"T'aurais une p'tite pièce ?"

Sujet: "T'aurais une p'tite pièce ?" Jeu 4 Aoû - 13:41

"Mais qu'est-ce que tu racontes mahboul ?"

Ce vieux là il est vraiment perché, j'ai l'impression qu'il est pas tout seul. Enfin, ça c'est ma parano, j'veux juste dire qu'il a pas la lumière à tout les étages. Y'a des gars perchés quand j'traîne par ici mais lui il a la palme. J'crois en ce moment, y'en a pas mal qui mériteraient l'festival de Cannes tellement ils sont plus loin qu'moi, aussi saoûl que je sois ce soir.

Boh, j'ai bien dû boire quoi ? L'équivalent de dix pintes, ça m'fait pas trembler des genoux. Ok j'ai l'esprit qui vagabonde après avoir envoyé chier l'autre con, ok j'peux p'tet tanguer d'un côté quand j'regarde si y'a pas un sale enculé qui m'a répondu pour que j'squatte son canapé, les yeux pétillants... Mais j'suis assez alerte et ces derniers, pas assez pétillant pour que j'remarque une femme qui perd un truc de son sac à main.

Portefeuille !

Bingo, ça tombe y'a d'quoi m'payer une nuit dans un hôtel crasseux en banlieue, pépouze ? Même pas ! La bougre, elle a quoi, rien dedans, y'a même encore l'étiquette, elle vient de l'acheter ou le gars qui lui a fait l'cadeau s'en bats les glawis. C'pas le grand luxe, j'ai pas envie d'me saouler à revendre ça alors que j'vais galérer à en tirer vingt balles grand max, si j'arnaque bien.

"Hé madame !" Que j'fais en m'rendant compte de ma démarche particulière de charo du quartier. Pour sûr qu'elle m'ignore ou qu'elle a des écouteurs alors bon, tant pis, j'cours après, en espérant qu'elle ait pas de la lacrymo en m'pensant dégénéré. "Excusez moi vous avez fait tomber ça !"

Normalement l'fait que j'l'ai dépassé de quelques mètres avant d'me retourner pour qu'elle voit ma gueule, son machin et qu'il y ait une distance entre nous assez conséquente pour éviter qu'elle s'imagine je n'sais quoi, ça devrait m'éviter les soucis. Après, pour le moment j'lui montre juste... Un truc me dit qu'elle est p'tet assez friquée pour une p'tite récompense... Mais ça vaut quoi une récompense pour un truc dont elle a p'tet rien à foutre ?

"Après j'l'ai vu, si vous l'voulez pas j'le garde."

C'quoi ce bluff de merde. Putain j'sens la bibine en même temps, elle va remarquer que j'suis pas bien fute-fute. En vrai j'me demande c'que j'vais en tirer et j'me dis, probablement quechi. J'suis vraiment un connard parfois.

Si y'a l'équivalent d'quoi aller m'décalquer au rosé de chez Rachid avant d'dormir à l'arrêt de bus, c'toujours bon de tenter quand même.

"T'aurais une p'tite pièce ?"

Malik et Masha

J'aimais beaucoup cette petite boutique du quartier latin. Déjà parce que ce n'était pas cher et ensuite, on pouvait toujours y trouver des petites pépites assez inattendues comme ce lot de livres que je venais d'acheter. Des éditions assez rares de certaines oeuvres de Zola. Rien à voir avec les livres sur les dieux et leurs pratiques que j'achetais régulièrement aux enchères, dans des cercles très fermés. Non, là c'était juste pour le plaisir ! J'aimais la littérature française, même si bien évidemment je trouvais que la littérature anglaise la surpassait, en bonne britannique que j'étais. Un léger sourire aux lèvres, je sors de la boutique, j'avais hâte de me mettre à lire ces oeuvres, n'ayant au final que très peu de temps pour moi-même. Même si je savais que ma mission avec les Deicides était d'une importance capitale, je commençais doucement à m'en détacher, à prendre plus de recul, même si bien évidemment, je ne montre rien de tout cela. C'était déjà bien assez compliqué pour moi ces temps-ci autant ne pas en rajouter une couche. Je fouille un temps dans mon sac, mais je ne fais pas plus attention que cela au fait que quelque chose était tombé sur le sol.

Mais bien vite, je fus rattrapé par une voix, puis par une personne physique et je sors de mes pensées assez soudainement. Je me tourne vers l'homme en question qui tenait un portefeuille qui était tombé de mon sac et j'eus un léger sourire en coin. Il n'y avait rien dedans, je devais faire le tri dans l'ancien qui se trouvait au fond de mon sac dans le nouveau qu'il tenait en main. Il garde ses distances et je garde les miennes, ne sachant pas à qui j'avais à faire, mais je me détends rapidement, je n'aurais aucun mal à me débarrasser de lui si jamais il devenait trop menaçant. Au pire, je crie et je joue les jeunes femmes effarouchées, ça le fera sans doute fuir. " Merci." Mon accent anglais se fait encore entendre alors que je suis à Paris depuis des années maintenant. Je tends la main pour le récupérer et je hausse un sourcil à ses dires. Il sentait l'alcool à plein nez et je me demande depuis combien de temps il n'avait pas pris une douche. Mais là, c'était vraiment les relents d'alcool que je sentais le plus. Je soupire légèrement et reprends. " Il ne vaut pas grand-chose, même pas de quoi vous payer un verre d'alcool." Je l'avais acheté au marché quelques jours plus tôt et je souris amusée par son bluff. " Dites, votre bluff, ça marche des fois ?" La question était sérieuse, parce que je doutais fortement de la réussite en elle-même. Je reste pensive quelques secondes. " Je peux vous offrir un café en remerciement. A la limite une bière, vu votre état je doute que ça puisse être pire." Pas que je tienne à cet objet, mais il avait fait l'effort de me le rendre, donc c'était la moindre des choses. Même s'il espérait certainement de l'argent en guise de remerciement pour ce geste pas si désintéressé que cela.

copyright Bloody Storm

"Mewci" "Bonjouw" "Vous auwiez un stylo plize"... Putain, j'suis tombé sur une touriste je crois. Normalement ça devrait me faire marrer et ça devrait faciliter les choses mais malgré l'accent, j'sens bien qu'la dame côtoie la ville. C'est des choses qui se ressentent direct ça, même pété comme un canard.

Elle est dépitée, j'pense qu'elle connaît les gars dans mon genre vu c'qu'elle me répond, après, j'ai aucune honte à être un gratteur, encore plus quand j'suis bien comme ça. Ah ça, l'seul soucis c'est d'avoir replongé. Mais replongé, ça permet de pas penser qu'on a replongé et de kiffer l'instant. Sauf que j'le kiffe pas trop là. J'vois pas c'que j'peux gratter d'elle du coup et j'me sens bien con avec ça dans mes pattes.

"J'sais bien ça..." Que j'dis avant de remarquer un p'tit sourire un peu mesquin à mon goût. Ouais, c'est le cas j'crois vu c'qu'elle déclare et bah... J'avoue, j'peux pas m'empêcher de sourire moi aussi, j'savais qu'elle était pas si conne."J'suis pas spécialisé en arnaque." C'qui était ni faux ni vrai."Mais vous savez quand y'a moyen de se faire un p'tit billet..."

Autant être honnête puisqu'elle a capté mon p'tit manège. C'est bizarre parce qu'en ce moment j'rencontre que des illuminés ou justement des touristes bon pigeon dans l'coin. Puis j'pense qu'elle a raison. Ahchem c'que j'dois puer l'alcool à m'être détruit comme ça aujourd'hui. C'pas comme si j'pouvais rattraper le coup alors si elle propose de me finir dans un établissement où j'buverais autre chose que de la piquette premier prix, je prends direct.

"J'ai un foie en acier, j'vous préviens, c'est minimum une pinte d'accord?"

C'est un peu sans son accord que j'prends les devants avant de m'rendre compte qu'en fait, si j'attends quelque chose d'elle, c'est à moi de l'attendre et de la laisser diriger.

"Si vous êtes d'accord." Demandais-je plus par envie d'avoir mon p'tit verre que par politesse. "Dans tous les cas j'vous suis."

C'est c'que j'fais en essayant de pas trop tituber. J'sais même pas vraiment c'qu'elle va choisir et quand je la vois entrer dans un truc plus classe que c'que j'ai l'habitude de fréquenter, qu'elle le fasse pour se plaindre qu'un clochard la suit ou pour tenir sa promesse, j'm'y engouffre aussi malgré ma dégaine remarquée par le videur du coin. Mais j'fais un geste qui dit que j'suis la dame plus classe et j'suis pas bloqué... Il va me surveiller c'bâtard, je le sens. Quand elle s'assoit enfin à une table et que j'en fais de même, me postichant en face, en regardant à l'extérieur ce gros baraqué qui jette quand même encore quelques coups d'oeil pour vérifier que j'lui ai pas menti.

"J'vous ai demandé un verre, pas un cocktail hein..."

Me v'la mal à l'aise, moi qui était pleinement confiant y'a quelques minutes quand j'lui tendais son machin en tentant de taxer... En plus tout le monde me regarde. Ou alors c'est ma parano. Mais j'me sens tendu dans c'machin et j'ai plus l'contrôle, c'était mieux dehors. Bordel j'aime pas ça.

"C'est pas un piège hein ? J'vous jure que j'voulais juste vous tirer quelques euros, c'tout hein."

Wallah, c'est un piège. Je le jure. Pourtant, dans ses yeux, j'en ai pas l'impression... Putain de jnoun ! C'est lui qui m'fait m'bousiller les intestins !

"T'aurais une p'tite pièce ?"

Malik et Masha

J'habitais à Paris depuis quelques années maintenant et si je m'étais habituée à certaines choses, pour d'autres, c'était un peu plus compliqué. Je n'étais pas une simple touriste, quand bien même je n'étais pas française, j'étais une habitante de Paris et donc j'étais plus compliqué à piéger qu'une touriste de base. Mais bien tenté de sa part. Ce n'était pas le premier à m'aborder de la sorte et sans doute pas le dernier, mais il y avait une certaine part d'honnêteté chez lui qui faisait défaut à bien d'autres personnes. Certes, je savais bien qu'il espérait quelque chose en retour, mais la situation me fit légèrement sourire. Il puait l'alcool c'était flagrant, mais il n'avait pas l'air méchant pour autant. Mais je me demande si son bluff marche et il me répond qu'il n'est pas spécialisé dans l'arnaque. Je voulais bien le croire et je hoche la tête à la suite de sa phrase. " J'imagine oui." Malgré sa dégaine, il me semblait assez sympathique. Pas agressif, même assez poli ce qui me surprenait quelque peu. Pour autant, je lui propose de boire un verre pour le remercier, doutant de toute façon que cela aggravera son cas. Evidemment, ce n'était pas vraiment un bon plan, mais je n'étais pas non plus mère Theresa, je ne sauvais pas les gens. Il ajoute qu'il a un foie en acier et que c'est au minimum une pinte que je devrais lui prendre. Il prend même les devants avant de se raviser, me demandant si j'étais d'accord. Je souris légèrement et hoche la tête. " D'accord." Et cette fois, c'est moi qui prends les choses en main.

Je l'emmène dans un endroit où j'ai mes habitudes. Ce n'est pas un truc hyper classe, au vu des moyens que j'ai, mais c'est tout à fait suffisant pour la petite parisienne que je suis désormais. Mère trouverait cet endroit indigne, mais elle agit encore comme une noble, chose que je ne fais plus. Je file m'asseoir et il s'installe en face de moi, le tout sous le regard du vigile qui se demande sans doute ce qu'un type comme lui fait avec quelqu'un comme moi, mais je n'y prête pas attention. " Détendez vous, c'est juste un bistrot, mais pas de ceux que vous fréquentez d'ordinaire. La bière y sera bien meilleure." Il semble bien mal à l'aise, tandis que moi je posais mes affaires tranquillement à côté de moi. Je repose les yeux vers lui quand il me demande si c'est un piège et je ris légèrement. " Je sais bien, et non ce n'est pas un piège. Mais je me disais que manger quelque chose pour accompagner votre bière ne vous fera pas de mal. Ils font de très bons plats ici." Ce n'était pas de la charité, mais ça l'aidera sans doute à décuver un peu. Le serveur arrive et je souris alors que ce dernier regarde le jeune homme avec méfiance. " Il est avec moi. Je prendrais un verre de chardonnay et une pinte de blonde pour lui. Et la carte, on mangera peut-être quelque chose." Ce dernier s'en va et je repose mon attention sur lui. " Au fait, je me présente, Masha Lancaster. Et vous ? " Je repose mon regard sur l'extérieur en attendant sa réponse.

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J'ai du mal à calmer l'démon qui a envie de tout retourner et de se barrer d'ici mais j'veux c'putain de verre. C'te dame classe avec qui j'fais tâche est plutôt perspicace en plus, quand elle m'voit regarder un peu partout en plus de lui demander si elle me piégeait, c'était pas non plus bien compliqué. Au moins ça a le mérite de faire redescendre un peu l'ivresse avec la pression.

"J'avoue que j'suis plus cantonné au PMU" Ca sort tout seul mais j'pense qu'elle l'avait déjà bien entendu. Pour ça que j'peux pas m'empêcher de me demander si elle m'a pas amené dans un endroit classe où elle connaît tout le monde pour m'casser la gueule. Mais franchement, elle me rassure bien vite et j'ai même plus un soupçon de parano. A part à cause de quelques regards mais plus la concernant. Elle me fait même saliver en plus de me rassurer. "Euh... C'est pas de refus."

J'suis pas tombée sur une mauvaise bougre, elle est polie et tout c'qui s'en suit en plus de ça. J'me vois mal l'envoyer chier alors que j'réfléchis déjà avec quoi j'peux bien m'faire remplir le bide. J'sais pas à quel degré tabasse leur blonde non plus mais j'ai bien hâte de l'avoir entre les mains celle là. Une pression bien fraîche, c'toujours mieux que la Heineken en boîte aluminium dans l'réfrigérateur de l'épicerie du coin.

Par contre j'aime pas trop comment ce serveur me dévisage et il a de la chance que j'sois encore un peu dans le stress de me demander moi aussi, comme lui, c'que j'fous là sinon j'me serais fait un plaisir de lui mettre une bonne gifle dans sa gueule. Mais ça, ça annulerait la bibine et la graillance. Alors j'me contente juste de le suivre avec des yeux noirs quand l'toutou obéit à la dame.

"Enchanté m'dame Lancaster. Moi c'est Malik. Malik..." J'cherche une dixième de seconde un faux nom avant de laisser tomber, j'ai pas la tête à ça. "Benjawi."

C'est mon tour de regarder au dehors pour pas expliquer ma légère hésitation. Lancaster, elle m'avait pas menti après tout elle. Ca collait avec son p'tit air étranger genre.

Cela dit, j'finis par retourner mon regard vers l'intérieur quand on nous ramène ce qu'elle a demandé et c'est sans un regard pour l'enculé de serveur, ni pour elle que j'avale déjà une bonne première gorgée.

"Merci bien !" Que j'fais en levant légèrement la pinte à sa santé en lâchant un léger rot que j'aurais préféré retenir. "On est pas au bar de Gégé là mon p'tit pote" que j'me dis. "Pardonnez moi."

Si j'étais pas un connard, j'rougirais mais bon, ça va, j'ai pas dit "hamdullah" non plus. Cependant, maintenant que j'ai l'verre, la carte que j'ose à peine regarder parce que j'suis un enculé mais pas au point de profiter un max quand j'suis face à quelqu'un de bonne foi, j'me dis que j'dois faire la discussion. C'est con parce que c'est là que j'suis pas très doué avec des personnes de son genre. Avec les gars d'la tece encore, ça passe tout seul.

"Alors Masha... Que faîtes-vous à Paris ?" J'sais pas si c'est de bon augure mais j'tente au moins. Vu qu'elle m'a guidé ici, c'que j'ai deviné c'est qu'elle connaissait le coin. "Vous traînez souvent dans c'quartier qui devient fou la nuit ?"

Là ça m'intéressait. Parce que comme j'y avais eu le droit plus tôt, y'avait de sacrés illuminés ici, mais genre, carrément plus qu'avant.

"J'dis ça parce que pour une touriste, vous aviez l'pas assuré."

"T'aurais une p'tite pièce ?"

Malik et Masha

Assise en face de lui, je l'observe pendant qu'il m'annonce qu'il a plus l'habitude des bars PMU que de ce genre d'endroit. Je le crois sans peine. Pourtant, ce n'est pas de la pitié que je ressens pour le traîner ici, ni même faire une bonne action, je ne sais même pas pourquoi je le fais, mais ça avait au moins le plaisir de rendre cette journée bien plus surprenante que je ne l'aurais imaginé en me levant ce matin. Je hoche légèrement la tête, sans rien dire parce que ça me paraissait évidant qu'il n'était pas très à l'aise. Il accepte donc de rester manger avec moi et je commence par demander à boire et la carte. Le jeune homme s'exécute, non sans couler un regard à l'homme qui m'accompagnait au passage. Généralement je viens ici seule ou avec des amies, mais c'est bien la première fois que je viens avec un illustre inconnu dont je ne sais même pas le nom. Du coup, je me présente et je souris à sa réponse. " Oh non pas de Madame, s'il vous plaît ! Je ne suis pas si vieille !" Je ris amusée, alors qu'il me donne son identité. " Ravie de vous connaître Malik. Appelez-moi Masha, ça sera suffisant, je vous assure." Même si Lancaster renvoie à un prestige anglais des temps anciens, je ne suis pas à cheval là-dessus. Ma mère en revanche le serait bien plus, mais je ne suis pas comme elle, heureusement.

Le serveur arrive avec la commande des boissons et il s'empresse de boire une gorgée de sa bière, tandis que je porte le verre de vin à mes lèvres. Il s'excuse suite au rot qui a franchi ses lèvres mais je ne relève pas, faisant semblant d'être concentrée dans la lecture de la carte que je connaissais pourtant bien. Je ne voulais pas le mettre mal à l'aise parce que nous venions clairement de deux mondes différents, mais là n'était pas le sujet. Il relance la discussion et je relève le regard vers lui. " Je tiens une librairie à Montmartre." Enfin, je ne fais pas que ça, mais il n'y a aucune raison pour qu'il le sache. Apprendre à connaître les dieux, a comprendre les mythes, les légendes, afin d'exploiter au mieux leurs faiblesses, voilà ce que je fais réellement la majeure partie du temps. Mais ça ne s'annonce pas comme ça, alors je passe ce fait sous silence. " Paris devient folle toutes les nuits vous savez, pas seulement ce quartier. Mais ça fait cinq ans et demi que je suis ici et je n'ai jamais eu trop de problèmes." Parce que je savais me défendre au cas-où. " Mon accent me trahi encore à ce que je vois." Amusée plus qu'autre chose, mais il est vrai que ce léger accent anglais, j'y tenais. Au moins pour ne pas oublier d'où je venais. " Et vous ? D'où venez vous ?" A mon tour de poser des questions. C'est comme ça qu'on alimente une discussion après tout. Et puis je savais déjà ce que j'allais manger.

copyright Bloody Storm

C'est pas une touriste finalement alors, malgré le nom et l'élégance du "Ne mappellez pas madame s'il vous plaît". Plutôt une littéraire, un truc du genre, ça m'surprendrait pas bien t'façon, elle a la dégaine qui va avec ce profil. Après encore une fois, de fait, j'me vois mal comment tenir une discussion avec quelqu'un comme ça. J'pourrais p'tet lui citer un passage d'un texte que j'ai étudié en sixième et faire semblant que j'le trouve très profond mais j'pense que j'finirais par recracher ma bière par le nez quand elles se rendraient compte que c'était que des niaiseries.

"Une librairie à Montmartre carrément ? C'est classe." C'est bien là tout c'que j'suis capable de répondre. "Ca tourne bien ?"

J'prends des infos comme ça, on sait jamais. Même si avec Internet, la dernière fois que j'ai foutu les pieds dans un endroit avec des livres, c'était pour dormir et éponger discretos au chaud.

En attendant j'regarde la carte. J'trouve des plats dont j'connaissais pas l'nom et d'autres classiques. Ca fait un peu saliver même si j'rêverai bien d'un bon burger plutôt, un truc fat et bien gras pour m'caler les boyaux jusqu'à demain matin, si j'arrive à l'garder toute la nuit dans l'estomac. Du reste de fait, j'sais pas encore bien quoi prendre du coup.

"Ouais, mais y'a des quartiers plus fous qu'd'autres quand même." Ca j'suis bien placé pour l'savoir à avoir arpenter tous les coins les plus crasseux de la région parisienne. Paris elle-même. "Jamais eu trop ? Ca veut dire quelques uns quand même ?"

On m'la fait pas à moi ! Ca tombe c'est comme dans les films et cette meuf sait faire du kung-fu avec des talons sans qu'on le soupçonne. Genre là si j'avais de mauvaises intentions... Bah elle me fumerait ma race et tout. Enfin, j'pars loin, si bien que j'me marre tout seul comme un con.

"Pardon, j'étais dans mes pensées." J'préfère reboire une goutte pour sortir de mes songes débiles. "Ouais, après il est léger." J'ai connu bien pire, c'est ces touristes là qu'on peut bananer facilement. "Cinq ans, quand même, qu'est-ce qui vous a donné envie de rester ici ?"

J'demande avant de me laisser surprendre par sa question. Merde, faut j'parle de moi maintenant. J'aurais dû m'en douter. J'sais même pas bien c'que j'vais pouvoir dire pour éviter d'trop parler d'mes conneries. D'ma vie d'débauche quoi. Même si ça s'voit un peu à ma trogne.

"Euh moi ? Bah là j'venais de dehors quoi, j'traînais un peu." Que j'fais avant de voir un mouvement niveau sourcil qui veut dire qu'elle s'demande c'que j'baragouine... "Ah euh, nan, j'ai compris c'que vous demandiez. J'viens de la région du Rif au Maroc." Mais ça, c'est juste ma naissance et quelques années dans ma vie. "Mais j'suis arrivé jeune ici, mes parents sont venus habiter à Nanterre, on y avait déjà d'la famille installé. Du coup, j'sais pas bien quoi vous répondre. J'ai plus l'impression de venir d'ici moi."

Au moins j'suis totalement honnête alors que j'préfère mentir mais elle est sympa. Elle va m'payer à bouffer en plus. J'ai pas oublié ça. Elle a p'tet oublié ? Faudrait que j'demande. J'reprends la carte dans mes mains, ça fera p'tet passer le mot.

"Et sinon vous mangez quoi quand vous venez ici du coup ?"