Constanza (+) Hira de la luna

HIRA DE LUNA

La fille de la lune est née au cœur de l’empire inca, Cuzco, sous le règne de l’empereur Viracocha Inca. À l’époque la cité n’était encore qu’un petit village, mais la naissance de jumeaux bénis des dieux et d’un héritier tempétueux participeront à l’édifice d’une cité qui, aujourd’hui, fait le bonheur des grands historiens et architectes. Pour en revenir à Constanza et son frère jumeau, Nayati, ils sont nés au XVe siècle, emportant la vie de leur mère en les mettant au monde. Kwanita était une grande et favorite prêtresse de la déesse Mama Quilla, mais celle-ci ne put intervenir en plein jour pour venir en aide à Kwanita, au lieu de cela, elle bénit les jumeaux en hommage à sa prêtresse. Ils bénéficient ainsi de sa protection et de l’immortalité, que la mémoire de Kwanita vive à jamais à travers eux. Les enfants sont chéris, surprotégés, éduqués au sein du temple du soleil, déjà promis à devenir les prochains grands prêtres des divinités et sont déjà des invités de marque lors des festivités de la cité.

À l’âge de raison, Constanza fait déjà preuve d’un fort caractère à force d’évoluer au sein de la haute aristocratie, au cœur du temple du soleil, plaque tournante de l’empire, concentré de pouvoir, politique et religieux, son avenir était déjà tout tracé. Elle aime être le centre de toutes les attentions, on lui donne tout ce qu’elle peut bien demander et est promise à un grand avenir. On la considère comme la fille de la lune, au même titre que son frère, ils sont bénis par la lune et de ce fait elle est vouée à devenir la grande prêtresse des dieux, notamment de Mama Quilla. Dans le même temps, le prince se fait fort remarquer au grand dam de son père l’empereur, mais il dépasse les bornes lorsqu’il tente de séduire Constanza. Le prince est exilé, tandis qu’elle se surprend à fantasmer sur ce qu’aurait pu être leur relation. Pour une fois, elle n’obtient pas ce qu’elle veut, ce qui éveille une certaine hargne, finalement ne serait-elle pas l’esclave de la civilisation plus qu’un intercesseur.

Convoitée, elle devient trop belle pour prendre le risque que d’autres hommes jettent leur dévolu sur la beauté. Cet épisode et la puberté lui valent d’être surprotégé à l'excès, enfermé dans le temple du soleil pour y parachever sa formation de grande prêtresse. Pour seule compagnie les acllacuna, vierges choisies, on l'autorise à revoir son frère, mais c’est surtout la compagnie de Mama Quilla qu’elle attendait avec le plus d’impatience. Seulement, elle veut goûter à tout, vivre comme tous, pas seulement choisir les sacrifiés et officier les rituels ou être la messagère des dieux. Constanza perdait de son éclat, dépérissait à l’abri du temps du soleil.

Jusqu’à ce qu’elle reçoive un message des dieux, les chancas, peuple guerrier plus au nord, mobilisent leurs forces pour attaquer leur cité. Elle prévient l’empereur, ce dernier choisit de fuir la capitale, elle ne tente pas de l’en dissuader, connaissant déjà le dénouement. Il a été choisi des dieux, le fils de l’empereur n’est pas capable d’abandonner la capitale aux mains des chancas et réunit autour de lui les plus courageux pour mener une bataille victorieuse malgré leur infériorité, les dieux sont à leurs côtés. Après cela, l’empereur abdique en faveur de son fils qui se fait renommer Pachacutec. Au lieu de la faire enfermer au temple du soleil, il choisit de la garder à ses côtés en tant que grande prêtresse, intercesseur des dieux et conseillère. Le neuvième Inca entame alors une expansion fulgurante de l’empire inca.

Elle y prend goût, Constanza, au pouvoir dont elle abuse, la convoitise qu’elle répand dans son entourage. L’empereur l’encourage, son frère la met en garde. Belle, audacieuse, puissante, elle s'investit dans l’expansion de l’empire, glisse à son empereur d’être un aussi bon conquérant sanguinaire que réformateur. Elle voit s’ériger les plus grands monuments incas, temples, forteresses, citadelles et le célèbre Machu picchu. Son physique reste inchangé, la jeune femme reste figée dans la fleur de l’âge, comme son frère chaman, ce qui prouve aux Incas la puissance des dieux, l’immortalité offerte par la grande déesse Mama Quilla. Elle fait bâtir de nombreux temples à l'effigie des dieux, récolte les innombrables offrandes, officie les rituels, les festivités et les sacrifices.

Elle sait qu’elle pourrait détrôner l’empereur si tel était son désir, mais il est bien plus amusant de tromper son monde. La prêtresse tient les hommes sous sa coupe, elle sert les intérêts des Incas, malgré tout attaché à leur cause. Elle suggère à son empereur le choix de son héritier, loin d’être son premier fils qu’elle estime trop effacé contrairement à Tupac Yupanqui, son fils cadet, qui s’illustre de ses nombreuses campagnes militaires. Constanza reste dans le sillage des empereurs dont chaque conquête alimente sa soif de pouvoir. Elle trouve son égal auprès de Tupac, lui susurre un territoire jusqu’alors insoumis, l'Amazonie, et se lancent ainsi à la conquête de cette forêt dense aux tribus hostiles. Un échec cuisant, première déroute de l’empereur Yupanqui, mais Constanza y trouve son compte. Le Dieu de la mort et de la cupidité, Supay.

THE ORIGINS OF A CREATURE

Supay devient rapidement une obsession, elle se fait assez régulièrement des décoctions de coca pour le retrouver. C’est parfois lui qui vient la voir dans ses rêves, il se présente même à elle une fois. Ils s’attirent, indéniablement. Il perçoit en elle la cupidité et elle voit en lui le pouvoir. Une nuit endiablée avec lui et elle hérite d’un pouvoir stupéfiant, sans mauvais jeu de mots. Mal aimé de ses compères, il réclame son lot de sacrifices. Tuer n’est pas une nouveauté pour elle, elle présidait les rituels et exécutait les sacrifiés, mais ceux-là furent bien différents. Son regard les pétrifie, elle a alors tout loisir de voir la vie quitter leurs yeux pendant qu’elle déchire leurs entrailles. Le premier d’une longue série, crimes qu’elle commet toujours de jours, lorsque Mama Quilla ne peut le voir.

Le pouvoir de Constanza se renforce, sa place de grande prêtresse lui confère un certain atout, adulée pour son immortalité, preuve humaine de l’existence divine, elle bénéficie de la protection de la déesse de la lune, est pour ainsi dire intouchable et son influence déterminante auprès des empereurs. Sa parole est celle des dieux et prédit que le XIIIe empereur sera le dernier, à raison, tandis que Cuzco devient le théâtre de nombreux complotistes à l’égard de Tupac, elle y voit un sacrifice plus grand pour son dieu Supay et l’empoisonne, bien sûr, personne ne songe à accuser la grande prêtresse tandis que son fils Huayna prend sa succession.

Seulement, le nouvel empereur choisit de s’éloigner de la capitale, méfiant à l’égard de ses sujets et de Constanza qui, dans l’ombre, nourrit la discorde au sein de la capitale. Plus il y a de contestataires, plus elle peut en sacrifier sans qu’on ne l’accuse, mais Constanza voit disparaître son influence en même temps que l’empereur. Toutefois, les sacrifices se multiplient et le dieu, satisfait, est prêt à lui offrir un second pouvoir, mais au lieu de s’encanailler, il la torture une journée durant. Constanza en ressort extrêmement éprouvée et affaiblie, son frère jumeau la récupère à l’entrée de la cité, mais son corps subit des changements. Il est témoin, horrifié, de la première apparition de sa sœur en monstre, une créature au corps longiligne, gigantesque serpent ailé dont le sifflement résonne à travers la cité. L’histoire gardera à jamais cette apparence pour désigner la créature.

Cette nuit-là, elle pétrifie quantité d’habitants avant de se repaître d’eux. La créature sème la désolation jusqu’à l’arrivée de Mama Quilla, prévenue par quantité des femmes priant sa venue avant d’être sacrifiée au bénéfice de Supay. La créature reste insaisissable et prend la fuite. La créature vient de naître, la Peuchen. Elle retrouve une apparence humaine bien plus tard, isolée, et pourchassée, elle prie son dieu pour qu’il lui vienne en aide, mais ne se manifeste pas. La déroute de Constanza ne dure pas bien longtemps avant de retrouver ses esprits, elle se met alors en quête de sa nouvelle liberté et son nouveau pouvoir de métamorphose qui lui permet de prendre n’importe quelle forme, n’importe quel visage et de s’installer quelque temps dans une cité, puis une autre. Chaque fois, elle y commet de nombreux sacrifices, mais Supay lui reste toujours inaccessible malgré ses prières.

Constanza commence une vie de paysanne, ou de prostitution, elle séduit les hommes en leur promettant son corps, les pétrifie avant de s’emparer de leurs bourses et de les tuer. Parfois, elle vend ses services aux nobles en quête d’informations, son pouvoir de métamorphose lui étant bien utile pour espionner. Le dénouement reste toujours le même, clients ou employeurs, tous meurent tandis qu’elle se remplit les bourses de leurs richesses. Elle ne tarde pas à subvenir à ses propres besoins, traverse les nombreuses cités de l’empire incas en y laissant toujours un fossé de cadavres, elle termine en laissant une trace indélébile de sa présence en prenant l’apparence du Peuchen pour y pétrifier les habitants. Supay toujours introuvable, sa cupidité fait son œuvre et l'ambition de devenir elle-même une déesse. Elle jouit d’une certaine réputation désormais et n’aurait aucun mal à se faire passer pour une déesse.

Dans l’intention de parachever son œuvre, elle entend parler d’un homme qui se prétend être le Peuchen, au centre de Cuzco. Furieuse que l’on puisse s'approprier son identité et ses actes, Constanza tombe dans le panneau et rejoint sa cité d’origine pour la détruire totalement, à l’instar du Machu picchu. Elle y commet des ravages sans précédent, mais tombe dans le piège tendu par son propre frère associé aux dieux, dont Inti et Mama Quilla. Ils la capturent, la torturent pendant des semaines pour obtenir le nom du dieu qui lui a offert ses pouvoirs, consciente qu’elle fait aussi souffrir son frère et Mama Quilla à travers les tortures qu’elle subit, plus par fierté que par loyauté, Constanza ne crache pas le morceau. Belle et terrible, jusqu’au bout, à en crever. Du moins, c’est ce qu’elle pense. Ils ont attendu une éclipse lunaire, deux astres ainsi exposés et haut dans le ciel les pouvoirs d’Inti et Mama Quilla à leur apogée, ils maudissent leur bien-aimée prêtresse. Condamnée à ressentir les souffrances de ses victimes en se nourrissant de leur sang, à ne jamais assouvir son avidité, ils ont lié ses pouvoirs au cycle lunaire, faisant d’elle une humaine vulnérable lorsque Mama Quilla est puissante.

Bannie de l’empire Inca, Constanza pense qu’il aurait été préférable de mourir, jusqu’à réaliser qu’elle peut être encore plus terrible et entamer sa vengeance. Huayna vient d’être emporté par une épidémie de variole importée des Espagnols, elle y voit une occasion et part à leur recherche. Ils la font prisonnière, privée de source de nourriture, de sang, elle s’affaiblit de jour en jour et la communication n’est pas simple, mais Pizarro semble s’intéresser à son cas et la tire de la maltraitance que subissent les autochtones. Petit à petit, elle apprend la langue espagnole et ne tarde pas à lui communiquer tout ce qu’il a besoin de savoir pour détruire l’empire inca. Possédant plus de liberté, elle reprend son cycle meurtrier, surtout des femmes pour atteindre Mama Quilla à travers elles, mais souffre davantage, sa malédiction se referme sur elle, subissant chaque fois la mort de ses victimes, chose qu’elle ne peut éviter tant sa soif de sang est inextinguible. Sa seule consolation fut d’être témoin de la chute de l’Empire Inca et des Dieux jusqu’à l’exécution d’Atahualpa.

Pizarro lui avait promis beaucoup de choses, du pouvoir, des richesses, un voyage en Espagne, mais il s’est ouvertement moqué d’elle et réduite à l’esclavage, seulement, il ignorait à qui il avait affaire et la créature commis multitude d’exactions, emportée par ses pulsions. Pizarro souhaite en faire un exemple et l’exécuter en bonne et due forme en avouant à tous qu’elle est la traîtresse qui leur a permis la victoire sur l’empire. Elle doit sa survie grâce au soulèvement orchestré par Manco Capac et son intervention. Trahie par les Espagnoles, elle parvient à s’échapper de leurs camps, elle n'a plus qu’une seule échappatoire, se fondre dans la masse, disparaître. Survivre. Seulement, c’est sans compter sur son frère jumeau, Nayati, élu des dieux avant leur chute pour éliminer la menace qu’elle représente toujours, en sa possession une arme capable de la tuer définitivement. Constanza doit sans cesse être en mouvement, son frère toujours sur ses traces. Elle cherche en permanence un moyen de s’en protéger en se faisant une place auprès des Grands du Nouveau Monde, mais ses ambitions finissent inlassablement par se retourner contre elle.