Tourments. [Intrigue III - Terminé]

… le ministre des finances aimerait également vous rencontrer. Dois-je lui libérer une place pour les prochains jours en annulant un autre rendez-vous ou voulez-vous qu’il patiente ? Je me stoppe un instant dans la signature de paperasse qui n’en finit pas. Nouvelle assistante = question stupide. Pourtant, pourtant, elle semblait si brillante… Sur le papier du moins. Je ne l’avais pas vu, je n’en avais pas eu le temps. J’avais laissé un subordonné faire passer les entretiens à une poignée d’humain que j’avais sélectionné. Je le savais pourtant bien depuis le temps : on est jamais mieux servi que par soi-même. Je retiens un soupir pour lui offrir un léger sourire. A votre avis ? elle s’empourpre et détourne le regard. Elle est jolie, mais pas efficace. Les dossiers souffraient d’un retard monstre. Elle ne savait pas filtrer les appels et gérer un agenda n’était pas non plus dans ses cordes. … Je…. Je me lève de mon bureau pour avancer vers elle.  Ecoutez Madame Brunet, je ne doute nullement que vous êtes compétente (non) mais j’ai l’impression que ce travail n’est pas fait pour vous. Je vois bien que vous êtes en peine. Vous ne manquez pas de motivation, et de bonnes volontés malheureusement, avec les derniers évènements, je n’ai pas le temps de vous former à ce poste. Je vais demander à Claudine de s’entretenir avec vous d’ici la fin de la journée et vous proposer un emploi plus épanouissant et adapté à vos capacités. En attendant, pourriez-vous demander à Amalia Robert de venir ? Elle prendra votre relais. Son bureau se trouve au troisième étage, deuxième porte à gauche, le numéro 359. Des larmes perlent au bord de ses yeux mais au moins se fait elle violence pour les retenir. Je lui indique la porte d’un signe de main doux, et la regarde sortir. Une fois assuré qu’elle ne peut plus m’entendre, je pousse un soupir digne du plus blasé des hommes, ce que je suis, au passage. Amalia est la secrétaire de l’un de mes délégués. Il ne sera pas heureux que je la débauche mais, étant ministre, j’avais la priorité. Efficace, silencieuse – quelle idée de porter des talons qui font un bruit monstre ?? -, elle saura prendre la suite le temps de retrouver quelqu’un d’autre.

La marche de l’empereur me tire de mes réflexions. La morveuse a encore fait des siennes. J’hésite un instant avant de décider de laisser sa grand-mère maternelle tomber sur mon répondeur. J’ai un boulot monstre et je n’ai pas le temps d’arbitrer leurs querelles. De toute façon, la petite aura gain de cause, et imposera sa volonté. Elle a appris à bonne école après tout. Je regagne mon bureau mais un nouveau son met à mal mes objectifs. Je sors un second téléphone portable et me fige quelques instants en lisant le contenu. Cette fois ci, je n’hésite pas un instant. Je décide de tout laisser derrière moi pour m’habiller. Manteau, écharpe, bonnet. J’indique à Amalia en sortant du bureau qu’une urgence familiale m’oblige à partir mais que je reste joignable. Elle ne pose pas de question Amalia. Elle hoche la tête et ouvre mon agenda pour voir si elle doit décaler des rendez-vous. Ah, et pourriez vous prendre rendez-vous avec… C’est déjà fait monsieur De Villiers Vous êtes la meilleure. Et, nous en avons parlé, vous pouvez m’appeler « Edouard » C’est noté monsieur De Villiers Efficace, professionnelle, parfaite. Oui, je pense que je vais la garder à mon service et tant pis pour ce vieux con de Blondelle.

Il me faut une bonne vingtaine de minutes pour rejoindre La Dame de mon jeu d’échec. Une panne de métro m’oblige à louer une trottinette. Je la vois, au loin, adossée à la fontaine. Je pose l’engin, puis me faufile dans une ruelle déserte pour revêtir le visage qu’elle me connait. Mon apparence de Ministre attirera bien trop l’attention. Je pourrais la surprendre mais je ne le fais pas. Son message est inquiétant alors je me dirige droit vers elle, face à face pour qu’elle puisse me voir arriver, fixant son visage pour ne pas louper ce qu’il me dirait sur elle. Queen. Que se passe-t-il ? Je n’y vais pas par quatre chemins. Son SMS indiquait qu’elle se sentait acculée, en danger. Or, il n’était pas question de perdre du temps et de perdre la Reine.

Elle hésite. Cela se voit. Je ne sais pas pourquoi je suis ici, mais je sais que cela est important. Elle n’est pas aussi sereine qu’à son habitude. Baba Yaga est une créature inspirant la peur et non pas la ressentant. Mon esprit tournait à plein régime et avant qu’elle ne le dise à voix haute, je devinais que c’était l’une des divinités de son panthéon qui était morte. Qui ? La réponse arriva très vite. Lada. Une déesse, pacifique et bénéfique, même si nous l’étions tous. Notre existence même avait été créée par les humains pour répondre à l’un de leur besoin. Jadis, elle était aimée, et sans doute des plus protégées. Si Teutatès incarnait le Père des Celtes, Lada, elle, était la Mère des slaves, une Mère affaiblie mais une Mère qui devait être protégée non ? Je ne m’étais jamais vraiment intéressé à son cas mais cela restait inquiétant, plus qu’inquiétant même. Le panthéon Slave souffrait bien plus du manque d’intérêt des humains… Et justement il aurait donc dû être plus protégé car moins connu. La chasse sauvage était ouverte et ne pas savoir qui tirait les ficelles me posait un véritable problème. Je voulais voir l’extinction de bien des Dieux mais de ma main et parce que j’estimais que cela était nécessaire. Être une potentiel cible n’était pas une position que j’aimais occuper. Et pourtant j’avais l’habitude, justement, d’occuper les plus basses positions. Il me manquait des informations. Il me fallait des informations. Et la vieille mamie en face de moi serait surement capable de m’en donner quelques-unes, une fois qu’elle aurait reprit ses esprits et sa hargne habituelle. Elle n’avait pas seulement peur, elle me semblait effrayée et cela me déplaisait. Elle était la Reine dans mon jeu, la pièce la plus forte. Elle ne devait pas tomber, ni trembler. Elle parle sans me laisser le temps de lui répondre. Je reste debout face à elle et laisse sa paranoïa s’exprimer, exorciser tout ce qui la met dans un état aussi vulnérable. Elle se stoppe le temps de boire un peu de café si mon nez ne me trompe pas et sa conclusion, sa conclusion est celle que je me suis fait quelques minutes plus tôt. Une chose à la fois. lui dis-je avant de m’accroupir devant elle pour être à sa hauteur, et qu’elle puisse me regarder droit dans les yeux, y lire ma détermination et ma force. Es-tu en danger. lui demandais-je avant de préciser. Penses-tu être en danger ? As-tu besoin d’un endroit où te replier, un endroit dans lequel on ne viendrait pas te chercher ? Des planques, j’en avais des tas, et elles étaient toutes sous ma surveillance. Si Mamie avait besoin que je la mettre dans un Ephad made in Loki, c’était plus que possible. Je vous l’ai dit, elle était ma Reine. Ne retourne pas à ton Isba. On pourrait te pister. As-tu des contacts avec les membres de ton panthéon ? Comment est morte Lama, et où ? Paris ? Russie ? Ou était-elle ? Bénéficiait-elle de protections autour d’elle ? Vivait-elle seule ? Etait-elle isolée ou au contraire chérie et protégée par ton panthéon ? Réfléchie Mémé, c’est important. Nous avons besoin d’informations. Pragmatique et calme. C’est ce dont elle avait besoin. Je posais tout de même ma main sur la sienne comme j’avais vu tant de gens faire avec les autres. Franchement réconforter les gens c’était pas mon truc. Je suis un dieu insolent et chaotique, je suis pas un putain de pacifiste de mes couilles qui pensent que les choses finiront par s’arranger d’elle-même. Non mais genre, vous avez vu quelqu’un qui fait la crève de la faim obtenir ce qu’il veut ? Bah non, mon gars réveille toi. On s’en tape mais total que tu mettre en péril ta santé pour soi-disant manifester ton mécontentement. Tu n’es pas seule Mémé alors tranquilise toi. Je ne laisserais pas quelque chose t’arriver… que je n’ai pas souhaité pour toi

J’écoute ce que Dréna m’indique et je hoche la tête avant de sortir mon téléphone. Je fais défiler plusieurs fois l’écran jusqu’à trouver ce que je recherche. Je lui envoi par sms des coordonnées géographiques, cinq fois de suite. Tu pourras te réfugier si besoin à cette adresse là. Tu prends le premier chiffre du premier sms, le second chiffre du second ect. Et tu recommence en prenant le 6ième du premier sms ect jusqu’à obtenir la série de 15 chiffres de coordonnées. Ne les donne à personne Mamie. SI tu viens à y aller j’aurai une alerte et je saurai que tu coures un danger. J’étais généreux avec elle, comme je ne l’étais qu’avec mes enfants. Je lui faisais une belle faveur mais ce n’était pas non plus totalement gratuit. Je l’aidais et je m’assurais aussi de sa fidélité. Lorsque j’aurai besoin d’elle, elle répondrait présente. Lorsqu’elle me parle d’une personne fiable, je réfléchie un instant et lui indique. Ne lui parle pas de note collaboration. Garde notre alliance secrète pour l’instant. Notre ennemi peut se trouver dans les rangs des tiens. Et plus une information est connue, moins elle est susceptible d’être un joker dans notre manche. J’étais un dieu méfiant et je ne faisais que difficilement confiance. Je n’aimais pas l’idée qu’elle entraine avec elle une autre personnalité mais d’un autre côté, cela la protègerait et multiplierait les possibilités d’obtenir des informations. Et nous en avions besoin, pour frapper fort et dur. Je doutais que les Celtes soient à l’origine de ses meurtres. Ils n’étaient pas assez futés pour cela et je les surveillais étroitement. Mais qui alors ? je n’en avais aucune idée et cela me dérangeait énormément, bien plus que je n’étais prêt à l’admettre. Je hoche la tête et lui dis Tiens moi au courant. SI tu as besoin de moyens, dis-le-moi et je verrais ce que je peux faire pour toi. Sois prudente Mamie. On se recontacte bientôt Je lui fis un signe de tête pour la saluer avant de la laisser.