avec quelques divinités, comme avec la guerre d'ailleurs. Mes ancêtres se sont illustrés dans certaines d'entre elle, bien que nous soyons dans la caste des nobles de l'époque. Aujourd'hui, nous avons un peu perdu de notre superbe, mais je suis certaine que le nom des Lancaster est encore fortement respecté dans certains cercles. Heureusement dans un sens. Je prends encore quelques secondes à ce livre, essayant de lui donner un prix correct, ni en deça, ni au-dessus de sa valeur, mais c'est quelque chose qui varie d'un libraire à un autre. Chacun fait un peu comme il l'entend quand il s'agit d'ouvrages anciens. Je relève les yeux vers lui légèrement amusé lorsque je l'entends prononcer mon prénom et pour cause, je n'ai même pas pensé à lui dire mon nom de famille. Je serre la main qu'il me tend, comme pour en finir avec la phase des présentations. " Ravie de faire votre connaissance. Masha Lancaster, je ne pense pas souvent a donné mon nom de famille, Masha c'est plus court et ça se retient mieux." Et la, je prie pour qu'il ne soit pas un fervent adepte de l'histoire anglaise, sinon, j'allais en avoir pour un long moment. Mais c'était mon héritage, je ne pouvais pas non plus le renier. Puis j'eus un léger sourire quand il se tourne vers les rayons, l'observant effleurer les reliures et l'écoute lorsqu'il me demande d'autres ouvrages. Je reste silencieuse quelques secondes, réfléchissant rapidement à sa demande. " C'est possible, mais je ne vous garantie rien." Ce n'était pas une demande qu'on me faisait souvent, voire même jamais en fait. Le temps de la Gaule est fort lointaine et peu de gens s'y intéressent réellement, même si César en avait été victorieux et que plusieurs événements intéressants s'étaient produits à cette époque. On en revient toujours au même point, plus l'histoire est loin, moins il y a d'écrit dessus et beaucoup de choses laissent place aux spéculations et à l'imagination. Je reste silencieuse une fois de plus réfléchissant à ses deux autres demandes et je hoche la tête de manière affirmative cette fois. " J'ai des écrits sur les deux périodes que vous demandez en effet. J'ai fais l'acquisition de quelques livres sur les campagnes de Bonaparte, je pense que vous trouverez ce qui vous conviendra. On verra ensuite pour l'autre campagne si vous avez le temps." Loin de moi l'idée de le promener à travers toute la librairie s'il n'avait pas le temps. Je lui fis signe de me suivre et le conduis dans un autre rayon quelques mètres plus loin et lui montre une étagère un peu en hauteur. " Les dix derniers livres en partant de la droite sur cette étagère traitent du sujet demander. Je suis trop petite pour les attraper, je pense que pour vous ça ira, sinon je peux toujours aller chercher un tabouret." Il faudrait peut-être que je pense à ranger les livres d'une autre manière aussi.

copyright Bloody Storm

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Teutatès & Masha Lancaster

« Librairie de Masha, Montmartre, Paris, 12 octobre 2020. »

Il n’y avait pas à dire, j’avais toujours adoré parler des événements plus ou moins lointains qui avaient forgé ou contribué à mon histoire et à celle du monde. La jeune femme semble passionnée par son métier, mais je ne savais pas pour autant ce qui l’intéressait particulièrement à propos du récit des grands événements de jadis. Elle devait sans doute garder ses opinions pour elle, inciter la culture et la lecture sans pour autant s’engager… Après tout, on ne savait plus trop de nos jours, au sein d’un peuple aussi « éclairé », ce qui pouvait être bien perçu ou non. L’étude des faits était remplacée par des vues orientées d’un passé servant des buts et des aspirations politiques, portées sur le futur. Ce n’était pas un mal en soi, mais ce n’était sans doute pas la posture que j’adoptais moi-même. Je la vivais sans passion, cette histoire avec un grand H. La passion, c’était avant. Aujourd’hui ne restait que la solitude et les regrets, à peine tempérés de quelques amitiés, améliorées ou non, qui me permettaient de voir les années et les siècles passer sans avoir l’envie de m’infliger la Mort Véritable. La jeune femme semble gênée, et elle l’est ; je le sens dans son cœur.

| Vous le pourriez sans doute, et je gage que cela serait intéressant. Il n’est plus si commun de trouver des libraires cultivés, de nos jours. Ils ne sont parfois plus que commerçants ou… Comment dit-on déjà ? Social manager ? je ne sais plus. Mais vous voyez ce que je veux dire, plus portés sur l’animation qu’ils mettent sur les réseaux ou dans leur boutique que sur le contenu de celle-ci. |

Je ne voulais pas paraître médisant. C’était simplement que je recherchais autre chose, quant à moi, dans ce genre de boutique. Ce n’était pas le plaisir de participer à quelque chose en groupe, à des « challenges » ou qu’en savais-je. Je recherchais autre chose, dans ce genre d’endroits… A la chasse de mes propres souvenirs.La belle sourit quand je l’appelle par son prénom et que je me présente à mon tour. Sa main est douce, délicate. Mais je tique quand elle dit Lancaster. Lancaster ? J’en avais déjà rencontrés. Huit siècles plus tôt, en Anjou. Puis le siècle d’après, en Normandie. J’en avais combattu quelques uns. Et j’en avais connu d’autres, bien plus tard, d’une façon bien différente. Se pouvait-il qu’il y ai un lien ? Je déglutissais, sourcils un rien froncés.

| C’est vrai. Vous avez un très joli prénom. Vous êtes britannique ? J’avais comme reconnu une pointe d’accent très légère, et vous prononcez Lancaster comme une vraie native du Lancashire… |

J’ai déjà oublié ma demande de livre. J’ai oublié tout le reste, des officiers connus jadis à la faim dévorante de la retraite de Russie. Pour le moment, je revivais d’autres souvenirs, bien plus anciens, et tout aussi cruels. Les volées de flèches d’Azincourt et de Poitier, le tonnerre de Castillon. Je revivais les conflits de l’autre côté de la Manche, et deux siècles plus tôt, ce bal royal à Londres pour sceller la nouvelle entente. Lancaster… Ca ne pouvait pas en être une, ce n’était pas possible. Encore un signe que le destin me poursuivait ? Allez savoir. Je la suis, sondant son âme, essayant d’y lire quelque chose qui ressemble aux desseins de ses ancêtres, à ce qu’ils avaient pu vivre et éprouver, y compris à l’extrêmité de ma lame. Ils avaient été courageux, et fiers, certains vertueux et d’autres, tout le contraire. Je ne ressentais rien, pour le moment, si ce n’était elle-même et les infinies variances de sa propre âme, belle plutôt, mais capable de me mettre sous le nez quelques abîmes bien profonds…

Je me laisse guider, au plus profond de son être et de sa psyché, mais aussi de ses rayonnages et de ce qu’ils contenaient. Je ne passais d’un livre à l’autre qu’après avoir lu sa couverture, et l’avoir effleurée du bout des doigts. J’en éprouvais la mémoire, plus que l’authenticité, car aucun de ces mots ne pouvait remplacer la charge mémorielle que je mettais derrière chacun de ces souvenirs. Je quitte mes pensées au bout d’un certain moment.

| Je vais tous les prendre. Vous auriez un carton à me donner ? Vous êtes le diable, Masha Lancaster, car vous me donnez envie maintenant de voir ce que vous avez sur la Guerre de Cent Ans, et sur la Guerre des Deux Roses. Saviez-vous que quelques homonymes, peut être aïeuls ?... Y ont participé ? C’est un vieux nom. Ancien, et puissant. |

(c) DΛNDELION

The way is long to return home

Charles et Masha

Le savoir, c'est le pouvoir, du moins, c'est ce qu'on dit. J'aurais tendance à être d'accord avec cette phrase. Parce que c'était bien beau de savoir se battre, se défendre, mais si on ne connaît pas son adversaire, autant dire que ça ne sert pas à grand-chose. Mais cela ne fait pas tout. Si toute jeune, je n'avais eu pour objectif que de satisfaire le besoin de mon père d'avoir un enfant capable de faire ce qui était nécessaire dans la lutte contre les dieux, je n'avais pas négligé le reste. Lisant, dévorant les livres à la première occasion. Avec le temps, le savoir et les livres d'une manière assez générale étaient devenus une obsession, un besoin pour moi. Je ne partageais pas spécialement le point de vue de mes confrères, qui plaçaient les profits avant toute chose. La culture était devenu un moyen de se faire de l'argent et peut importe le reste. C'était assez triste et je m'étais quelque peu emportée. On me répète souvent que le passé doit rester dans le passé, mais pas pour moi. Je ne pouvais tout simplement pas, parce que ce qui c'est passé hier est un enseignement pour demain. Même si je ne donnais pas spécialement l'impression que ça m'intéresse au premier abord. Un peu gênée de m'être emportée, j'eus pourtant un léger sourire en l'écoutant. Je pourrais oui, mais l'occasion ne s'y prêtait sans doute pas, ou peut-être que si, il avait l'air assez enclin à m'écouter, mais pas maintenant. Ce n'était pas le lieu, surtout que si on s'embarquait dans une discussion comme celle-là, elle pourrait durer un long, très long moment. " Je pourrais oui... Mais le moment est mal choisi, je pense. Oh, ils le sont, vous pouvez me croire, mais le profit est plus important pour la plupart. Pas pour tous, heureusement. Nous ne sommes qu'une poignée en ville à réfléchir autrement et à autre chose qu'à l'argent." J'avais de la chance dans cette petite librairie. Déjà, elle était bien placée et ensuite, son ancienne propriétaire m'avait fait promettre de ne pas transformer cet endroit en quelque chose de purement commercial. J'étais assez satisfaite du résultat. J'avais une bonne clientèle et je n'avais pas à me plaindre du reste. J'eus un autre sourire quand il ajouta que mon prénom était joli, ma mère avait été inspirée pour le coup, même si Masha ne fait absolument pas britannique, chose que la famille de mon père avait d'ailleurs reproché à mes parents dans un premier temps. Je hoche la tête brièvement, je n'allais pas réfuter le fait que j'étais un sujet de sa majesté royale Elizabeth II. " C'est là-bas que j'ai grandi en effet. Vous connaissez bien l'Angleterre ?" Toute ma famille venait de ce comté depuis des siècles. C'était un peu le fief des Lancaster, bien que nous avons perdu en influence depuis plusieurs générations, notre nom est toujours aussi respecté dans la noblesse du pays. L'histoire de ma famille regorge d'anecdotes en tout genre, allant du vaillant combattant sur les champs de bataille à l'alcoolique notoire et coureur de jupons. Il y en a dans toutes les familles, il paraît. Pas de quoi être fière de tous mes aïeuls. Et finalement, je le mène jusqu'à un rayon un peu à l'écart des autres et lui montre une rangée de livres susceptibles de lui plaire. Il s'ensuit un moment de silence, qui n'avait rien de dérangeant, au contraire. Je l'observe avec attention effleurer les livres du bout des doigts et cela me faisait sourire légèrement parce que c'était un geste que je faisais souvent, souvent de manière involontaire d'ailleurs. Je sors de mes pensées quand il annonce qu'il les voulait tous. Je cligne des yeux quelques secondes avant de me reprendre. " Je vais vous trouvez ça." J'eus un léger sourire amusé au reste de ses propos. " Si je suis effectivement le diable, estimez-vous heureux qu'il ne s'agisse que de livres, mais je comprends la tentation." Comment ne pas se laisser tenter d'ailleurs ? Puis je soupire légèrement, hochant une fois de plus la tête. " Je connais les récits qui en parlent oui, quand à savoir si tout est vrai, c'est autre chose. Mais ça concerne ma famille, donc mes ancêtres partent du principe que tout est vrai et que tout s'est passé comme cela est écris. Personne ne peut le dire, mais oui, c'est un nom puissant, emprunt d'une histoire riche et sanglante qui a pourtant traversé les siècles." Tantôt craint, tantôt vénéré, mais respecté de tout temps. Mais j'aime l'histoire de ma famille, car elle est riche et complexe à la fois et il y avait des zones d'ombres que personne ne savait pourtant expliquer. " Ma famille à une histoire tellement riche qu'elle pourrait remplir plusieurs tomes. Vous connaissez quelqu'un de ma famille peut-être ? Ce n'est pas si impossible que ça, même si depuis quelques générations, les Lancaster se font rares." La faute à pas de chance ou juste parce que j'avais plus de cousines que de cousins. Enfin. Je suis la dernière de ma génération à porter ce nom. Et j'y tenais plus que je ne le pensais.

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Teutatès & Masha Lancaster

« Librairie de Masha, Montmartre, Paris, 12 octobre 2020. »

Je sens la jeune femme un rien contrite de s’être laissée enthousiasmer, mais il n’y a rien, ni dans son attitude ni dans ce que je lis de son âme, qui laisse matière à quelque sanction que ce soit de ma part. Je n’escompte pas la blesser, encore moins la punir, alors qu’elle n’a fait qu’exprimer la passion qui était la sienne. Et comme nous le disions fort justement, il n’était pas question de réprimer ce qui était de l’ordre de l’émulation de l’âme. C’était une bonne chose d’être guidé par autre chose que par l’appât du gain ou ce qui pouvait en découler. Je la trouvais quand même un rien sévère, même si elle avait raison sur le fond. L’appât du gain, du bénéfice, de la grandeur que le Dieu Argent pouvait octroyer à ses disciples de par le monde… C’était difficile, voire impossible, de lutter. Je n’étais pas sur le même terrain de toute façon ; je n’avais jamais été une divinité portée sur la possession, la fabrication, ou quoi que ce soit qui passe par des biens matériels. J’étais le Juge des Ames, le Père Protecteur des Tribus. Pour moi, aucune valeur sans honneur. Et c’était à peu près tout. Simple et frontal, comme l’étaient les gens qui m’avaient façonné jadis.

| Et c’est tout à votre honneur, mademoiselle. |

Elle sourit, simplement contente, quand je parle de son prénom, moins quand elle me parle d’Angleterre. Je ressassais, depuis toujours, avec mes cousins et rivaux d’outre-manche, des combats menés aux côtés du Bruce et des cousins dans les Highlands en passant par les déconvenues révolutionnaires d’Irlande, et tout ce qu’il y avait entre les deux ; l’Union Jack flottant dans le vent sur les mornes plaines de Belgique, au soir d’un Empire, et l’abandon à Dunkerque de ceux qui gardaient les flancs. Je me fais un brin évasif.

| Oh oui, je connais bien. J’y ai connu quelques expériences… Douloureuses. J’ai des cousins, là-bas, et je crains de ne pas avoir les meilleures relations du monde, avec eux. Cela reste un beau pays ; j’aime en particulier la région d’Hastings, de Canterbury. |

J’essayais d’être agréable, même si la politesse et la gentillesse ne remontaient pas jusqu’à mes yeux. Trop de passif, à tant d’époques différentes. Je restais ami avec Morrigan, mais c’était à peu près tout. Ogme et Dagda notamment, c’était différent. Je me perds dans mes souvenirs, un court moment. J’essayais de tenir bon, mais ça n’avait rien de facile. Je confirme vouloir tous ces bouquins et je souris à l’idée de la tentation, et alors que je la suis, je me surprends à laisser dévier mon regard sur son dos, sur ses reins et subrepticement, sur ses fesses. La tentation, oui. Mais j’étais au dessus de tout ça. Du moins, en temps normal. Aucune émotion parasite ne venait me faire n’importe quoi, et moins encore venant de la libraire.

| Arrêtez alors, sinon je vais finir par repartir avec la moitié de votre stock historique… |

Je la taquine, sans m’en cacher. C’est assez évident, même. Et voilà qu’elle dévie. Confirme qu’elle est bien une Lancaster comme j’en avais connus. Aussitôt, je me retrouve dans le même état que lorsque la belle m’avait interrompu. Le regard perdu dans le vide, dans un point invisible, visage fermé guettant l’horizon de souvenirs brutaux et sanglants. Towton, Tewksbury, et Bosworth. Je me souvenais du sifflement des flèches, du sang dans la neige, et des cris de guerre des Yorkistes et des Lancastre. Je me rappelais de tout. Sans y prendre garde, alors que j’étais happé par sa fierté et sa curiosité à elle, je répondais laconiquement, entre deux souvenirs de jadis.

| J’ai combattu Henri V, et l’ironie a voulu que je finisse par soutenir les prétentions de son petit-fils, Henri VII. Je connaissais surtout la Reine Marguerite ; je ne suis entré dans ce conflit que parce qu’elle me l’avait demandé. Plus tard, j’étais avec Henri VII a Bosworth… |

Et je sens ses émotions bouillonner. J’écarquille les yeux, la dévisage à nouveau, surpris de mes propres mots. Plus l’âge avançait et ma puissance se réduisait, et plus j’étais faible, déconcentré, soumis aux émotions que je captais… Je me reprenais aussitôt.

| En wargame évidemment. Désolé, je me suis laissé emporter. Je fais partie d’un club de jeux d’histoire avec plateau et figurines ; on a déjà rejoué la Guerre des Deux Roses. |

Mais maintenant qu’elle le disait… Elle était le portrait craché de Rose, rencontrée cent cinquante ans plus tôt à Londres, en pleine Guerre de Crimée. Mon palpitant se mit à battre plus vite.

| Désolé, vraiment. Je ne voulais pas paraître pour un original, mais je pense que c’est ce qu’on est, quand on joue le week end avec des soldats de plomb, n’est-ce pas ?

L’art de se raccrocher aux branches … Je n’étais pas familier des mensonges, mais même les demi-vérités n’étaient pas toujours simples à assumer.

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Charles et Masha

J'étais passionnée par les livres,le savoir et l'histoire également. Je ne pouvais pas connaître tout sur tout, bien évidemment, mais les livres me permettaient de découvrir beaucoup de choses intéressantes et utiles une fois mise bout à bout. Il est clair qu'avoir une discussion avec lui pourrait réellement être intéressante, mais il doit certainement avoir mieux à faire de son temps que de rester ici et discuter de choses passées depuis des siècles. Il en va ainsi et je m'excuse de m'être légèrement emportée. J'avais également un avis assez tranché sur les librairies qui faisaient absolument tout pour faire du profit et quid du reste, heureusement, je n'étais pas la seule à placer le savoir et le simple plaisir de lire un lire avant l'argent. Parce qu'il n'y a rien de mieux pour s'évader temporairement, de rêver à autre chose, d'apprendre. J'eus un sourire quand je comprends qu'il ne semble pas m'en tenir rigueur. Et la discussion se poursuit et il est question de mon pays, l'Angleterre à une histoire riche, bien que sanglante, tout comme la France et la majeure partie des pays dans le monde, je suppose. Mon pays me manque, mais j'avais laissé certains aspects de ma vie à Londres, justement pour ne pas avoir trop à porter sur les épaules, mais ça me poursuit où que j'aille et quoi que je fasse. " C'est un endroit charmant oui. Pour ma part ma famille vient surtout de Lancashire, mais cela fait plusieurs générations que nous avons pris nos quartiers à Londres." Bien que nous y ayons encore des propriétés, des terres, qu'une ville porte notre nom, ce n'était plus comme avant. Oh, bien sûr, nous y étions toujours respectés, mais ma mère refuse de retourner là-bas depuis la mort de mon père et je n'avais plus forcément le temps non plus. Je me reconcentre sur les livres et m'éloigne quelques secondes afin de lui trouver quelque chose pour qu'il puisse tous les y mettre. Par chance, j'avais laissé un carton pas très loin et je le jugeais assez résistant pour qu'il puisse y empiler les livres qu'il voulait acquérir. Je reviens vers lui avec un léger sourire aux lèvres. " Vous pouvez tous les prendre si vous le désirez, mais je doute qu'un seul carton soit assez. De toute façon, les livres sont écris pour qu'on les lise." Et c'est le meilleur moyen pour transmettre un évènement passé avec plus ou moins de fiabilité. Mais il semble être d'humeur assez taquine et ça me fait sourire, c'est tout de suite plus simple et plus détendu. J'aime aussi mon travail parce que je peux rencontrer des gens de tous horizons et lui, il m'intriguait, il y avait quelque chose chez lui que tous mes autres clients n'avaient pas, sans que je ne sache exactement ce que c'était, mais qu'importe. Poussé par un élan de curiosité, je lui demande s'il connaît quelqu'un de ma famille, sait-on jamais après tout. Nous ne sommes plus tellement nombreux. Et sa réponse... Me laissa sans voix dans un premier temps. Qu'est-ce qu'il était en train de me dire ? Combattu Henri V... J'étais perdue entre la surprise, l'incompréhension et un sentiment un peu confus, me demandant même s'il ne se moquait pas un peu de moi très clairement, mais il ne semblait pas être le genre. Et il se reprit lorsqu'il se rendait compte de ce qu'il disait. J'affichais une mine assez perplexe, mais étais quand même un peu perdue. Ces évènements historiques avaient eu lieu il y a des siècles de cela, l'histoire nous l'avait enseignée, même si fatalement des évènements ne sont pas connus car ils sont oubliés depuis longtemps. " Oh... Oui, oui bien sûr. Je ne doute pas un seul instant que ce soit le cas." La guerre des Deux Roses était un conflit qui avait opposé ma famille à celle des York pendant de nombreuses années. Je connaissais l'histoire sur le bout des doigts évidemment. Mais ce que je ressens est confus, il en avait parlé avec... Nostalgie presque, je ne sais pas c'est assez étrange. " Sans vouloir vous offensez, j'ai du mal à vous imaginez jouer avec des petits soldats de plombs. Mais cela va sans dire que vous rejouez une guerre intéressante, bien que trop sanglante." Comme toutes les guerres, il fallait un vainqueur et un perdant. C'était dans l'ordre des choses il faut croire, mais quelle que soit l'issue d'une bataille, il y a toujours des victimes. Et encore aujourd'hui, j'étais engagé dans une guerre qui me dépassait un peu, comme quoi, c'était sans doute le prix à payer pour être une Lancaster. Les guerres, toujours et encore, comme une mélodie infernale incessante. " Mais tout conflit à ces zones d'ombres, cette guerre ne fait pas exception. Mais je n'ai pas une vue d'ensemble, étant fortement influencée par l'héritage familial d'ailleurs. En tout cas, je n'aurais pas voulu vivre à cette époque." Vivre en temps de guerre n'est pas chose simple, mais à cette époque encore moins. Mais je m'égare une nouvelle fois.

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[HJ j’amorce une fin si ça te convient, comme le rp date et peu et que nos persos ont pas mal évolué depuis, quitte à ce qu’on s’en refasse un très vite avec grand plaisir]

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Teutatès & Masha Lancaster

« Librairie de Masha, Montmartre, Paris, 12 octobre 2020. »

Est-ce que ça pouvait marcher ? Est-ce que ça suffirait seulement ? Là comme ça, je n’en savais rien du tout. Je ressentais pas mal de choses désormais qui animaient la jeune beauté. Un peu dubitative, sans doute. Elle se posait des questions. Pas seulement sur moi, d’ailleurs. Mais parler de sa famille, de son patronyme et de ce qu’il impliquait, c’était quelque chose de profond pour elle, d’évocateur. On ne pouvait pas dire quoiqu’il en soit que le sujet la laissait insensible, c’était plutôt tout le contraire. L’histoire des humains ne les passionnait pas toujours. Au fond, je pouvais bien le comprendre. Ce n’était pas donné à tout le monde d’avoir une richesse dans son arbre généalogique, d’avoir le lustre d’un nom bien poli par les événements du passé. Mais ça ne changeait pas grand-chose, en vérité. Cela n’amenait qu’un poids supplémentaire sur les épaules des descendants qui avaient conscience du passé de leur lignée… Mais au fond ça restait de la liberté de chacun de s’aligner ou pas du tout sur les aspirations de leurs ancêtres.

Etait-elle ambitieuse, Masha Lancaster ? C’était difficile à dire. Elle avait conscience de son blason, du sang qui coulait dans ses veines. Mais plus que ça ? Allez savoir. Je ne la connaissais pas assez, et nous n’étions pas dans des circonstances de confidences aussi intimes que le sens de la vie ou d’émotions particulièrement fortes, puissantes, voire violentes, au centre de son âme. La belle m’explique venir du Lancashire et de Londres…

| J’aime bien Londres… | Pour l’avoir connue à différentes époques. | Mais je préfère la campagne anglaise, je dois bien l’avouer. |

Encore plus pittoresque que celle de France, mais les gens y étaient un peu moins festifs et affables. Qu’importe. Dans le monde, presque toutes les cultures se valaient à coups d’avantages et d’inconvénients dûs à leur histoire, leur culture, leur évolution dans le temps. J’opinais du chef pour le reste, léger sourire aux lèvres, prenant le carton qu’elle me tendait pour y mettre les livres qu’elle me recommandait.

| Merci. Je vais déjà prendre celui-ci… Il me fera un moment. Je reviendrais pour un second voyage une fois le premier terminé. |

Autant se montrer un peu sage, même si ce n’était pas tellement une question de moyens ou d’argent. Mais forcément je n’arrivais pas à passer à côté de sa stupeur, de ce qu’elle ressentait quand ma langue fourchait. D’un coup ce n’était plus seulement de la surprise. C’était bien plus ! La belle rouquine était littéralement estomaquée et c’était ma faute. Ca ne me ressemblait pas de ne pas me montrer précautionneux, surtout avec les humains. Mais j’avais un peu perdu le fil depuis que je parlais d’histoire, et surtout depuis que j’avais repensé à la Russie. Quoiqu’il advienne désormais, les choses resteraient bizarres, compliquées, et je devais faire attention à tout ce que je pourrais dire.

Bien sûr, je me focalisais plutôt sur ce que l’évocation de la guerre signifiait chez elle que sur la surprise et la confusion dû à mon lapsus. Je souris de bon cœur, sans trop me forcer, quand elle évoque ma passion pour le wargame… Mais mon sourire se fâne quand elle parle de la guerre. En toute franchise, elle avait fait des morts, mais l’essentiel des pertes était dû aux combats, contrairement aux guerres classiques. Elle était restée sale pour ses têtes pensantes, mais le peuple n’avait pas eu à subir une seconde guerre de cent ans, massacrée par les routiers et autres écorchards. Mais forcément une famille aussi décimée que la sienne, même si ça remontait à des siècles…

| C’est vrai. Quand on joue, qu’on simule les conflits du passé, on a tendance à beaucoup s’informer sur la vie de l’époque et sur les événements vécus par les contemporains. Je plains ceux qui l’ont vraiment vécue, surtout les familles qui ont tout misé sur les événements à l’époque… Mais bon, tout cela remonte à loin, maintenant. L’Angleterre a depuis longtemps tourné la page. |

Ce qui faisait une belle jambe à toutes les victimes. Je payais alors mes livres, avant de les remettre dans le carton.

| Je reviendrais en tout cas, mademoiselle. Cette discussion était fort intéressante et je n’ai pas fini d’écumer vos allées, soyez en sûre ! |

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Charles et Masha

J'eus un léger sourire quand il avança qu'il préférait la campagne anglaise à la ville. Je ne pouvais pas l'en blâmer en fait. J'aimais Londres à cause de son histoire, de la richesse des lieux, parce que c'était aussi là que j'avais grandie. Je considérais cette ville comme mon chez-moi, mais j'en étais partie pour venir vivre en France par choix. Mais j'aimais également me retrouver dans la land anglaise, pas trop longtemps cela dit, je crois que j'avais trop l'habitude de tout avoir à portée de main. J'avais de la chance d'être née dans une famille qui avait contribué historiquement à la construction de ce pays qui était le mien, même si ce n'était pas toujours dans les règles de l'art et qu'on a été très fortement décimé à une certaine époque. Mais je savais d'où je venais, ce que je représentais et le poids que cela était sur mes épaules, mais je l'avais accepté depuis longtemps. Cela faisait partie de ce que j'étais et il n'était pas concevable qu'il en soit autrement. Certains préféraient ignorer le passé, mais pas moi. Sans doute que je m'y accrochais un peu trop, je ne saurais dire, mais ce n'était pas le sujet du jour non plus. " La campagne anglaise à son charme, c'est un fait." J'eus un léger sourire aux lèvres, mais j'avais cet intérêt pour lui sans que je ne sache trop d'où il pouvait venir. Il m'intriguait de plus en plus mais je faisais au mieux pour le dissimuler, mais cet échange était fortement intéressant. Mais je lui tends le carton qu'il avait demandé et je ne pouvais qu'être d'accord avec ce qu'il avançait. Il allait en avoir pour un moment à tout lire, mais le fait de savoir qu'il allait revenir me faisait plaisir. " J'aurais peut-être de nouvelles choses à vous proposez dans ce cas !" Il y avait encore des livres dans un coin de ma réserve que je n'avais pas eu le temps de mettre en rayon ou de feuilleter tout simplement et ce n'est pas dit que certains ne lui plairaient pas, mais qu'importe. Mais la suite ? Franchement je n'aurais jamais pu le prévoir et la surprise était franche et plus que visible. Et cet intérêt pour cet échange pris un autre tournant, sans que je n'en prenne la réelle mesure dans l'immédiat. Mais il me fallut une poignée de secondes pour me remettre de ce que je venais d'entendre et il s'en était rendu compte. La guerre de base, c'était moche, mais à l'époque c'était presque la coutume de s'entre tuer. Et ma famille en avait été un exemple parmi d'autres malheureusement. Mais malgré tout, je n'arrivais pas à imaginer cet homme jouer avec des petits soldats de plomb, ça me dépassait complètement, mais chacun ses loisirs, je n'étais pas là pour le juger, même si j'avais pu laisser penser le contraire quelques secondes plus tôt. " Je vous crois, vous n'avez pas à vous justifiez." Même si ce n'était pas réellement la vérité. " Ah ça, mais je ne pense pas qu'ils avaient réellement d'autres choix à l'époque. Enfin, je n'en sais rien, je n'y étais pas, mais clairement ma famille n'a pas toujours fait les choix les plus stratégiques avec le recul." Enfin, ce n'est pas comme si ça allait changé quoi que ce soit à l'heure actuelle. Les Lancaster avaient perdu un peu de leur prestige, mais ce n'est pas moi que ça dérangeait le plus. Mais l'héritage de ma famille était ce qu'il était autant que je fasse avec ce fait. " Oui et c'est une bonne chose. Les vieilles rancunes n'ont plus lieues d'être à l'heure actuelle." Certaines avaient quand même la vie dure. On repart vers mon comptoir et il paye ses livres et je reste songeuse le temps qu'il les range dans le carton que je lui avais fourni. C'est dingue ce qu'une discussion tout à fait banale pouvait être intéressante. Les gens ne s'intéressent plus franchement à l'histoire en tant que tel et c'est bien dommage, alors avoir la chance de pouvoir échanger quelques mots avec quelqu'un qui semble aimer le sujet était toujours une bonne chose. Je repose les yeux sur lui et eus un large sourire sur les lèvres. " Ce fut un plaisir de converser avec vous également Mr Niemans. Je vous dis à bientôt dans ce cas, passez une bonne fin de journée." Je le regarde partir et je soupire légèrement. Décidément c'est pour cette raison que j'aimais ce que je faisais, pour ce genre de rencontre fortuite avec des inconnus qui débouchait sur des discussions aussi intéressantes que surprenantes. Je regarde autour de moi et soupire avant de repartir dans mes allées un léger sourire sur les lèvres.

RP fini

copyright Bloody Storm

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