Moïra Flaherty - La Morrigan

Cette nuit, Cu Chulainn et elle sont en repérage après des investigations de 3 jours pour retrouver la cible. Cette dernière, fille d’un député, paie les frais des projets de son père qui déplaisent à la mafia locale. L’homme politique avait donc fait appel à la partie illégale de sa société plutôt que d’accorder sa confiance à une police corrompue. Un service qui coûte la peau des fesses, mais d’une redoutable efficacité. Une dizaine de mercenaires, une divinité et un maudit immortel, ça joue énormément en leur faveur et leur réputation se développe de jour en jour. Au même titre que la partie officielle de sa société militaire privée qui l’oblige à engager des militaires en permanence à l’échelle internationale. Voilà plusieurs décennies qu’elle a créé sa SMP, secondée par Cu Chulainn et Laetitia, une banshee, en Irlande. Aujourd’hui, des succursales sont implantées aux quatre coins du monde. Une réussite professionnelle qu’elle doit principalement à ses bras droits.  

Un croassement brise le silence de l’obscurité nocturne, un appel, une confirmation. La cible est bien là. Les ailes de la corneille s’activent pour aller retrouver son acolyte à plusieurs mètres du bâtiment. L’homme est concentré, le regard vissé aux jumelles, tandis que la déesse pose ses serres sur son épaule et sautille le long de sa colonne vertébrale jusqu’au sol, d’où elle entame sa métamorphose. C’est indolore et instantané. Le corps, parcouru de quelques fourmillements, retrouve son apparence humaine. Il était un temps où sa magie lui permettait de parer sa nudité de vêtements, désormais, elle doit avoir ces derniers à portée de main et s’habiller par ses propres moyens. Si le déclin de ses pouvoirs a eu quelques effets bénéfiques sur la dégradation de son état mental, elle regrette quelques petits tours de sorcellerie.

Désormais vêtue, la divinité s’allonge sur le dos et patiente à l’instar de son voisin qui poursuit sa surveillance. Les yeux clos, le visage offert à la brise automnale, elle profite de la sérénité du moment et ils sont rares ces moments. Elle étend les tentacules de son lien psychique avec son voisin, en quête de l’apaisement qui résulte de sa patience et sa concentration sur sa surveillance. Ils sont seuls, aucun hurlement de banshee pour briser leur tranquillité, ni une à proximité pour modifier l’état d’esprit de Morrigan. Juste la divinité et son maudit. Elle perçoit que l’humain partage volontiers son bien-être et s’y love comme un chaton prêt pour la sieste.

A l’orée du sommeil, un bouleversement cosmique lui empoigne les entrailles et chamboule l’équilibre. Le souffle coupé, la divinité se redresse et sent aussitôt les mains de Chulainn sur elle, elle perçoit le néant, l’obscurité, la fin, la Mort lui étreint le cœur, mais son hurlement est bien vigoureux et affole chaque être vivant à proximité. Puis le retour au calme, si l’on peut dire, quoi qu’il en soit la divinité reprend ses esprits, sa respiration et ses sens, entourée des bras du maudit. Qu’est-ce que c’était ? Il l’a senti aussi, à travers elle. Le souffle de la Mort, comme s’ils trépassent eux-mêmes. La Mort, un Dieu est mort. Le silence retombe entre eux, sous le choc, elle en a la certitude sans savoir comment c’est possible.  

On ne bouge plus ! Tout perturbés qu’ils sont, ils n’ont pas entendu les humains qui s’approchaient, sans doute alertés par son cri. Tous deux s’exécutent, des canons de leurs armes braqués dans leur direction. Un sourire carnassier déforme les lèvres de la Morrigan, passé la surprise de la mort tragique d’un compère, l’adrénaline fait vibrer son corps. Un besoin viscéral de disloquer des os et faire couler le sang s’empare d’elle, l’appel de la vengeance. Elle attend qu’ils soient dans son champ de vision et passe à l’action sans sommation. La divinité guerrière n’a nul besoin de prévenir Chulainn, liés depuis des siècles, ils agissent à l’unisson et le carnage débute. Violent, sanglant, rien n’est laissé au hasard. Aucun survivant. Sauf la petite humaine, à qui ils ne laissent pas l’opportunité de voir les visages de ses sauveurs. Ce n’était pas le plan initial, mais l’improvisation leur convient totalement, emportés par l’appel du sang.

Tu es sûre de toi ? Demande Chulainn plus tard. L’aube est levée et l’adolescente a retrouvé son père qui s’est empressé d’effectuer le règlement de la mission des mercenaires. La divinité et le maudit sont débarrassés du sang et soignent mutuellement leurs blessures, rassasiés de leur petite bataille contre une demi-douzaine d’hommes de main mafieux. Certaine. On doit déterminer qui, et comment. Son regard se perd dans celui du maudit, elle y aperçoit de la crainte, mais aussi de l’espoir. Ils existent depuis si longtemps, trop longtemps peut-être pour trouver encore une quelconque raison de vivre ?

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