Un gala en vaut bien un autre

Sujet: Un gala en vaut bien un autre Lun 8 Aoû - 17:02

C’est samedi soir. Mais pas n’importe quel samedi soir. Ce soir, à New-York, vient de se dérouler le très prisé gala du MET, cette soirée sensée être à but caritatif, pour soutenir le musée des costumes de la grosse pomme. Du moins, sur le papier. Dans les faits, il s’agit de la soirée la plus incontournable de l’année pour toutes les fashionistas et autres célébrités, l’occasion de s’exhiber dans des tenues totalement extravagantes, certaines encore moins couvrantes que celles des stars de films pour adultes, et le tout avec la bénédiction des journalistes et autres critiques de mode. Forcément, Midnight Richards, aka Nyx, a reçu son invitation. Forcément, elle s’y est rendue… Mais pas seule. Dans sa valise, ou presque, son garde du corps. Et sa fille. Pas dans la valise, la fille. Après un vol en première classe pour la cité de la dame de liberté, elle les a tous les trois installés dans une suite au Hilton, la chambre du père adjacente à la sienne, avec la possibilité pour lui de la partager avec son engeance ou pas, pour ne pas la réveiller à leur retour tardif de cette soirée prestigieuse.

La journée, pour l’homme chargé de la surveiller, avait dû lui sembler interminable. Dans la suite s’étaient succédés tout au long des heures précédant l’apparition sur le tapis rouge de la mannequin et femme d’affaires, toute une procession d’habilleurs, de maquilleurs, de coiffeurs… Tous sensés faire ressortir le meilleur de la beauté de la dame. Pour autant, il aura fallu attendre que la nuit tombe pour qu’elle se mette à réellement briller. Elle avait finit par sortir de sa chambre dans une robe absolument somptueuse, dont les tons dorés à eux seuls illuminaient la pièce. Aussi vaporeuse qu’osée, près du corps, qui suggérait tout sans rien montrer. Le haut n’était que colliers de perles, resserrés du cou qu’ils enserrent jusqu’à la la naissance de sa poitrine, d’innombrables paillettes comblant les zones ajourées, rendant la robe aussi chaste que sensationnelle, et allant de plus en plus lâches, jusqu’à ce que le dernier ne flirte avec ses hanches. Quant au bas, le tissu semblait aussi léger qu’un voile, lui ceignait ses hanches pleines tout en flottant de façon aérienne autour de ses jambes, rendues interminables par une paire d’escarpins. Ainsi vêtue, la silhouette de la déesse était joliment mise en valeur. Sur ses yeux, un fard qui s’accordait avec sa robe, eye liner, mascara. Sur ses lèvres, ce même jeu de dorés doux. Son dos, quant à lui, était entièrement nu. Deux rangées de perles habillaient sa chute de reins, agrémentant la jupe vaporeuse. Cheveux relevés en un élégant chignon, quelques autres perles d’or venaient relever ses tons aile de corbeau.

Il n’est pas banal de voir la Nuit en couleur solaire, mais ce soir, c’est chose faite. « Si vous êtes prêt, nous allons nous mettre en route. La limousine nous attend. » Elle glisse, à son garde du corps, avant de se permettre un dernier coup d’œil dans le miroir pour juger de la perfection de son maquillage et de l’effet de sa tenue. Satisfaite de l’image que lui renvoie son reflet, elle attend patiemment Erik, et ils se mettent en route. D’ordinaire, le MET est en charge totale du système de sécurité, et donc les garde du corps sont superflus, mais après l’attaque qu’a récemment subit Midnight, les organisateurs lui ont autorisé sa garde rapprochée. L’homme scandinave a donc eu droit à une invitation en bonne et due forme. Il est le cavalier de la dame, assis à son côté durant les festivités, bien que n’apparaissant pas sur les photos prise à la montée des marches de l’établissement rendu prestigieux par le magazine Vogue.

La soirée, malheureusement pour lui, a été d’un ennui mortel pour qui n’apprécie pas ces festivités mondaines où les puissants, reclus dans leur monde, se partagent la lumière. Au moins, les petits-fours, boissons et autres ont été délicieux. Durant toute la soirée, Midnight a joué le jeu, bu du champagne et ri aux plaisanteries des uns et des autres, tout en, intérieurement, déplorant le manque de relief de l’occasion. Beaucoup de photos ont été prises, certaines postées sur les réseaux sociaux, une tâche que, pour sa part, la déesse a déléguée, peu soucieuse de ces choses-là.

La soirée aurait pu s’allonger, et durer toute la nuit, mais Nyx n’a pas eu la patience. Il est à peine une heure du matin quand elle prend congé, emmenant Erik dans son sillage, et s’engouffrant avant lui dans la même limousine que celle venue les chercher, des heures plus tôt, à l’hôtel. Sitôt la porte fermée sur Erik, son sourire se fane et une expression de profonde lassitude, de fatigue, le remplace sur ses traits. Elle soupire lourdement, et garde le silence un moment, alors que la voiture démarre, silencieuse comme un chat. Lasse, la déesse se laisse aller dans le confort du dossier de sa banquette, sur laquelle elle s’allonge à demi, patientant que les acouphènes dans ses oreilles se calment. Trop de bruit, trop d’agitation à son goût. Un mal nécessaire, pour conserver son pouvoir, et tenter de l’étendre, encore un peu. Ce n’est qu’au bout de plusieurs minutes qu’elle se rend compte qu’elle avait fermé les yeux, et finit par les rouvrir pour les poser sur le beau scandinave qui lui fait face, et à qui elle se décide à sourire, un peu. « J’aurai au moins eu le privilège de vous voir en costume… Vous êtes très élégant. » Elle le complimente, histoire d’apaiser, peut-être, un peu l’homme qui, sans doute, aura passé une soirée… Mortelle.

La moindre des choses qu’il fallait reconnaître sur son nouveau poste, était qu’Erik voyait des choses qu’à aucun moment dans son ancienne vie, il n’aurait pu voir de ses propres yeux. Être au service d’une personnalité mi-diva reine de la nuit, mi-femmes d’affaires implacable, c’était avoir le plaisir pour commencer de voyager partout, tout le temps. Et pas dans les conditions les plus exécrables, loin de là.

Dernièrement, Midnight avait offert un billet en première classe pour aller à New-York à son garde du corps ainsi qu’à sa fille. Oh ils n’y allaient pas pour des vacances, bien que cela aurait pu en avoir l’air, si tant est que se rendre à un gala très attendu était vraiment considéré comme du « travail ». Ils s’y rendaient effectivement pour le MET Gala, moment qu’Erik savait charnière pour les célébrités gravitant autour du monde de la mode, de l’influence et du show-business d’une façon générale. Pourquoi ? Eh bien car c’était le moment rêvé pour faire une bonne action, tout en se montrant dans les tenues les plus extravagantes qui soient, bien évidemment ! La soirée était savamment orchestrée par les journalistes de Vogue, pour organiser une collecte de fonds du Département de la Mode du Costume Institute, tout en permettant aux peoples féminins extrêmement riches de se gargariser d’une coupe de champagne en se montrant dans des robes plus abracadabrantesques les unes que les autres. Un excellent moyen de réseauter donc, mais aussi de se faire connaître et se faire admirer par de nombreux journalistes et courtisans divers et variés. Se montrer, la culture du paraître, et du sociable avec tous les gens du milieu, tout ceci était très important si on voulait réussir dans cet environnement-là.

En l’occurrence, la reine de la nuit ce soir, c’était Midnight. Et elle avait mis tous les petits plats dans les grands pour que ce court séjour dans la ville américaine soit aussi confortable que possible puisqu’on avait mis à disposition une chambre au Hilton dans une grande suite mitoyenne où ils logeraient. Erik avait largement la place d’avoir sa fille ainsi que lui-même, dans leur chambre, tandis que dans l’autre se trouverait la grande star qui allait être sous le feu des projecteurs.

D’ailleurs, Erik n’avait pas tardé à la rejoindre, pour surveiller que toutes ces personnes se présentant à sa suite : habilleurs, maquilleurs, coiffeurs, stewarts de chambre … Soient bel et bien des personnes censées voir Midnight, et non pas des intrus voulant la peau ou autre chose de la femme d’affaires. Le franco-norvégien surveillait donc les accréditations, et les va-et-vient des uns et des autres méthodiquement.

Bon, ça n’était pas le travail le plus demandeur, mais Erik voulait tout de même profiter de l’occasion pour faire bonne impression auprès de sa nouvelle patronne, tout autant qu’en profiter pour la surveiller discrètement sur différents faits et gestes pouvant potentiellement l’incriminer aux yeux du déicide, qui cherchait à coincer faire valider les théories sur la femme d’affaire.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le travail de toutes ces personnes qui étaient venues la visiter tout au long de la journée fut rapidement récompensé, car au fur et à mesure que les gens passaient, Midnight se transformait un peu plus à chaque fois en une icône de la mode. Elle n’échappa pas à la règle, et si les maquilleuses avaient réussi à faire ressortir les plus beaux aspects de son visage, les stylistes eux avaient effectué un travail remarquable en proposant une tenue qui mettait très bien en valeur la femme d’affaire, tout en restant tout de même dans l’élégance et non pas dans la provocation. Mais après tout, ce n’était que les yeux de profane d’Erik qui parlaient. Midnight s’était vêtue de dorée pour cette soirée-là. Ça n'était pas très subtil, mais la volonté de l’exercice n’était justement pas d’être subtil.

Il fallait briller, et se montrer. Chose dans laquelle Midnight excellait, peut-être un peu trop même, aux yeux d’Erik.

De son côté, le jeune franco-norvégien avait mis sa tenue de gala également. Il avait préparé un costume fait sur mesure par sa tailleuse Penelope – sur les bonnes recommandations de Virgile qui était plus que satisfait de son service –, celui-ci était aux teintes gris-bleu, et accompagné d’une cravate de la même couleur et au même motif. Erik avait pris le soin d’aller chez un coiffeur-barbier juste avant l’événement, pour paraître le plus beau possible, avec une barbe taillée de près en bouc, et des cheveux mi-longs tombant jusqu’au milieu du cou. Le tout coiffé, avec un peu de laque pour que l’ensemble se tienne, et avec quelques gouttes de parfum de son Hugo Boss favori, le jeune homme était prêt à sortir. Il tenait à son apparence également : il ne s’agissait pas de passer pour un pouilleux auprès de celle qui allait crever l’écran.

Il trouva son employeuse à la sortie de sa chambre, qui lui fit signe qu’ils allèrent se mettre en route. Erik alla surveiller une dernière fois que sa fille était entre les bonnes mains du service de nurserie de l’hôtel, et profita d’un dernier coup d’œil dans le miroir pour se réajuster son costume, et pris le pas de Midnight.

Elle et lui étaient cavaliers d’un soir, bien qu’Erik était plus un homme de l’ombre qui s’assurait que tout se passe bien pour elle, en toute circonstances. Même si le service d’ordre du MET s’assurait de la sécurité de l’événement, l’on n’était jamais à l’abri de débordement, ou peut-être d’une star un peu trop éméchée voulant soudainement s’en prendre à Midnight.

Une fois qu’ils furent sortis de la limousine qui devait les emmener jusqu’au Gala, la soirée fut … Eh bien, elle fut, et ce n’était déjà pas si mal. Erik était loin de ce monde-là, et en soi il n’avait rien à faire ici si ce n’est surveillé les alentours de sa cavalière, et discuter avec elle si tant est qu’elle ait le temps de lui adresser la parole. Mais bien évidemment, de très nombreuses personnes la sursollicitaient. Ce n’était disons pas le bon jour pour avoir une conversation philosophique sur le sens de la vie, où Erik aurait pu tenter de tirer un ou deux indices sur les origines divines de la starlette qui était dans son élément.

Au moins, le garde du corps profita de la soirée pour se servir allègrement au buffet et boire du champagne – avec modération, car il était ici en plein travail –, mais aussi et surtout pour se garder en tête d’alimenter son fichier d’informations, une fois qu’ils seraient revenus à Paris. Ce MET Gala était en effet une occasion formidable de voir qui dans le star-system était relié de près ou de loin à Midnight, et quels genres de liens ils partageaient. Aussi, s’il fit mine de s’ennuyer une bonne partie de la nuit, là ou Midnight riait, répondait aux sollicitations des uns et des autres, et faisait probablement des affaires, Erik était factuellement en plein travail de mémorisation, tâchant d’observer qui allait parler à la femme d’affaires et pourquoi, et s’il représentait un danger pour elle, ou un lien d’amitié quelconque.

Ce petit jeu là l’occupa un temps, et puis Midnight fit signe à Erik qu’ils allaient partir. Le jeune homme regarda sa montre : Vraiment ? Maintenant ? Il était une heure du matin, elle qui était pourtant habituée à vivre la nuit décidait de rentrer maintenant ? Certes, le garde du corps ne se déplaisait pas de cette décision, car il avait fait largement le tour de toutes les personnes présentes ici, mais il fut inquiet de l’état de santé de son employeuse : quelque chose s’était-il mal passé ?

Ils rentrèrent dans la limousine, et comme ce qu’il craignit, le sourire de Midnight se fana immédiatement pour être remplacé par une expression de profonde lassitude, et un air vraiment fatigué. Ça alors, de toutes les fois où Erik avait vu Midnight, il ne l’avait jamais aperçu comme cela. La starlette potentiellement divine perdrait-elle des forces ? Elle alla même jusqu’à se coucher à moitié sur le dossier de sa banquette, alors qu’Erik indiqua au chauffeur de les ramener à l’hôtel.

Sa patronne alla même jusqu’à fermer les yeux plusieurs minutes, profitant d’un peu de repos. Erik resta silencieux quant à lui, profitant de l’instant de calme pour sortir son téléphone et relever ses mails, et parcourir les internets en suivant le hashtag consacré de la soirée, où il pu voir que déjà circulait de nombreuses photos de sa patronne, seule ou en compagnie d’autres gens.

Une opération à succès donc.

Celle-ci rouvra ses yeux quelques minutes plus tard, alors que la voiture était toujours en chemin. Elle regarda Erik, avant de lui dire d’un petit sourire :

« J’aurai au moins eu le privilège de vous voir en costume… Vous êtes très élégant. »

Le garde du corps franco-norvégien inclina sa tête, et rendit un petit sourire à Midnight. Il apprécia le compliment, car il avait fait de réels efforts, pour plaire et surtout paraître au même niveau qu’elle, ce qui n’était pas toujours facile. Erik lui fit, un brin rieur :

« Je vous retourne le compliment, vous étiez ravissante ce soir ! Et puis quel succès : le nombre de sollicitations que vous avez eu est à la hauteur de l’effort que vous avez apporté ce soir ! Quelle tenue ! Une vraie reine de la nuit ! »

Erik eut un petit rire intérieur. En vérité il aurait pu rajouter « quelle déesse, même ! », mais il estima que ce n’était peut-être pas vraiment le bon moment pour insister là-dessus. En lieu et place de cette remarque, il dégaina son portable, sur lequel Twitter était ouvert, et pris une photo de Midnight au hasard, accompagné d’un commentaire d’un internaute, avant d’en faire la lecture à voix haute :

« Tenez, si j’en crois la très sérieuse et écoutée Jeannedu14, éminente influenceuse du monde la mode et du star-system, je cite :« OH MON DIEU !!! MIDNIGHT ELLE EST TROP BELLE CE SOIR ! TROP MA QUEEN !!! » – Erik avait bien fait en sorte à ce moment précis de prendre le timbre de voix d’une groupe excitée – avec pleeeeein d’emojis de cœur, et de bonhommes qui crient. Comme quoi, votre prestation n’a pas plus qu’à moi ! »

Erik eut un petit rire, puis repris d’un ton plus sérieux :

« Blague à part, tout va bien pour vous ? Je vois et je sens que cette soirée vous a fatigué. Je vous avoue que cela me surprend, vous qui êtes habitué au milieu de la nuit. Quelque chose s’est mal passé, que je n’aurai point vu ? Vous aurez besoin de quelque chose de particulier en rentrant à l’hôtel, pour vous remettre ? »

Le franco-norvégien eut un petit sourire envers son employeuse : après tout, il était son garde du corps, il s’agissait de protéger Midnight, tant physiquement, mais s’il pouvait aussi le faire mentalement, il n’allait pas se priver.

Qu'il est étrange pour Midnight, qui abhorre les réseaux sociaux, de se trouver en compagnie de quelqu'un si prompte à dégainer smartphone et internet pour s'en repaître... D'ordinaire, c'est Zhu Li qui s'occupe de tout cela pour elle, pages facebbok, twitter, instagram... Il est certain qu'Erik a dû voir des twitts et autres choses mises en ligne par sa brillante assistante, qui gère tout cela bien mieux que la déesse ne le ferait jamais. L'entretien des relations sur la distance a toujours été délicat pour la Nuit, si prompte à se désintéresser des uns et des autres. Dans le temps, c'était moins difficile. Une lettre de temps en temps... L'élégance de la plume, le son de celle-ci qui glisse et trace son encre sur le papier... Encore quelque chose que la déesse apprécie. Mais l'électronique ? Non merci. Au moins, Erik avait pensé à lui rendre son compliment avant de sortir son engin du diable de sa poche. Le terme « reine de la nuit » la fit sourire. « La Nuit, c'est moi. » Elle répond, son sourire glissé en coin. La remarque sonne orgueilleuse pour la mortelle qu'elle a l'air d'être, mais... Ce n'est que la pure vérité. « Il n'est pas normal que vous sachiez aussi bien imiter les adolescentes modernes... C'est troublant. » La déesse taquine son garde du corps, bien loin du sentiment de flatterie qui aurait pu suivre l'avalanche de compliments faits par Jeannedu14. Un mal nécessaire, songe la Nuit. Autrefois, les rituels et manifestations divines pouvaient se faire dans le secret d'une forêt, l'anonymat offert par un champ ou n'importe quelle structure naturelle adéquate. Les devoirs de représentation divins avaient beaucoup changé, avec le temps, et les dieux de ce siècles n'ont rien à voir avec leurs prédécesseurs. Se tailler une part du lion dans ce contexte est à la fois d'une simplicité et d'une difficulté effroyables. Encore aujourd'hui, Midnight s'étonne de voir à quel point son stratagème a fonctionné et fonctionne encore, lui permettant de gagner plus de fidèles, des followers comme on dit maintenant, à chacune de ses apparitions.

La conversation aurait pu s'arrêter là, sans l'étonnant rebondissement apporté par le franco-norvégien. Il voulait savoir comment elle allait, voilà qui était bien attentionné de sa part... Sans lui répondre tout de go, Midnight observe un long moment son vis-à-vis sans lui répondre, jaugeant de la réponse à lui faire, de ce qu'il est capable d'encaisser... Et finalement, comme à son habitude... « C'est ainsi que vous vous figurez la Nuit et son milieu ? Du strass, des paillettes, des boissons... La Nuit n'est-elle que débauche pour vous ? Ne peut-elle être autre chose ? » Avec lenteur, les lippes charnues de la déesse retrouvent leur sourire. Elle soupire discrètement, et reprend avant même qu'Erik n'ait pu répondre. « Il n'y a pas de bonne réponse à donner... La Nuit a beaucoup de visages, en vérité, même à l'ère moderne. Elle en a eu des centaines de milliers à travers les siècles... » Sa voix, déjà basse, se meurt, tandis que la déesse détourne le regard de son garde du corps pour perdre ses yeux sur les rues de New-York et ses imposants gratte-ciel, qui défilent silencieusement derrière les vitres teintées de la limousine. A chaque feu rouge auxquels elle s'arrête, des gens se pressent tout contre pour tenter d'apercevoir les occupants, mais peine perdue. Il est étrange pour Midnight de parler d'elle à la troisième personne, mais il lui serait encore plus étrange de le faire à la première face à un mortel. « Tout s'est passé comme cela devait se passer. » Reprend-elle encore. « Vous n'avez rien loupé... » Elle lui sourit gentiment, pour le rassurer. « ... Mais ces excès ne sont pas forcément au goût de tous ceux qui jouent le jeu de la représentation. Les sollicitations constantes, l'exposition... » La Nuit a toujours eu un tempérament discret et secret. Jamais, pas même une fois, elle ne s'est mêlée aux libations des olympiens qu'elle a toujours méprisés, en grande partie. Contrairement à d'autres qui s'y sont exilés, Nyx a fait le choix de vivre au Tartare, comme la créature ombrageuse et solitaire qu'elle est. La modernité, et sa quête de pouvoir, l'entraînent hors de ses recoins sombres pour l'exposer en pleine lumière, mais est-ce seulement pour un mieux ? Et bien, tout dépend du point de vue. De celui de sa renommée, assurément. De celui de sa tranquillité ? Certainement pas. A ce stade de son évolution, Nyx avait la théorie de pouvoir se réinventer avec la modernité, de, peut-être, voir ses pouvoirs et caractères changer par la force de ses nouveaux fidèles, qu'elle pensait si différents des grecs et des romains... Mais il semble clair à présent que l'amour des libations et célébrations de tous genres prend facilement le pas sur tout le reste, dans le passé comme le présent. « Et vous ? » Elle demande, en se redressant. « Voudrez-vous quelque chose une fois à l'hôtel, ou même avant que nous y allions ? »

Midnight sembla faire une petite moue alors qu’Erik sortait son téléphone : alors quoi, elle détestait la technologie, comme ses grands-parents qui disaient « L’internet » ou « La Wifi » ? Pourtant elle n’avait pas l’air si vieille que ça … Enfin, bien sûr, si on ne comptait pas le fait qu’elle ne faisait pas son âge, et qu’elle avait approximativement la même tête il y a dix ans qu’aujourd’hui. Soit elle avait un très bon chirurgien, soit cela cachait quelque chose. Demander l’âge d’une dame était quoiqu’il en soit grossier, et Erik ne tenant pas spécialement à se faire évincer de son travail pour impolitesse, alors que ce job lui offrait un poste de choix pour observer la starlette, il se mura plutôt dans ses réflexions quant à tout ceci pour l’heure. Mais tout ceci était en tous les cas fort peu communs.

En vérité, ce qui renforça cette impression de « peu commun » aux yeux du garde du corps, c’était que tout ce que trouva à dire Midnight à son compliment c’était :

« La Nuit, c'est moi. »

Erik haussa un sourcil, un demi sourire aux lèvres. La Nuit, c’est moi. Vraiment ? La dernière fois qu’il avait entendu une expression finissant par c’est moi, c’était lors d’une perquisition faite par quelques-uns de ses collègues de la police en 2018 au 25 passage Dubail dans le Xème arrondissement de Paris … Et autant dire que c’était une affaire qui tournait encore, et dont on se moquait encore aujourd’hui. Soit c’était extrêmement présomptueux de sa part de se considérer comme telle, malgré qu’il est vrai, elle était à la tête de nombreuses discothèques à succès … Ou alors, là encore cela cachait quelque chose. Mais pourquoi le dire ainsi, si cela cachait vraiment quelque chose ? N’était-ce pas tout simplement un personnage qu’elle se donnait ? Mais y compris à lui, son garde du corps avec qui elle devait partager tout de même de longs moments de sa vie ?

Erik soupira un petit peu. Il avait l’impression que plus il côtoyait la femme d’affaires, plus le mystère autour d’elle s’épaississait. Peut-être devait-il en parler à Virgile, ou à un autre de ces collègues de la cellule parisienne. Peut-être qu’un deuxième avis lui serait utile dans cette affaire. Toujours est-il que le garde du corps eut un nouveau petit sourire quand il entendit Midnight faire :

« Il n'est pas normal que vous sachiez aussi bien imiter les adolescentes modernes... C'est troublant. »

Erik haussa les épaules, avant de faire :

« Vous savez, j’ai fait plusieurs fêtes de famille, et disons que parmi les gens que l’on voit qu’une ou deux fois dans les cousinades … Eh bien, il y avait ce genre de gamines très attachées à leurs idoles. »

Erik eut un petit sourire et un regard au loin un instant : il revit un bref instant ses petites cousines adulées Justin Bieber, One Direction, et autres acteurs et actrices à succès qu’elles admiraient … Quoi qu’on en dise, un enfant ou une adolescente pouvait être bien innocent parfois. Erik aimerait bien retrouver cette innocence qu’il avait, antan. Mais les choses qu’il avait fait à la police … Les souvenirs de sa femme assassinée … Les mystères autour de sa fille … Ce qu’il savait auprès des déicides.

Non, tout cela hanterait trop sa vie pour qu’il retrouve un jour son innocence. Erik avait fait des choix qui avaient mené à sa vie d’homme, et ainsi lui incombaient maintenant des responsabilités. Il regarda par la fenêtre un instant : au moins, il se dit que même si la situation venait à empirer dans les mois qui suivirent, il avait eu la chance de mener une vie où il y avait des avantages. Ça n’était pas tout le monde qui pouvait se targuer d’avoir autant voyager que lui, ou d’être binational par exemple.

Quoi qu’il en soit, Erik et Midnight restèrent ainsi à se jauger un long moment, alors qu’il lui avait demandé si elle avait besoin de quelque chose. Lui soutint son regard sans peine, et enfin elle fit :

« C'est ainsi que vous vous figurez la Nuit et son milieu ? Du strass, des paillettes, des boissons... La Nuit n'est-elle que débauche pour vous ? Ne peut-elle être autre chose ? Il n'y a pas de bonne réponse à donner... La Nuit a beaucoup de visages, en vérité, même à l'ère moderne. Elle en a eu des centaines de milliers à travers les siècles... »

Erik eut encore une fois un air plutôt surpris. Une discussion philosophique sur la Nuit et sa représentation à une heure avancée de la journée, après une soirée bien arrosée, vraiment ? Il ne s’attendait pas à avoir ce genre de discussions, ou du moins pas encore avec sa nouvelle patronne. Qu’il trouvât bien insistante sur la Nuit par ailleurs. Mais il tentât malgré tout une réponse :

« Disons que cette Nuit-là, je me la figure comme cela. Je ne connais pas tous vos collègues, mais je me doute fort qu’une majorité d’entre eux ne vont pas profiter de la nuit pour faire une méditation au clair de lune, admirer les étoiles filantes, ou bien faire une petite lecture calme sur une terrasse en pleine campagne. Mais peut-être que vous vous avez une idée différente de celle-ci après tout. Vous les connaissez mieux que moi. Qu’en pensez-vous ? »

Erik avait vu bien des stars et autres célébrités de ce monde s’enjouer dans des discothèques diverses et variées pour avoir ses préjugés sur la question. Mais là encore, mis à part Midnight, il n’avait pas vraiment côtoyé de personnalités influentes, et ce que l’on pouvait voir sur les différents réseaux sociaux et à la télévision était loins d’être leur vie quotidienne, alors …

Plutôt que de s’embourber là-dedans, il prêta cependant oreille attentive au reste des informations que lui transmis sa patronne :

« Tout s'est passé comme cela devait se passer. Vous n'avez rien loupé... Mais ces excès ne sont pas forcément au goût de tous ceux qui jouent le jeu de la représentation. Les sollicitations constantes, l'exposition... »

Erik eut un petit sourire. Elle, timide et détestant la représentation, les sollicitations et l’exposition ? Vraiment ? C’était assez paradoxal, surtout compte tenu des on-dit qui circulaient à son sujet. Le jeune Christensen lui fit la remarque :

« Alors vous êtes plutôt … timide ? Ou du moins introvertie. C’est plutôt curieux, pour quelqu’un qui semble se faire adorer de son public, et où tous les soirs on porte un toast à elle lors des soirées organisées dans vos clubs, non ? »

Erik eut un nouveau sourire, avant de fredonner une chanson du groupe Living Colour, qui était également la musique d’entrée d’un de ses catcheurs préférés. Malheureusement, il avait pris sa retraite des rings.

« Look in my eeeeyes, what do you see ? The cult of personnality ! »

Il ria cette fois. Avant d’ajouter :

« Je vous ferais grâce d’un concert privé. Mais je dois vous avouer que c’est amusant de vous penser si mondaine et adorée d’un côté … Et de l’autre côté de vous voir comme cela à présent. Mais j’imagine que tout le monde a son jardin secret. Et c’est gentil de votre part, de vous confier là-dessus. »

Erik s’arrêta un petit peu, faisant un nouveau sourire à sa patronne. Une divinité aimerait-elle qu’on la laisse tranquille, même si elle avait de nombreux fidèles ? Le jeune Christensen se posa la question. Après tous, les clowns tristes devaient peut-être exister en tous les domaines.

Midnight finit par lui retourner sa question sur quelque chose qu’il aimerait faire une fois à l’hôtel ou même avant d’y aller. Le franco-norvégien passa une main sur sa barbe, semblant réfléchir. Après quelques instants, il fit finalement à sa patronne :

« Je ne pense pas avoir besoin de quelque chose à l’hôtel tout particulièrement… » Il s’arrêta un instant, regardant Midnight. Il semblait garder quelque chose sur le cœur, puis il fit finalement : « En vérité, cela peut attendre un autre jour, mais si nous avons un peu de temps avant de partir, j’apprécierai tout particulièrement déguster une glace au Maple Walnut . On n’en trouve des très bonnes qu’au Canada et aux États-Unis, et j’aimerai profiter de l’occasion pour en manger une. »

Erik eut un petit sourire avant d’ajouter :

« C’est moins glamour que de passer la soirée dans une salle de réception avec champagne et petits fours à volonté j’en ai bien conscience. Et si vous avez mieux à faire vous n’êtes pas obligé de m’accompagner. Mais voilà en tout cas un de mes objectifs, avant de partir. »

Bien sûr, New-York était une ville assez riche pour qu’Erik puisse se divertir à l’idée de faire bien des choses, mais le franco-norvégien garda un esprit professionnel : après tout, il n’était pas là en vacances, et n’avait certainement pas le temps d’aller voir un match de basket, visiter des musées, aller à des concerts … Et surtout pas avec sa fille encore jeune dont il devait s’occuper. Alors quitte à faire quelque chose de simple, Erik avait choisi ce petit plaisir là, qui lui rappelait des vacances en famille.

Le garde du corps fit finalement à Midnight :

« Si vous avez besoin d’un peu de quiétude, au moins, pourrais-je mettre le petit panneau « ne pas déranger » sur votre chambre ? » Avec un petit clin d’œil, signe qu’elle ne lui avait pas encore répondu à sa question.

Sujet: Re: Un gala en vaut bien un autre Lun 7 Nov - 17:14

Durant ses nombreux millénaires d'existence, il y a une chose qui est restée constante, chez Midnight. Sa fréquentation. Elle s'est toujours entourée des mondains esthètes, tout autant que leurs comparses, et autres artistes sans le sou. Le fait que la caverneuse créature s'est toujours bien mieux entendue avec les philosophes et les penseurs, qu'ils soient de haute ou basse extraction, qu'avec les belliqueux et orgueilleux. A sa façon, elle avait donc toujours été intégrée aux grands de ce monde, sans jamais se fondre totalement dans la masse, gravitant autour, telle un électron libre. C'était toujours une surprise pour les mortels de ce rendre compte que ce genre de paradoxes existent, qu'on peut graviter autour de quelque chose sans jamais se fondre totalement dedans, sans qu'il n'y ait quoi que ce soit de mal à cela. Les charges électriques, si elles ont un signe, ne sont pas manichéennes. Pourquoi serait-ce le cas ici ?

Erik fait rire la déesse, avec sa chanson, et pétiller ses yeux de malice. « Ou alors... » Elle oppose. « Ou alors, vous avez l'esprit tourné d'une façon très particulière, Monsieur Christensen... Il n'y a rien de mal à porter un toast à l'hôtesse et maîtresse de cérémonie... En vérité, ce n'est pas un, mais deux toasts que je mériterai ! » Ouh... Nyx qui s'enhardit à faire de l'humour... On sent le manque de naturel dans la pratique, à laquelle elle ne s'adonne, manifestement, jamais... Comme le dirait un certain philosophe de notre temps... Il y a de l'idée, mais ça tombe à plat. N'importe, ça suffit à lui changer les idées et à alléger son esprit. Comment un homme pouvait-il être aussi pertinent et impertinent à la fois ? Cela étant, toute plaisanterie mise à part, ce qu'il en dit est assez troublant pour la patronne. Se doute-t-il de quelque chose ? Le cas échéant, parlerait-il ? Est-ce qu'il la confronterait, d'abord ? Voilà qui promettait d'être intéressant.

Dans un cas comme dans l'autre, Nyx n'attend que l'éveil des consciences. Si l'une de ses frasques y conduit, elle est parfaitement prête à l'accepter. Cela étant, ajouter Erik à l'équation pourrait y mettre une minuterie, une minuterie subtile, qu'elle pourra peut-être accélérer ou... Suspendre ? Le tout était de savoir ce qu'il savait vraiment, ce qu'il pensait vraiment... Voilà un nouveau « jeu » qui se dessine dans l'esprit parfois trop longtemps oisif de la déesse de la Nuit... Percer à jour ce mystérieux géant blond. Voilà qui promet.

Et, pour que ça soit un petit peu amusant, il faut que, de son côté, il apprenne lui aussi à la connaître. Si l'instinct de Nyx est correct, il sent poindre sous peu le nuage d'un lourd dilemne au-dessus de la tête du blond, et la déesse est impatiente de voir comment il va l'affronter, et comment il en ressortira. Ses calculs préambules tendent vers une révélation majeure. Ne rebondissant pas sur le sujet de la porte d'entrée de son jardin, elle rit plutôt un peu au souhait émis par son compagnon forcé. « Une glace, ça me semble parfait. Vous pouvez l'indiquer au chauffeur. » Une façon subtile de remettre, juste un rien, la situation claire par rapport à leurs rôles respectifs, mais en même temps, la déesse a le visage de radieux de celle que ça amuse... Le pauvre Erik n'est pas au bout de ses peines !

« Est-ce une invitation à vous enfermer dans une chambre avec moi, Monsieur Christensen ? » Elle lui demande, alors que la voiture change pesamment de direction pour suivre celle du glacier Maple Walnut le plus proche. Son sourire en coin ne laisse aucun doute, elle le taquine ouvertement. « Dîtes-moi, Erik... Que croyez-vous qu'il ait mieux à faire que vivre ? » C'est une vraie question, que la déesse se pose par rapport à la façon dont il avait valorisé le gala face à quelque chose de plus modeste, mais de tout aussi attrayant. Sauf que, pour Nyx, la vie, c'est précisément ce que lui propose Erik à cet instant. Manger une glace out of the blue, en tenue de gala à une heure avancée de la Nuit... C'est pour ce genre d'élans spontanés et sans sens qu'elle a été créée... C'est pour insuffler ce genre de liberté aux cœurs doux, cet espoir vain que l'aurore ne se lèvera jamais, et en même temps la peur dévorante de la voir arriver, et de briser l'aura si douce de la Nuit... Nyx est ravie. Plus ravie qu'elle ne l'a été depuis... Une éternité.

» Toujours là l'un pour l'autre
» J’attendais ma tante et j’ai trouvé un autre dieu !
» Divine Meduna •• Au Choix •• Autre relation •• Katherine McNamara (Négociable)
» Humain •• Nom au choix •• Autre relation (chasseur/proie) •• Charlie Hunnam (Non-négociable)
» Poppée Anquetil - La mort vous va si bien