La vérité est ailleurs [Intrigue I - Terminé]

La corneille volette entre les bâtiments du quartier Faubourg, oiseau noir parmi tant d’autres, insignifiant au regard des humains. Le ciel est dégagé, l’obscurité de la nuit est tombée depuis 2 heures, elle a attendu que la majorité des employés quittent les bureaux pour entreprendre le court voyage de sa succursale aux locaux d’Interpol. L’oiseau se pose sur un bâtiment d’en face, éparpillant par la même un groupe de pigeons, et observe les mouvements. Elle ressent la source de pouvoir divine, il est là, et il sait qu’elle est là. Le bec se lève vers le ciel et laisse surgir un croassement, un rire.

La Morrigan reprend son envol et passe devant les fenêtres de la salle de réunion dans laquelle Teutatès se trouve, histoire de le narguer un peu. Une fenêtre entrouverte par l’équipe de nettoyage et la corneille s’infiltre dans le bâtiment. Elle sait où se rendre, le plus compliqué c’est de rester discrète étant donné qu’un oiseau dans les locaux a toujours tendance à éveiller la panique jusqu’à ce que l’oiseau soit éjecté. Les employés se protègent le visage, de crainte que le corbeau leur lacère la peau de ses serres et c’est partie pour la chasse à la volaille.

La déesse s’amuse comme une folle, au sens littéral. Avec ça, Teutatès ne peut pas se tromper sur sa présence. Elle perçoit l’hilarité de Chulainn qui partage son amusement au travers de leur connexion, même s’il est en train de gérer les affaires de la SMP à quelques mètres de la. Elle entame une partie de cache cache, leur laisse parfois l’opportunité de croire qu’ils vont l’attraper avant de s’envoler à nouveau. Et termine par vraiment se cacher jusqu’à ce qu’ils pensent que l’oiseau est ressorti et se remettent à leurs affaires.

Quelques minutes plus tard, l’oiseau trottine sur ses deux pattes jusqu’au bureau qui l’intéresse, celui du celte. Personne à l’intérieur, elle s’y enferme et commence à parcourir les dossiers. On pourrait qualifier ça d’espionnage, Chulainn lui avait suggéré de chercher si Interpol avait un dossier sur eux, mais elle ne trouve rien parmi les dossiers en cours. Du moins, rien sur la SMP et la branche illégale, ce qui ne signifie pas qu’ils n’ont rien, par contre, elle tombe sur ce qui l’intéresse. Elle rit sous cape en découvrant qu’il mène l’enquête sous couvert de trafic d’art.

L’oiseau éparpille minutieusement les feuilles sur le bureau pour avoir une vue d’ensemble et parcourir ce qu’il a découvert. Une partie des documents sont en Norvégien, mais ce n’est pas un problème de traduire, on ne vit pas des milliers d’années sans apprendre les langues. Un peu plus loin, Chulainn commence à s’énerver sur une affaire sans qu’elle en connaisse les détails, ce qui joue forcément sur l’humeur de la Morrigan. Elle lit sans vraiment traduire, relit en essayant de comprendre, mais perd patience.

Dans ces conditions, il est déjà trop tard lorsque la porte s’ouvre sur un dieu. Dans un sursaut, l’oiseau prend son envol et se place hors de portée sur une armoire. Ce n’est pas comme s’il ignorait qu’elle se trouvait dans le bâtiment, mais il pouvait légitimement s’interroger sur la raison de son remue ménage. Elle croasse une interrogation et le fixe d’un œil, le crâne penché, prête à déguerpir par la porte entrouverte s’il le faut.

Il est tard. Les réunions s’enchaînent. Et toujours ce sentiment obscur de danger et de vulnérabilité qui m’obsède. Depuis que les lèvres de Freyja sont venues se poser sur les miennes, depuis que j’ai confié à Nailea mes doutes et mes soupçons, depuis que j’ai littéralement dû me battre contre ces forcenés à Troyes. La réunion va bon train ; je débloque des fonds alloués au département enquêtes pour aller en Norvège. J’expose, des heures durant, une somme de preuves et de faits qui me mettent sur la piste d’un énorme trafic d’art, bien réel, mais auquel j’ajoute le drame de la mort de ce vieux collectionneur norvégien pour le relier de façon un peu pratique au dossier, et me permettre d’enquêter librement sur place sur la mort d’Odin et sur son ou ses meurtriers. Je suis en train d’exposer comment ses objets ont pour certains transité dans un marché d’art illicite d’Istanbul, quand je ressens quelque chose de bien familier, qui me serre l’âme, qui m’emballe le palpitant dans un rythme presque effréné.

La folie. La détermination brute, couplée à l’instabilité chronique d’une personnalité altérée. Lorsque j’aperçois la Corneille, mes tripes se nouent. Oh, non.

Que me veut la cousine ? Je ne peux pas fuir mon exposé comme ça. Pourtant, tout au long du reste de ma présentation, je me retrouve à naviguer dans les eaux agitées de son âme tourmentée et de ce qu’elle fait naître sur son passage ; de la peur, de l’incompréhension, de la colère aussi… Quand je ne parle pas, je dois serrer les dents à m’en faire mal pour éviter à ma mâchoire de claquer, et ma main gauche, cachée sous la table ou derrière le pupitre, se remet à trembler. Une vie trop ancienne et trop pleine, un corps trop marqué, jusque dans les tréfonds de mes chairs, de toutes ces expériences du passé. Je sens son amusement sauvage, qui m’incite à réprimer un grand rire, mais je sens aussi de la curiosité. Une curiosité dévorante. Une envie d’en découdre. C’est presque charnel. Presque. C’est Morrigan. Cette brutalité et ce danger latent, cette satisfaction sauvage de réussir à dominer.

Je termine enfin ma présentation, et échange quelques instants avec deux directeurs de régions de l’Est de l’Europe pour obtenir les autorisations nécessaires à mon voyage dans les plus brefs délais, afin de ne pas laisser les pistes laissées derrière le meurtre d’Odin se refroidir de trop. Mais je donne le change. Je ne veux dénoter aucun changement de comportement, qui pourrait alterner mes collègues humains déjà troublés par l’époque que nous vivions, et je marche dans le plus grand calme d’apparence vers mon bureau… Jusqu’à en pousser la porte, m’attendant presque à voir la déesse de la guerre, ma cousine, pieds sur mon bureau et affalée dans mon siège. IL n’en est rien, pourtant je sens sa présence, et un léger bruit attire mon regard, qui se rive alors droit sur la corneille qui trône sur une de mes armoires. Je me retourne. Plus personne dans les bureaux à cette heure, mais je baisse les stores pour nous donner un peu d’intimité.

Je dévisage le volatile.

| Si tu voulais me rendre visite, cousine, tu aurais pu le faire comme tout le monde, en passant un coup de fil et en passant par la porte. Reprends ton apparence, on me prend déjà trop souvent pour le dernier des illuminés pour me voir parler avec un piaf. |

Je jette mon blouson de laine noire sur le dossier de mon siège, et regarde dans les dossiers éparpillés ce qu’elle était visiblement venue chercher.

| Toi aussi, tu as senti sa mort ? Le vieux a cané. J’aurais préféré que ça soit deux mille ans plus tôt et sous ma lame, mais ça m’inquiète autrement plus aujourd’hui. Quelqu’un s’en prend aux vieux de ce monde, Morrigan. |

Elle se prépare à décamper selon l’humeur du celte, il aurait tout à fait le droit d’être furieux. Mais tout au contraire, il l’accueille avec calme. L’oiseau penche la tête de côté et l’étudie. Il l’invite à reprendre son apparence et lui offre un peu d’intimité en baissant les stores. Une fois certaine qu’il ne s’en prendra pas à elle, le corvidé se laisse planer jusqu’au sol d’où elle entreprend de reprendre forme humaine, la forme la plus séduisante de son enveloppe humaine. T’appeler et me priver du bénéfice de la surprise ? Pour qui tu me prends cousin ? Elle ne fait rien comme tout le monde, elle ne sera pas un vulgaire mouton que représentent les humains et leur code de conduite.

Se retrouver nue ne lui pose pas problème, toutefois, elle ne se pavane pas dans son plus simple appareil devant n’importe qui et n’importe quelle situation. Pas même devant Teutatès. Sa forme humaine s’empare du blouson qu’il vient de jeter sur le dossier de son fauteuil et l’enfile. Sa tenue de fortune lui arrive à mi-cuisse, ce sera bien suffisant pour être plus présentable avant de le rejoindre devant les dossiers.

Elle n’a pas vraiment besoin de répondre à son interrogation, il sait que c’est le cas. Il ressent l’excitation guerrière de la Morrigan face à un nouveau combat, une guerre sans doute, personne ne peut tuer un dieu sans en payer les conséquences. Aucun de nous n’a réussi, on est pourtant loin d’être des novices en la matière. Elle avait affronté plus d’un Nordique lorsque les Viking étaient venus attaquer les côtes de l’Irlande, dont Odin et quelques autres divinités du panthéon. Il n’y a pas eu de plus fort, le bon côté des choses, c’est qu’il n’a pas réussi à les abattre non plus. C’était une belle époque.

Alors qui ? Comment ? Elle sait grâce aux documents que le Père des Nordiques se trouvait en Norvège, que son antre disposait de nombreux artefacts, il a toujours eu l’âme d’un collectionneur. Peut-être possédait-il même des artefacts de sa civilisation, des Tuatha de danann. La déesse soulève quelques feuilles en quête des photos de la scène de crime. Du sang, mais pas en quantité, la scène n’a rien d’un carnage, si elle n’était pas démente elle se rendrait compte que ce n’est pas normal.

Il avait encore des fidèles, son culte n’a pas simplement disparu pour l'entraîner dans sa chute. Qu’est-ce qu’elle cherche déjà ? Elle se retrouve dans la confusion lorsqu’un éclat de colère la fait tressaillir et trembler ses mains. Chulainn s’enflamme dans les locaux de leur succursale parisienne, l’humeur de la Morrigan s’assombrit en conséquence, le regard enflammé d’une violence tout juste contenue sur les photos de la scène de crime. Comment ? Répète-t-elle. Ils ne peuvent pas laisser passer l’affront. Qui ? Ils doivent les retrouver.

Je reste sur mes gardes, même si je la connais et l’estime, cette visiteuse impromptue. La Morrigan, comme elle est surnommée, est du genre très versatile, et elle peut parfois se montrer franchement imprévisible, voire dangereuse. Je ne la prendrais jamais à la légère. Déjà parce que je respectais immensément ses compétences et ses principes, mais aussi plus prosaïquement parce que nos pouvoirs étaient équivalents et qu’une bagarre entre nous, comme il avait pu y en avoir dans le passé, provoquerait des dégâts difficiles à cacher. J’ai beau ressentir quelques unes de ses émotions il est assez clair à mes yeux qu’elle est là pour une raison précise qu’elle ne tardera pas à me partager. Je ne me montre donc pas impatient, tout vient à point à qui sait attendre et c’est d’autant plus vrai en compagnie d’une boule de nerfs comme l’est Morrigan. Ma cousine me tance alors, se targue de bénéficier de la surprise et donc d’un avantage sur moi. Je ne peux pas franchement lui en vouloir à ce sujet…

J’esquisse un sourire à sa petite pique, mais fait mine de ranger quelques dossiers comme pour nier l’importance énorme qu’a sa présence et son charisme dans cette pièce. Inutile d’appesantir un regard sur sa nudité ; autant les guerriers de jadis allaient parfois nus au combat pour défier les légions des olympiens, autant les femmes étaient plus soucieuses de ce qui s’apparentait trop à leur vertu. Je ne tenais pas non plus à gêner la Morrigan, compte tenu du fait que je sentais bien l’emprise permanente qu’avait son maudit sur elle. Ils avaient un lien unique, inaltérable, et je n’étais certainement pas de ceux qui s’immiscaient au milieu d’une relation pareille.

De toute façon, je n’ai pas besoin de la regarder pour savoir qu’elle est magnifique, autant qu’elle est inaccessible. Une beauté froide et terrible, belle et tranchante comme la mort elle-même.

| Tu as sans doute raison… Tu avais bien besoin d’une petite compensation pour te hisser à ma hauteur, n’est-ce pas ? |

Retour à l’envoyeur, et avec les formes s’il vous plaît. La belle prend mon manteau de costume et elle le met, ce qui lui permet de se cacher un tant soit peu. Je bois presque son ardeur à se battre, clairement communicative. Je hoche la tête quand elle opine quant à la mort du vieux Odin, et elle interroge. Ca m’interpelle presque qu’elle se demande tout haut ce que je sais, comme si cela allait de soi. Ce n’était sans doute pas tout à fait le cas… Je la laisse feuilleter les quelques pièces envoyées par la police norvégienne, qui m’ont servi à monter mon dossier.

| Non, en effet. Ils en ont encore, des croyants. Et sans doute plus que nous. J’ai déjà rencontré Freyja à ce sujet ; ils ont été aussi surpris que nous. |

Je ressens une colère extérieure qui pourtant l’imprègne au même moment qu’elle… Ce qui me fait froncer les sourcils.

| Si tu peux transmettre mes amitiés à Chulainn mais lui demander de ne pas trop parasiter notre propre conversation, je serais ton débiteur, Morrigan. |

Je tire de mon bureau une bouteille de whisky écossais quinze ans d’âge, et deux verres que je remplis, pour en pousser un du bout des doigts dans sa direction.

| Qui et comment, je ne sais pas encore. J’y vais avec Epona, comme au bon vieux temps, je viens d’avoir l’autorisation de ma hiérarchie. J’en profiterais pour enquêter sur place. Mais j’ai besoin d’un back-up. Si c’est un coup du Dieu Unique ou des Nouveaux Dieux qui ont les dents longues, c’est peut être un piège pour attirer d’autres vieilleries comme nous pour nous y abattre. Avec Epona on peut se défendre… Mais un petit coup de main ne serait pas de refus, si tu es disponible, évidemment. |

L’appel de la guerre, elle l’entend, cela réveille une vieille passion, le sang, les combats, la ferveur, des souvenirs d’un temps oublié, quelquefois conté à travers quelques ouvrages qui croupissent dans les bibliothèques. La déesse oscille depuis peu entre l’enthousiasme et la fatigue, la vie vaut-elle encore le coup d’être vécue ? Ce combat aurait quelle utilité in fine ? Elle observe son cousin celte, Dieu de la Guerre, réduit à mettre un peu d’ordre dans son bureau. Une position qu’elle est incapable de supporter, incapable de se soumettre au monde actuel et encore moins à une hiérarchie humaine. Cette puissance d’autrefois, où est-elle passée ? Ils sont tombés bien bas.

Ta hauteur ? Son rire emplit la pièce, ils en sont encore à se chercher pour savoir qui pisse le plus loin ? Avec humour, elle note bien. Ils ont dépassé le temps ou ils se défiaient à mains nues pour le découvrir, mais il semblerait rester une certaine défiance chez Teutatès. Elle a dépassé ce stade depuis que la démence a commencé son œuvre sur sa personnalité. C’est donc avec humour, et sans réel intérêt, qu’elle met du désordre dans son bureau, ne serait-ce que dans ses dossiers qu’il vient de ranger, comme un bon garçon. La Morrigan n’aime pas l’ordre, que ce soit physique ou sociétal, elle ne peut se plier aux exigences du nouveau monde et s’amuse donc à y foutre son désordre, à n’importe quelle échelle.

Je ne suis pas télépathe cousin, t’as qu’à lui envoyer un message, on n’a pas changé de numéros dernièrement. Chulainn sait très bien où elle se trouve et avec qui, il n’est pas sans connaître les aptitudes de Teutatès, ce n’est qu’une question de temps pour qu’il se ressaisisse. Il faut dire qu’elle n’a pas particulièrement envie de faire l’effort non plus, elle adore quand son maudit est furieux, la déesse regrette seulement de ne pas pouvoir le voir de ses propres yeux, ou qu’il ne le soit pas contre elle. C’est tellement intense quand il est fâché contre elle, qu’elle s’amuse parfois à provoquer les choses et il a beau savoir qu’elle le fait volontairement et s’en prémunir, il finit toujours par craquer. Qui sait, peut-être qu’à son retour, elle attisera les braises de Chulainn.

Comme si elle était la reine des lieux, la déesse accepte de bon cœur le verre de whisky et se laisse agilement tomber dans le fauteuil du patron pour en boire une gorgée. Deux photos entre ses doigts, elle cherche encore quelque chose qu’elle ignore, elle sait juste que quelque chose cloche dans la scène du crime photographié. Et ça a à voir avec le sang. Le flux en provenance de Chulainn commence à s’apaiser, mais ne disparaît pas totalement, sans doute parce qu’elle est animée par le même sentiment, pour d’autres raisons. Tu n’aurais pas entendu parler de tensions entre les Nordiques et un autre panthéon ? Il semble si certain que ça vient du Dieu unique ou des Nouveaux que ça interpelle la déesse. La petite valkyrie sait quelque chose ?

L’enveloppe humaine pose ses pieds nus sur le bureau, ses jambes fuselées sous le nez de Teutatès sans y prêter attention, elle se met à l’aise, même si la situation ne s’y prête pas. Si je suis disponible ? Depuis quand je ne le suis pas quand ça nous concerne ? Compte sur nous, où et quand ? Chulainn ne sera jamais loin, pas quand ça concerne des Dieux. Lui aussi veut des réponses, il l’aurait sans doute accompagnée ce soir, s’il l’avait pu. L’alcool est bon, elle savoure la liqueur en la laissant glisser sur sa langue quelques secondes, avant d’avaler, mais il serait meilleur avec une sucrerie. La déesse se met aussitôt en quête dans les tiroirs du bureau, mais son attention se porte sur le mini frigo et y farfouiller. Y a pas grand chose là dedans, mais elle tombe sur une part de tarte qui, à la vue et à l’odeur, semble délicieuse. Avant qu’il ne puisse l’arrêter, elle s’engouffre une bouchée. Rhubarbe ? Hmm... Roucoule-t-elle. Un régal.

Avec Morrigan, il faut souvent marcher sur des œufs… On ne sait jamais vraiment si elle vient pour s’amuser ou pour quelque chose de bien plus funeste. Parfois, les deux sont étroitement liés. Pour être un sonar à sentiments, je savais fort bien qu’elle n’était pas toute seule, là-haut, selon des critères standards des humains… Et sans doute aussi chez les divins. La guerrière avait subi tant et tant d’épreuves qu’elle avait perdu le sens commun des choses. Elle avait désormais une façon bien à elle de prendre les événements, de considère l’histoire en général, et la sienne en particulier. Elle ne s’accroche plus vraiment à des rêves de grandeur illusoires, mais elle n’arrive pas, toutefois, à vivre à peu près en entier dans le présent. Je n’étais même pas sûr et certain que le temps avait de la valeur pour elle, ni même si elle s’y retrouvait vraiment dans les époques qu’elle traversait. Elle errait parfois entre deux mondes, fils du temps entrecroisés à s’y méprendre.

La Morrigan n’avait plus toute sa tête depuis longtemps. Valais-je seulement mieux qu’elle ? Est-ce que ça comptait, vraiment ?

Sans doute que non. Elle rit à ma petite pique, peu convaincue sans doute de la véracité de mes dires. Je ne chercherais pas à l’en convaincre… On n’en avait besoin que quand on doutait de soi, et de ses capacités. Quand on était sûr comme moi de ce que l’on valait, quand on avait ce degré de connaissance de soi chevillé au corps, alors on ne craignait plus le doute. Le doute venait dans d’autres moments, quand on se rendait compte que ce qu’on valait n’était rien à côté des défis qui se retrouvaient face à nous.

Pour moi, le doute avait la couleur du bleu, et puis du blanc. Du silence et de la mort. Du désespoir le plus pur, dans les étendues froides et désolées de Russie, qui engloutissaient les hommes et leurs espoirs. Je dévisage la belle quand elle me met presque au défi de réagir vis-à-vis de son acolyte maudit. Encore ce petit jeu éternel, entre eux. Il n’y aura jamais de fin autrement que dans leur mort à chacun. Je dévie le regard sur mon téléphone, et lui envoie donc de mettre ses putains d’émotions en veilleuse, qu’une discussion de grands se tenait ici. Il n’allait pas apprécier. Mais me défier, pour autant ? Pas aujourd’hui. En direct, en frontal. C’était sa manière de faire, et la mienne, et celle de Morrigan aussi. Bande de barbares à demi civilisés, bagarreurs comme pas possible. La cousine tombe dans mon siège et boit le whisky que je lui offre, tout en profitant éhontément de mon bureau, du confort qu’il peut produire, et des indices qu’elle a à portée de main.

| Freyja ne sait rien, non. Odin a toujours eu des ennemis, dont beaucoup souhaitaient sans doute sa mort, mais qui en aurait eu le pouvoir, l’opportunité, le besoin ? La paix entre nos factions ne vaut que par le sang qu’elle économise. Si elle est rompue, et que nous nous battons, nous serons tous perdants. Le Dieu Unique et ses séides n’attendent que ça, que nous nous entredéchirions comme jadis, sans parler des Nouveaux Dieux… Pour l’instant, je ne sais rien. Mais je compte bien en apprendre plus en allant sur place. |

Mon regard dévie sur ses jambes. Qu’elle place, nues, juste devant mes yeux. A dessein. La Morrigan est joueuse, elle fait des choses parfois sans raison, mais je sens dans la tempête qui l’anime que ce n’est pas tellement le chaos qui la guide, ce soir. C’est autre chose. Une forme… D’appétit. Pas sexuel. Ou alors, vers Atchoum. Mais c’est autre chose.

Comme le guerrier barbu et casqué que j’étais jadis, elle reniflait l’odeur du sang. Et ça lui plaisait.

| Dans deux jours, à Hammerfest. On prend l’avion jusque Kautokeino, après c’est la voiture pendant des heures. Viens de ton côté, mais sois discrète. Interpol contrôlera mon voyage, comme ceux de tous les fonctionnaires qui s’intéressent au « trafic d’art » ; ils ont trop peur de la corruption. Tu devras t’inventer une identité et un alibi. On descendra à l’hotel Turistua, sur la côte. |

Je regarde son petit manège alors que couverte de mon manteau seulement, elle se met en quête de quelque chose dans mon bureau. Je la regarde faire, jusqu’à ce qu’elle ne commence à dévorer MA tarte. Je soupire puis déglutis de frustration, me pince l’arête du nez et me frotte les yeux du bout des doigts.

| Tu as de la chance que je te sais concentrée quand tu renifles l’odeur de la mort, sinon tu aurais déjà giclé de ce siège à coups de pied au cul, c’est moi qui te le dis, et rien à foutre que tu doives t’expliquer à poil devant la sécurité. |

Je la regarde bouffer mon dessert du jour, oublié dans le mini frigo.

| C’est quoi, ton prix, pour cette petite expédition ? |

Il y en avait souvent eu un. Morrigan n’était pas du genre à cracher sur un renvoi d’ascenseur, et sa nature la poussait à se mettre souvent dans des merdes noires.

Le sourire de la déesse s’élargit lorsque Teutatès envoie effectivement un message à Chulainn, oh oui ce dernier va être furieux. Son retour ne sera pas de tout repos, sans doute condamnera-t-il le comportement de Teutatès, elle le sent déjà au tréfond de son esprit tandis que ses yeux se ferment brièvement, un éclat de fureur, violente ardeur qui la traverse, elle s’y enveloppe comme une couverture douillette dans laquelle se prélasser. Ce sentiment présage toujours des choses inattendues, parfois même désespérées. Quand il s’agit de Teutatès et Chulainn il lui tarde de voir la confrontation. On ne peut être des divinités liées à la guerre sans en apprécier la violence et le sang qui en découlent. C’est inexorable lorsque l’on né pour encourager les guerriers, pour les batailles. Il te revaudra ça. Prévient-elle.

Freyja ne sait rien. Teutatès appelle Morrigan pour le couvrir, alors que Freyja est tout aussi capable d’assurer un back up, que foutent donc les nordiques pour les leurs ? Serait-ce aux celtes de gérer leur merdier ? Quoi qu’il en soit, il peut compter sur l’irlandaise en quête de réponses. Odin est mort, qui sera le prochain ? Elle peut-être, Teutatès, ou un autre membre du panthéon. On ne peut pas dire qu’elle craigne pour sa conscience, cela fait bien longtemps qu’elle n’existe plus, perdue dans les méandres de sa démence. Ce n’est pas pour autant qu’elle souhaite la mort des siens si elle peut l’éviter.

Le raisonnement de son cousin se tient, diviser pour mieux régner. Dieu unique ou Nouveaux dieux, à qui cela servirait le plus ? Cela va trop loin pour la Morrigan, les enquêtes nécessitent trop de réflexion pour qu’elle soit efficace dans ce domaine, qu’on lui désigne l’ennemi et elle en fera son affaire. Elle laisse volontiers la charge à Teutatès de le découvrir, il est tout désigné pour y parvenir et ne manque pas de ressources à travers Interpol. Tout comme elle ne manquera pas de ressources avec ses mercenaires si la nécessité se fait ressentir. Un weekend prolongé en Norvège ne nous fera pas de mal. Petit couple en touristes, personne ne se méfiera d’eux étant donné que c’est un rôle qu’ils ont joué plus d’une fois. Ça aide quand des siècles de relations conflictuelles, comme fusionnelles, les unis. Elle retient seulement le nom de l’hôtel, Chulainn se chargera du reste.

L’impatience d’en découdre la guette, il n’est pas dit qu’ils auront à affronter qui que ce soit en Norvège, ni qu’ils y trouveront toutes les réponses, mais c’est un début. De ce fait, l’enthousiasme la gagne, aucun regret quant à sa visite surprise. L’aurait-il impliqué si elle était restée dans son coin ? Ça n'a pas vraiment d’importance. Tandis qu’elle croque un bout de sa tarte, son attention est tournée vers sa réaction et son sourire fleurit, son regard brille, le met au défi de mettre en action ses menaces. Le supplie presque de le faire en bonne bagarreuse qu’elle est. Par Toutatis le ciel me tombe sur la tête ! Dramatise-t-elle avant de s’enfiler une seconde bouchée de sa tarte. Me donner en pâture à ta sécurité, nue, vulnérable, je t’en prie, passe moi les menottes … Aucune crainte à avoir, ce n’est pas sans raison qu’elle possède cette enveloppe humaine, il suffit de la regarder, une superbe créature au regard de braise. Il n’y a qu’à voir ses jambes, elle a bien vu le regard qu’il y a porté, ça ne laisse insensible aucun homme.

Et voilà qu’il parle tarif, il ne s’agit pas de monnaie, ils ont tous amassé des trésors au fil des saisons, années, siècles. Je viendrais chercher mon dû le moment venu. Récolter les dettes est bien plus satisfaisant que d’annoncer son prix à l’avance. D’autant plus lorsqu’il s’agit de Teutatès qui en doit déjà une à Chulainn qui lui a sauvé les miches une fois. En l'occurrence, elle a déjà sa petite idée, mais la garde lorsqu’elle en aura véritablement besoin. Tu en veux un bout peut-être ? S’enquit-elle en lui présentant sa part de tarte. Et sur quoi d’autres tu travailles en ce moment ? Sa société militaire peut-être ?

Il n’y a pas beaucoup de plaisirs dans notre vie actuelle, moderne, bien proprette… Mais rencontrer Morrigan, puisque cela donne à chaque fois des situations imprévisibles, est au rang des bonnes surprises que l’éternité peut encore procurer. Je la sens toujours confuse. L’esprit toujours phagocyté, jour et nuit, par sa relation avec son maudit. Je sais qu’ils ont un lien indestructible. Aliénant. Ils s’appartiennent mutuellement. Et leur folie leur est propre, en toutes circonstances. Je sens l’influence qu’a l’irlandais sur la divine, et cette rage brutale, chaude comme un feu ardent, qui l’étreint presque spasmodiquement. Eux aussi menaient une existence de rage et de fureur, de violence et de haine. Ce n’était pas tellement ce que nous souhaitions aux origines, sauf qu’il fallait bien reconnaître qu’une victoire totale et incompressible sur nos ennemis n’avait jamais été accessibles. Je me fiche des états d’âme de son maudit. Béni et maudit par le toucher de divins bien plus puissants que ce qu’il n’avait jamais été, Chulainn ne m’importait guère.

| Je n’ai pas peur de lui. Ni de personne. |

La peur et moi étions de vieux amis. Elle fut ma maîtresse, jadis, quand je la dominais et l’écrasais chez mes fidèles pour courir sus aux germains, aux grecs, aux romains, à tous ceux que nous étions amenés à combattre. Puis, elle s’était faite capricieuse, cette peur qu’autrefois j’éveillais, dominais et dans laquelle je me vautrais pour terroriser mes adversaires. Avec mes pouvoirs déclinant, mon degré de maîtrise était moindre et j’avais fini par véritablement subir le contrecoup de ma possession des âmes mortelles ; la peur de mes suivants, de tous ceux qui m’entouraient… C’était un vrai poison. Comme le reste de leurs émotions, d’ailleurs. Leur désir permanent, leur envie, leur colère, leur ambition…

J’en venais parfois à douter d’avoir jamais ressenti quelque chose qui m’appartienne en propre. Combien de fois étais-je entré dans des bagarres juste pour avoir ressenti les pulsions guerrières des humains qui m’entouraient ? Je n’avais pas pu résister. Comme à certains désirs humains, totalement irrépressibles. Jusqu’à vouloir me donner la mort, la Mort Véritable, au retour de la Campagne de Russie quand j’étais le jouet, des semaines durant, du désespoir des soldats affamés, gelés, terrorisés, qui mouraient peu à peu et dont je ressentais chaque infime nuance d’agonie. J’acquiesce d’un signe de tête quand la guerrière donne son accord pour venir. Je la préviens, toutefois.

| Attention quand même. Atchoum et toi vous riez peut être du danger, mais il n’en reste pas moins que ceux qui ont fait ça ont su tuer un dieu. |

Je sens monter en elle le désir de combattre, de l’émulation guerrière. Nous nous sommes déjà entraînés, et ça a plusieurs fois failli dégénérer. Nous n’avons jamais été bons perdants, ça n’a simplement jamais été dans notre nature. La belle me tance, me pousse dans les retranchements.

| Tu n’es jamais vulnérable. Même nue. Et te passer des menottes n’y changerait rien, nous le savons tous les deux. |

Un prêté pour un rendu. Ne jamais rien concéder, pour ne pas se faire avaler tout cru.

| Tu me devras un dessert en Norvège, alors. |

Pour le reste sourire énigmatique.

| Le secret d’instruction, tu connais ? Pas sur tes fesses ni celles de ton protégé. C’est du ressort d’autres malchanceux que moi de vous courir après, j’imagine. Traite de femmes, trafic d’art, meurtriers internationaux. Tu te sens la conscience coupable, cousine ? |

Je l’observe d’un regard pénétrant.

| Je ne crois pas. Tu assumes tout ce que tu fais. Je lis en toi comme dans un livre. Et je n’ai jamais lu roman qui soit un foutoir pareil de sentiments aussi violents et contradictoires. Parfois, je lis en toi le même bordel que tout ce qui me torture en permanence. Atchoum ne peut pas t'aider à y mettre de l'ordre? |

Teutatès n’a peur de rien ni de personne, il l’énonce haut et fort, mais elle n’est pas dupe. S’il ne redoute pas Chulainn, à juste titre, il existe forcément quelque chose qui le terrifie. Ils ne sont pas infaillibles, même pour des Dieux en perte de leur puissance. Même elle a peur de quelque chose, mais pas de la Mort. Comme perdre sa liberté, la solitude, ne plus avoir Chulainn à ses côtés, elle a peur de beaucoup de choses, mais pas de la fatalité qui serait salvateur finalement. On ne peut pas regretter lorsqu’on n’existe plus, seuls ceux qui restent peuvent regretter ce qui n’est plus.

Il les met en garde, elle croise son regard, il est très sérieux alors qu’elle est espiègle. Ce n’est pas Chulainn qui se rit du danger, bien au contraire il est le plus raisonnable des deux et s’efforce toujours d’apaiser l’appétit féroce de la Morrigan pour le danger. Elle, qui se jette dans la bataille sans réfléchir, impulsive, impétueuse, impitoyable. Ce qui lui a valu plus d’un tour dans l'éther, plus ou moins long. Et pourtant, elle n’apprend pas de ses erreurs et recommence, elle ne peut pas changer l’essence même de ce qu’elle est, une divinité liée à la guerre. Ne t’inquiète pas pour nous, on n’est pas à notre premier rodéo.

La divinité le provoque un peu, par amusement plus que par défi. Elle a toujours été joueuse, une personnalité commune à sa seconde apparence de corneille. Il n’entre pas dans son jeu, tant pis, elle continue de manger sa part de tarte. Il doit sans doute garder son calme sur son lieu de travail, l’idée lui traverse l’esprit de venir l’y embêter un peu plus souvent pour tuer l’ennui. Dommage, les menottes ne me dérangeaient pas. Plaisante-t-elle. A moitié, les menottes peuvent être intéressantes, dans d’autres circonstances. Un dessert pour le monsieur. C’est pas cher payé pour le vol d’une part de tarte. Délicieuse au demeurant.

Si elle se sent la conscience coupable ? Elle rit en son fort intérieur, bien sûr que non, mais selon les lois humaines, elle bafoue chaque jour une bonne dizaine de leurs lois stupide et vit littéralement dans l’illégalité. Les humains en font toujours trop, mais elle dispose d’un allié de poids pour sa défense avec Lucifer en personne. Ce pervers est malgré tout un acharné au travail et parce qu’ils sont semblables elle ne pouvait trouver mieux qu’un Dieu pour assurer la défense de sa société, ou d’elle-même quand elle se trouve dans des situations improbables. Il a déjà fait le tri dans tout ce que tu perçois Teutatès. Que veux-tu c’est ce qui fait tout mon charme, il faut me lire plusieurs fois pour pouvoir me comprendre.

Sa dernière bouchée de tarte avalée, la divinité soulève ses fesses du fauteuil du capitaine. Elle a obtenu ce qu’elle voulait en venant ici, il est acté qu’ils se retrouveront en Norvège dans 2 jours. Il lui tarde d’y être, se confronter à ces tueurs de Dieu s’ils sont toujours là. Puisque tu ne me cours pas après je vais te laisser à tes enquêtes. Elle s’approche de lui pour déposer un baiser sur sa joue, elle peut être affectueuse quand elle le veut bien. Garde bien tes oeillères, ça arrange mes affaires. Tu m’ouvres stores et fenêtres ? A moins de vouloir garder l’oiseau en cage… Elle se glisse dans son dos pour retirer sa veste en toute intimité pour entamer sa transformation en corneille et s’envoler en dehors des bureaux parisiens d’Interpol.

La Vérité est Ailleurs

Teutatès & Morrigan

« Bureaux d’Interpol, Paris, 27 décembre 2020 »

L’expérience était étrange, que de retrouver Morrigan nue dans mon bureau. Mais pas désagréable, à plus d’un titre. La bougresse le savait, évidemment, et elle jouait là-dessus mais comme une plaisanterie provisoire, anodine, pas le genre à durer dix ans et même plutôt dix secondes. Il était évident à mes yeux que dans son cœur, elle était plutôt du genre à souhaiter la guerre que l’amour des corps, la divine. Et plutôt deux fois qu’une. Ca m’allait parfaitement. Je ne rentrais pas dans ce petit jeu. J’avais d’autres atouts pour moi qu’elle qui avait ce corps. Du moins, il m’était permis de le penser…

Soit alors, je ne m’inquiéterais pas pour elle, ni pour son maudit. Si c’était ce qu’elle désirait… Qui serais-je pour la braver ? Je ne lui ferais pas l’insulte de la brimer, seulement de la commander selon les modalités de la mission. Le reste ne regardait qu’elle et l’humain qui l’accompagnait comme son ombre, et dont je ressentais même encore maintenant la violence d’émotions parfois contradictoires qui l’étreignaient, au quotidien en général ou vis-à-vis de la divine en particulier.

| Ok, mais je compte sur votre discrétion. Vous êtes un joker, et pas là pour buter tout le monde. |

Je la rabrouais plus pour lui rappeler que cette fois c’était moi aux commandes que par doute réel sur ses compétences ou ses motivations. Elle continue de me tancer, de me taquiner, de jouer les nymphes, ce qu’elle n’était assurément pas… Je ne doutais pas de la sensualité potentielle de la guerrière, mais j’avais déjà vu son visage de guerre, et je ne pourrais sans doute que me méfier de l’ampleur de ses désirs et de ses fantasmes. En elle, je n’avais jamais ressenti que la violence, même dans ce qu’elle éprouvait pour ceux qui comptaient pour elle.

| Note le dessert, je ramènerais les menottes. |

Pas question d’entrer dans son jeu à moins de le mener. Morrigan défend bec et ongles Chulainn, ils formaient une sacrée paire tous les deux, et elle expliquait du même coup avec un rien de vantardise qu’elle n’était pas simple à comprendre. Son baiser sur la joue ne me laisse pas totalement de marbre, mais j’avais lu en elle une certaine sérénité ; elle ne pensait pas alors à me provoquer, et c’était tant mieux.

| Je te lirais encore, alors, si nous devons vivre ensemble cette galère. Et ne m’arrêterais qu’à la fin du livre… |

Je m’exécute alors, ouvre le store et la fenêtre dans la nuit parisienne et m’efface derrière le battant, ne frémissant ni ne cillant dans la bourrasque déclenchée par l’envol du volatile qui part à tire d’ailes et que je suis un temps dans la nuit, ombre se détachant des nuages dans le ciel parisien réverbérant la lumière de la ville.

| Vole, guerrière. Bientôt, il te faudra danser, et semer la mort. |

(c) DΛNDELION